Humour ? Vous avez-dit humour ?

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2013, street art, Marseille

Phrases alambiquées et prétentieuses, critiques acides des personnes et fort souvent de leur apparence physique, provocations ineptes, les comiques de dernière génération, qui confondent moquerie et humour, me laissent de glace quand ils ne m’insupportent pas, comme celui qui  a ce jeudi sévi dans la matinale de France Inter.

Donc un dénommé Walter, dont la biographie vante « l’élégance et la distinction » et «l’humour féroce et ravageur » s’est, puisque « Pour Walter, un seul credo : on peut rire de tout… du moment qu’on le fait avec classe » lancé dans une attaque en règle contre la proposition de loi pour l’abolition de la prostitution portée par Maud Olivier, députée socialiste.

Déjà, le préambule : « ne vous inquiétez pas Monsieur Sapin on peut se lâcher à cette heure-là il y a assez peu de chance que les chômeurs nous écoutent » m’avait fortement agacée, car que signifie cette allusion sinon que les chômeurs, ces feignasses, roupillent paisiblement le matin au lieu de chercher du boulot ? Stigmatiser des chômeurs, vieille et indigne rengaine serinée par la droite et régulièrement reprise par des socialistes se prétendant de gauche !

Le comique de service, s’est ensuite enfoncé, noyé, enseveli dans le sujet qui le préoccupait ce matin : l’abolition de la prostitution.
Pour ma part je ne suis pas abolitionniste, je suis anti-esclavagiste et la prostitution contrainte est une des pires formes d’esclavage. Pour le reste je ne prétends pas connaître le milieu de la prostitution, j’écoute, je lis, aussi bien les arguments des antis, comme le STRASS, que ceux des abolitionnistes.
Bref, toute opinion est recevable, que je la partage ou non, sous réserve qu’elle soit respectueuse de la dignité des personnes.
Ce matin, nous étions loin, très loin de toute dignité.
Extraits choisis :
« Pour que Madame Olivier soit suivie dans sa croisade contre la prostitution il faudrait que l’assemblée nationale ne soit pas constituée majoritairement de clients… de… de d’hommes ! »
Donc en gros tous les hommes sont des clients potentiels ! Considération non seulement imbécile et injuste mais qui banalise et même justifie la prostitution. Si tous les hommes sont disposés, intéressés par le sexe tarifé c’est donc que celui-ci a sa raison d’être.

S’en est suivi une consternante série de clichés, plus réducteurs et méprisants les uns que les autres et en aucun cas comiques :
« Imaginons que l’on parvienne un jour à éradiquer la prostitution et bien je vous le dis les conséquences seraient désastreuses pour l’économie française, premièrement ça entraînerait une chute vertigineuse des ventes de camionnettes »
« Deuxième conséquence dramatique en cas d’abolition de la prostitution, la désertification des forêts aux abords des villes à la tombée de la nuit »
« Toutes ces femmes privées de ressources, elles vont faire quoi ? Et bien elles vont aller pointer à pôle emploi »

Pour arriver à cette conclusion :
« N’oubliez pas Madame Olivier la prostitution est une activité tout à fait honorable qui ne fait de mal à personne sauf bien sûr à ceux qui ont payé le supplément pour qu’on leur fasse mal. »
Indolore, la prostitution ?
Jamais une torgnole ?
Jamais un bleu ?
Jamais un violent traumatisme psychologique ?
Jamais de sang ?
Jamais de larmes ?
Jamais de violence ?

Et vous trouvez ça drôle ?

Pour moi c’est affligeant, bête, méprisant, ô combien méprisant envers toutes celles et ceux (adultes et enfants) qui sont contraints à se prostituer, souvent battus, enfermés, privés de leurs droits et dont on nie la souffrance.

Et Walter de conclure :
«C’est la fin de cette chronique, pensez-y et quoique que vous en ayez pensé nous sommes sur France Inter et elle a donc été payée par vos impôts ».

C’est plus grave qu’il n’y paraît, car c’est justement France Inter qui diffuse ce genre de discours, sous couvert d’humour certes mais l’humour n’est jamais anodin. Il est intimement lié aux modes de pensée de la société et quand il est diffusé par une radio publique on peut se demander: de quoi, de qui veut-on nous faire rire? Ou plutôt, nous moquer?

Humour ? Vous avez dit humour ?

Un texte très intéressant: L’humour est une arme

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