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En train Céleste !

Le train en Inde, c’est un peu plus de 60 000 kilomètres de voies, gérés par l’Indian Railways, entreprise nationale appartenant à l’Etat et qui, malheureusement, risque la privatisation. Elle compte 1,6 million salariés ce qui en fait le plus grand employeur du monde.
Et n’en déplaise à tous les contempteurs du sous-continent qui l’ont trop souvent décrit comme un vaste cloaque puant peuplé d’analphabètes miséreux, ça marche !

Les trains ne sont ni plus ni moins ponctuels qu’en France, et plutôt plus qu’en Italie.
Ils est vrai, par contre, que leur état de propreté et de délabrement est variable. Il va du grand luxe, cher, pour les premières classes prestigieuses qui existent sur certaines lignes, au franchement craspouille, peuplé de rats et de cafards, pour les trains populaires qui joignent les grandes villes. Mais dans ce cas, revers positif de la médaille, il est extrêmement bon marché (moins d’un euro pour cent kilomètres) ce qui fait que tous peuvent se permettre de l’utiliser.

Et tous l’utilisent.

Quelqu’un, dont malheureusement j’ai oublié le nom, a très justement dit « L’Inde n’est pas composée d’un milliard de personnes, mais d’un million de groupes de mille personnes qui se déplacent en continuation ».
Pour rendre visite à la famille.
Pour aller en pèlerinage, les hindous en accomplissent au moins un par an. Et toute la famille, s’entasse dans le train : ammachi, appachi, papa, maman et les enfants, pour traverser l’Inde. Car les longues distances ne les effraient nullement. Ils effectuent sans sourciller des trajets durant 20 ou 30 heures. Il me faut quand même préciser que non seulement les trains ne sont guère rapides, mais qu’en plus ils suivent souvent des itinéraires biscornus qui défient toute logique.
Peu importe, dans le train on vit, on mange, on dort, on dort beaucoup, on papote avec ses voisins, on fait la manche, on joue et on boit du thé.

A ce sujet, si d’aventure vous devez prendre un train indien, appliquez à la lettre la bonne vieille consigne « Il est dangereux de se pencher par la fenêtre, é pericoloso sporgersi, do not lean out of the window », que vous connaissez par cœur pour l’avoir lue des centaines de fois dans les trains européens.
Sinon, tendant une tête imprudente vers l’air frais afin d’échapper à quelque relent nauséabond, vous risquez fort de recevoir en pleine tronche le fond d’un gobelet de thé qu’un voyageur, semblable à tous les autres, aura balancé sans façon par la fenêtre.
Les Indiens n’ont pas toujours la culture de la poubelle, rien à faire, ils résistent. Ce qui crée bien évidemment un grave problème d’éparpillement des immondices, surtout à l’approche des métropoles.

Réserver sa place dans le train n’est pas chose aisée. Il faut tout d’abord le trouver, ce qui n’est pas toujours simple car le système de classification obéit à une logique qui n’a rien à voir avec celle de la SNCF.
Mettons que je sois en France et que je veuille aller de Châteauroux à Orléans, je vais à la gare, je regarde le tableau d’affichage où les trains sont classés par heures, je choisis celle qui me convient et je vais réserver ma place. Facile.
En Inde, non.
Sur les tableaux les trains ne sont pas classés par horaires, mais par ligne et chacun porte un nom.
Par exemple, je veux aller de Kumbakonam à Trichy (environ 60 kilomètres). Je dois repérer sur le tableau les trains qui passent par Trichy, la particularité n’étant pas signalée, c’est à moi de le savoir. Donc je vais devoir comprendre si pour aller à Trichy je dois emprunter le Chennai-Trivandrum, ou le Calcutta-Bangalore.

Mystère.
Une fois résolu, je remplis une petite fiche où, en plus des coordonnées exactes des places que je veux acheter (là aussi casse tête, il existe une demi-douzaine de classes différentes), l’on me demande mon nom, et mon âge.
Ensuite je fais la queue, en faisant gaffe de ne pas me faire doubler, car les Indiens s’enfilent sans vergogne dans le moindre espace entre deux personnes.
Tout cela dure des heures, pour voyager en train il faut avoir le temps.

Mais c’est un enchantement, une découverte sans cesse renouvelée, et tandis que s’étirent les paysages, rafraîchie par la brise qui vient de la fenêtre ouverte, j’explique à ma voisine, toute menue dans son sari rose, que je suis « Frrrrench » et elle balance la tête en souriant.

Plus de photos: Indian Railways
Voir aussi les textes: S’alanguir au rythme d’un train - Enfant de personne
   
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Claudine Tissier & Fabio Campo