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Dernières odeurs, derniers sourires…

Et puis un matin on se réveille dans sa chambre du New Woodlands de Chennai et on réalise que, le soir même, on devra partir, regagner la petite Europe, la frileuse Italie où sourire à des inconnus est incongru.
Alors on se dit qu’on a déjà eu l’incroyable chance d’avoir passé deux mois en terre indienne et que l’on reviendra, vite, le plus vite possible.
On se dit aussi que puisque cette journée est la dernière, l’avion décollant à quatre heures du matin, on va en profiter au maximum, s’en emplir, s’en régaler, en jouir de tous ses sens, petits radars affûtés qui fixeront dans la mémoire les moindres détails.
De quoi sera-t-il fait, cet ultime jour ?
De courses.
Derniers achats frénétiques.
N’oublier personne, ni rien.

Ne surtout pas s’infliger le remords, le regret lancinant, d’un « non achat » (mais pourquoi, mais pourquoi, je ne l’ai pas acheté, ce sublime sac à main en cuir orange orné d’arabesques que, et là je me souviens de leur présence discrète au fond de mon armoire, j’aurais pu assortir avec les escarpins que je ne mets jamais, parce qu’orange, justement, dire que j’ai radiné pour 10 euros, que j’ai voulu la jouer je-n’achète-pas-tout-ce-qui-me-fait-envie-faut-quand-même-pas-exagérer, et que ça va me turlupiner toute la soirée).
L’achat inconsidéré, par contre, je ne le regrette jamais. Si le goût de l’objet m’est passé, je sais que d’autres peuvent l’aimer et que je peux le leur offrir.

Nous commençons the « shopping day », par le Spencer Plaza.
Non, nous commençons le “Shopping day” en nous disputant, comme toujours, avec les chauffeurs d’auto rickshaws, qui en embuscade devant l’entrée de l’hôtel veulent à toute force déposer les touristes dans des magasins de souvenirs, et autres réalisations artisanales hors de prix, qui les commissionnent.

Au bout de quelques minutes d’une exténuante négociation, nous filons subrepticement dans un véhicule arrêté au vol et qui accepte de nous porter directement au centre commercial, pour une somme acceptable.

Le Spencer Plaza trône sur l’avenue principale de Chennai, l’Anna Salai, celle-ci pouet pouet tut tut vroum vroum est particulièrement encombrée, polluée, bruyante. A tel point qu’au bout de cinq minutes un insidieux mal de tête nous plombe.

Mais nous voilà dans l’antre du commerce, dans la vitrine du Chennai chic, dans l’air conditionné, dans un univers aseptisé semblable à ses pairs, tout autour du globe.
Semblable mais différent, si le principe du centre commercial est bien le même, celui de Chennai a ses particularités.
Nous le connaissons bien pour y avoir, l’année dernière à la même période et pour les mêmes motifs, erré pendant des heures.
Mais cette année, efficaces et organisés, nous avons un plan d’attaque.

Nous concentrons en premier notre énergie sur l’achat des DVD, dont nous avons déjà établi la liste : une série de productions tamil et hindi qui nous permettrons, certains soirs, enfoncés dans notre canapé, de résister à la morosité hivernale.
Après une petite séance à l’Internet café, histoire de publier sur Célestissima le texte écrit la veille sur mon portable, nous entamons la chasse aux cadeaux pour nos enfants, rude tâche.
Entre deux boutiques, je craque sur une pure merveille : un sac de voyage multicolore et à roulettes dont le vendeur m’assure, la main sur le cœur, que je pourrai l’utiliser comme bagage à main dans l’avion.
Avec tout ça, comme le temps passe, il est 13 heures, nous vient une petite faim que nous allons satisfaire dans un fast food : poulet pané et ice tea, il faut bien se réhabituer à la malbouffe.
Nous terminons l’expédition Spencer dans notre magasin favori, une boutique d’artisanat tenue par de sympathiques Cachemiris, connus en août dernier et revus en juin, que nous souhaitons en outre interviewer pour notre documentaire.

A ce stade de mon récit je me dois de préciser que, dans le sud de l’Inde, le marché des souvenirs indiens qu’affectionnent les occidentaux est entièrement entre les mains des Cachemiris.
Ampakto, un sosie d’Al Pacino jeune, qui tient aujourd’hui la boutique Art Mart, nous accueille à bras ouvert et, tout en buvant du thé, nous dépensons joyeusement une petite centaine d’euros en écharpes en soie, et bijoux d’argent pour nos amies.
Sollicité pour l’interview, Al Ampatko accepte avec enthousiasme, ferme la porte du magasin et prend la pose.
Pas de bol, pour la première fois en deux mois, Fabiolino a oublié de mettre une cassette dans la caméra !
Déception !
Mais une idée germe et prend forme, un projet, un beau projet pour l’été prochain, prendre ensemble le train (trois jours) de Kanyakumari (extrême sud de l’Inde) à Jammu Tawi (extrême nord) et visiter le Cachemire en sa compagnie.

Al Ampatko et moi

16 heures, nous quittons finalement le Spencer et négocions avec un nouveau chauffeur de rickshaw pour nous rendre à Pondy Bazar, la rue commerçante populaire.
Et là, entre marché aux fleurs et étals de colifichets - achats de bracelets colorés, jaunes pour Caroline, verts pour Elisa, bleus et or pour Lucia… etc. - nous nous réfugions dans un superbe salon de coiffure où Fabio, en dix minutes et pour moins d’un euro se fait faire une impeccable coupe de cheveux.

Dernières odeurs, derniers sourires et retour à l’hôtel car le plus dur reste à faire : boucler les valises…

(…à suivre)

India, le 29 aout 2006

Vidéo: Chennai Beach - Photos: Chennai (Madras) - Wedding in Chennai
   
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Claudine Tissier & Fabio Campo