La télé et moi

Flânant ce matin sur quelques blogs choisis, j’ai laissé, coïncidence, deux commentaires sur la télé.
Chez Cat, inspirée par la photo d’un coin du feu convivial, j’ai écrit trois lignes sur les veillées d’antan de nos aïeux campagnards.
Quand l’hiver les voisins et amis se réunissaient devant la cheminée pour y griller des châtaignes en sirotant la piquette locale et que le conteur attitré, ou improvisé, enchantait l’assistance de ses récits. On discutait des petites choses quotidiennes, les semailles, la rigueur du temps, les nouvelles des uns et des autres (ça devait médire aussi). Parfois l’un jouait un air d’accordéon, de violon ou de vielle et l’on chantait.

Bon, ne nous laissons pas pour autant emporter par une vision idyllique de la vie paysanne de nos ancêtres. Leur existence, passée à gratter une terre qui bien souvent n’était pas la leur, était dure, ingrate, liée à la versatilité des récoltes.

Puis arriva la télé. Au début les villageois se réunirent au café pour la regarder et les chopines de gros rouge aidant, l’ambiance était fort animée.

Mais en quelques années elle se répandit dans les foyers et chacun resta chez soi, l’œil rivé au petit écran qui était supposé lui offrir une inégalable ouverture sur le monde.

Plusieurs décennies plus tard, au vu de la soupe télévisuelle proposée par les chaînes les plus regardées, on peut légitimement se demander ce qu’est devenue cette fameuse ouverture sur le monde qui a eu pour effet collatéral immédiat de fermer sa porte aux voisins.

Mais qu’elle était belle, dans mon regard d’enfant, cette première télé, arrivée chez mes parents à la fin des années soixante !

J’ignorais alors que la censure veillait au grain et que l’ORTF n’était pas exactement le lieu de la parole libérée.

Donc ce matin, j’en étais à ce stade là de ma réflexion lorsque, passant chez Swâmi pour ma visite quotidienne, je découvris, avec ravissement, « le petit train de la mémoire » des interludes de l’ORTF (qui étaient aussi nombreux que les pannes).

Et la porte des souvenirs s’est ouverte.

J’ai revu des images brouillées du générique des « Histoires sans paroles » et ô merveille bakedbeans a déniché la vidéo.

Je me suis souvenue que le premier film que j’ai vu sur notre télé, une Radiola achetée à Argenton sur Creuse, a été « Mon épouse favorite » un film américain avec Cary Grant et Irene Dunne, que j’avais a-do-ré.

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Et puis chaque soir, vers sept heures, nous nous serrions tous les quatre (papa, maman, ma sœur et moi) sur le canapé de peluche grise, face au téléviseur. Il était posé sur Sa table en acajou luisant, dont les fins pieds de métal noir partaient en trapèze vers le tapis en coco rêche de la salle à manger. Et nous regardions Robin des bois, diffusé en feuilleton. Chaque épisode, que j’attendais avec impatience, durait une vingtaine de minutes. Bonheur.

Le dimanche, en fin de matinée, il était hors de question de rater. « La séquence du spectateur”.

Puis il y avait Discorama, avec la merveilleuse Denise Glaser, son visage fin et lumineux sous la frange noire, son élégance, sa voix grave, son sourire, son empathie, ses silences. Denise Glaser qui possédait ce don, si rare, d’inciter ses invités, comme ça, mine de rien, à dévoiler une part intime, sensible, authentique, d’eux-mêmes. Denise Glaser qui en donnant la parole à de jeunes artistes inconnus leur a permis d’accéder à la célébrité.
Sans facilité, ni flatterie, ni curiosité déplacée
Mais avec humour, avec intelligence, avec distinction.

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Après 1975, à la suite de l’élection d’un président qui voulait incarner la rupture (tiens lui aussi c’est une manie chez eux), le fameux Giscard d’Estaing, elle sera remerciée à cause de son profond ancrage politique à gauche. Arrivée au pouvoir la clique Mitterrandiste n’aura pas l’idée de faire appel à ses talents.
A son enterrement en 1983, seules deux artistes l’accompagneront au cimetière, Barbara et Catherine Lara.
Elle avait 63 ans.

Après Discorama la télé était réduite au silence car il n’était pas question de manger en la regardant.

Elle ne reprenait vie que vers cinq heures pour le film du dimanche après-midi (toujours américain maintenant que j’y pense). J’avais onze ans, western ou comédie c’était de toute façon un régal.
Le mot fin qui s’inscrivait sur l’écran concluait aussi ma journée de téléspectatrice. Le grand film du soir m’était, à mon grand dépit, formellement interdit.

J’aime avoir des souvenirs, c’est l’inestimable cadeau du temps qui passe.

Et vous, de quelles émissions vous souvenez-vous?

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