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Le jour des « ammachi »

Une fois par mois les ammachi (mémés), sont accueillies à Namaste. On s’inquiète de leur santé et de leur bien être et elles reçoivent un peu d’argent. Ce sont généralement des veuves qui n’ont pas eu d’enfants ou ceux-ci sont morts ou partis et elles sont pratiquement sans ressources. Le système de retraite n’existe que pour les fonctionnaires, les autres doivent économiser, mais quand il n’y a pas assez de roupies pour manger à sa faim, allez donc en mettre de côté ! Dans le hit parade des pays les plus riches du monde l’Inde figure désormais à la douzième place, belle remontée, mais 79,9% des Indiens vivent avec moins de deux dollars par jour. En ce qui concerne les ammachi, c’est encore bien moins. Parmi les petites vieilles ratatinées, édentées, tordues, bossues qui attendent sur le perron de Namaste il y a aussi quelques hommes âgés gravement malades ou invalides. Ceux ou celles qui savent écrire (rares), signent le registre les autres laissent une empreinte digitale et repartent clopin-clopant.

L’après-midi nous faisons une petite tournée des family house. Dans celle de Laskhmi il n’y a que des garçons qui fréquentent l’English Medium (l’école privée où l’enseignement se fait en anglais). La maison est grande et belle, les garçons intelligents et respectueux, plutôt sérieux, un gisement de premiers de la classe. Avant Laskhmi était professeur à l’English Medium, mais les salaires des enseignants du privé sont tellement bas qu’elle a préféré devenir house keeper. Quand les garçons rentrent de l’école elle les aide à faire leurs devoirs, et elle a du temps pour s’occuper de ses deux enfants. Chez Mary Serafine onze garçons et filles jouent dans la cour avec son bébé qui passe joyeusement de bras en bras. Tout le monde rit et s’amuse, l’ambiance est très gaie, comme chez Helen qui s’occupe avec sa mère de neuf enfants des deux sexes.

La dernière family house que nous visitons est tenue par un homme Suresh et ses parents, un couple âgé, que les dix enfants appellent affectueusement grand mother et grand father.
Partout les enfants sont joyeux, propres et visiblement en bonne santé. Visiter ces maisons les unes après les autres est un véritable plaisir. Bien sûr de temps à autre il ya quelques problèmes, mais pas grand-chose, des petits riens vite résolus. Pour avoir parcouru les ruelles de Poonthura et de Pozhiyoor nous savons d’où viennent ces enfants et pouvons apprécier ce que Namaste leur apporte. Ces fillettes rieuses ne connaitront pas le sort de Mary, la petite bonne aux grands yeux craintifs de chez Rajesh.

Eran, le grand Israélien aux yeux bleus est toujours là et nous partons avec Valeria et lui rendre visite à la mère supérieure d’un couvent avec qui Namaste entretient de bons rapports. Elle connaît peut être des familles en détresse dont les enfants pourraient venir vivre dans la Family House d’Eran.
Le couvent, maison basse entourée de palmiers, est une oasis de paix. Les chants des sœurs, un peu répétitifs il est vrai, et pas extraordinairement mélodieux, mais touchants de sincérité s’élèvent dans le soir tombant. Une minuscule sœur à lunettes nous accueille, son visage rayonne de bonté et de douceur. Puis arrive la mère supérieure qui ne l’est pas par la taille. Elle est encore plus petite que sa consœur, ronde et douce comme de la guimauve. Elle nous embrasse l’un après l’autre. Et Eran, le grand israélien aux yeux bleus, le juif errant silencieux qui cherche des enfants à aimer, se plie en deux pour tendre sa joue au léger baiser de la petite mère.

Dans la salle à manger du couvent une collation nous attend. Et que vois-je sur la table, sagement alignées dans un plat, fourrées au sucre et à la noix de coco râpée ? Des crêpes! Des vraies crêpes, comme chez nous ! Pendant que je m’en empiffre trois en me demandant comment diantre leur recette a atterri dans ce couvent perdu des collines du Kerala, la discussion roule autour de la demande d’Eran, sur laquelle les petites sœurs promettent de faire des recherches. Puis elles sollicitent l’aide de Namaste pour acheter quelques machines à coudre. Elles organisent un programme de formation à la couture destiné aux femmes, mais une fois le cours terminé les femmes n’ayant pas à leur disposition l’indispensable outil elles ne peuvent pas travailler. Valeria accepte de financer l’achat d’une demie douzaine de machines (des Singer à pédale comme celle de ma grand-mère couturière).
Nous buvons du thé, je digère mes crêpes, et la petite sœur à lunettes dit de Valeria qu’elle est une sœur sans robe. « Je ne suis pas croyante, dit cette dernière, elle le sait, nous nous connaissons depuis longtemps et nous nous estimons. Namaste n’a aucune vocation religieuse, nous travaillons avec tout le monde ». Murmures approbateurs autour de la table. « Si Dieu existe, ajoute Valeria, il appréciera ». Et tout le monde se met à rire.

India, le 25 aout 2006

(... à suivre)

Vidéo: Les enfants de Namaste - Photos: Namaste: Les Photos
Site Web : www.namaste-adozioni.org
   
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Claudine Tissier & Fabio Campo