Varanasi : les vivants et les morts (4)

Shikha et Sushil nous ont invités à dîner.

Quand nous arrivons, Sushil est dans son bureau avec un patient. Shikha nous sert du thé. Nous discutons avec elle et lui montrons les photos de notre mariage. Elle est à la fois surprise et amusée.

Eux aussi sont de « jeunes » mariés. Il a 50 ans et elle 38.
« Demain, ça fera un an ! »
Sushil revient. Il explique que Shikha est sa troisième épouse. La première est morte après la naissance de leurs deux enfants. La deuxième n’était pas heureuse avec lui alors il lui a dit « Si tu n’es pas bien, tu peux t’en aller, la porte est ouverte. »
Elle est partie.
Puis la sœur de Shikha est venue le consulter et il l’a guérie de ses maux. Shikha est venue aussi et ils ont découvert qu’ils étaient sur la même ligne, des âmes sœurs. Lors des premières séances de méditation avec Sushil, l’esprit de Shikha a quitté son corps, un autre est venu et a manifesté sa présence par d’étranges attitudes corporelles. Ils ont compris que Shikha aussi est médium. Il l’a demandée en mariage. Ils s’aiment beaucoup.

Le corps, dit Sushil, est une enveloppe, un autre esprit peut s’y installer. Il peut être bon ou mauvais lequel cas, il risque d’engendrer des maladies. Il faut trouver les raisons de sa présence, qui parfois sont nichées dans le passé du patient, et le chasser. Pour cela Sushil utilise l’énergie cosmique dont il est le relais.
Je pense à « Porteur d’âmes » de Pierre Bordage. Pour gagner un peu d’argent, une femme très pauvre accepte d’héberger dans son corps l’esprit d’un riche jeune homme en mal de sensations. Le transfert s’accomplit, non pas par l’intermédiaire des forces divines mais un procédé scientifique. Pierre Bordage, excellent auteur de science-fiction et de fascinants romans d’anticipation est aussi grand connaisseur de l’hindouisme.
On ne peut ignorer, ou mépriser, ceux à quoi d’autres croient.

On peut être en désaccord, en débattre, ne pas se laisser convaincre.

Imposer, par la force, qu’elle soit armée ou économique, sa religion, son athéisme ou son mode de vie à d’autres est une grave erreur.

Nous racontons à Sushil que les Européens, malmenés par la crise, se laissent de plus en plus séduire par des gurus, venus d’Inde ou d’ailleurs, et qui font fortune en animant des séminaires et stages où ils sont grassement payés.
Il hoche pensivement la tête puis dit que cela ne peut pas marcher. Ce don qu’il possède et qu’il partage ne peut être utilisé à des fins mercantiles exagérées.
« Sinon, il explosera ! » ajoute Shikha.

Shikha et Sushil sont végétariens. Il a préparé le dhal et les plats de légumes et elle le riz et les chappattis. « Il cuisine beaucoup mieux que moi ! »
Ils ont fait attention à ne pas trop mettre de piments et c’est délicieux.

Sur l’ordinateur, nous regardons les photos des enfants de Sushil. Son fils est ingénieur en informatique et sa fille, qui a elle aussi étudié, est mariée et vient d’avoir un bébé.
Des jeunes gens modernes, portant des jeans et vivant à Delhi.

Sushil nous propose une séance de méditation. En tailleur, sur le tapis du bureau nous nous concentrons sur ses paroles. Fermer les yeux, ouvrir les mains, prendre conscience de l’aura des autres.
Dieu en chacun de nous : Namaste !

Demain nous partons, nous nous disons au revoir avec émotion. Je ne sais si nous nous reverrons bien. J’aimerais bien.

Chemins de la vie, choix, hasard, destin, si Dieu le veut, Inch’ Allah…Namaste !

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