« Latcho drom » (bonne route)

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” Et je suis fier d’appartenir à un peuple qui n’a jamais déclaré la guerre parce que, nous les tziganes, nous n’avons pas eu besoin d’avoir un territoire; nous n’avons pas éliminé et poussé les autres populations pour nous installer à leur place. ”
Alexian Santino Spinelli, Rom, Maitre assistant à l’université de Trieste

“Avant que ne vienne la haine et la bagarre, accroche ta caravane et pars ”
Proverbe manouche

Tziganes, manouches, romanichels, bohémiens, gens du voyage, ils sont les Roms.
Enfants d’un peuple libre, ils ont quitté le nord de l’Inde vers l’an mille pour échapper à un roi qui voulait les mettre en esclavage. Ils n’étaient pas encore des tziganes, ils le sont devenus.
Pendant des siècles ils ont marché, à pied, à cheval, dormant dans des roulottes parquées à l’orée des villages sous le regard méfiant des villageois qui leur attribuaient tous les maux de la terre.
«Ce n’est pas la destination mais la route qui compte » dit le proverbe gitan

Et les paysans sédentaires se méfiaient de ces êtres libres, de ces fils du vent, dont ils ne comprenaient pas le mode de vie.

Alexian Spinelli explique que les gadjé (non roms) ont une vision de la vie verticale alors que celle des Roms est horizontale.
Les repères des gadjé sont fixes, répétitifs. Le gadgé aspire à une vie ordonnée, statique, qui le sécurise. Il construit des maisons, des tours, des palais, des immeubles.
Le modèle de vie des Roms est flexible. En mille ans, ils se sont adaptés à des environnements différents, c’est le secret de leur longue existence.
Chez les Roms, la base des relations sociales est la solidarité, horizontale.
Chez les gadjé, c’est la compétitivité, verticale, comme la hiérarchie.

Autant dire que nous aurions beaucoup à apprendre du peuple Rom.
Mais les gadgé, occupés depuis toujours à s’écraser les uns les autres comme à piétiner leurs voisins, ont toujours estimé que leur culture était et de loin, supérieure à celle des autres.

La situation des Roms en Europe a toujours été difficile. Elle est devenue dramatique durant la dernière guerre mondiale. Ils furent des milliers, dans l’indifférence quasi générale, à être déportés et éliminés par les nazis.
Au fil des siècles beaucoup se sont sédentarisés, certains par choix, d’autres, nombreux, parce qu’on les y a contraints.
Environ 10 millions de Roms vivent aujourd’hui en Europe. Les plus grandes concentrations se trouvent dans les Balkans, en Europe Centrale et de l’Est.
En Roumanie (comme en Bulgarie), ils sont plus d’un demi-million. Rejetés par les populations, condamnés à la misère, ils vivent dans des ghettos et l’accès à la scolarisation, et aux systèmes de santé leur est extrêmement difficile.

Un rapport de l’Unicef de 2005 sur la minorité tzigane en Europe de l’Est soulignait que “les Roms sont, depuis des siècles, victimes d’une exclusion sociale, politique, économique ou géographique qui a pris la forme d’une discrimination ouverte à motivation raciale”.
Malgré une résolution du parlement Européen “Les autorités roumaines n’ont quasiment rien fait pour intégrer les Roms”, estime le sociologue Gelu Duminica, président de l’association Impreuna (Ensemble).
Rom lui même, il ajoute que “les Roms ont eux aussi leur part de responsabilité”. “Nous sommes les victimes de notre propre culture rétrograde. Il faut briser le cercle de l’automarginalisation dans laquelle vivent beaucoup d’entre nous”.
Selon Mihai Neacsu, directeur de l’association Amare Rromentza (Avec nos Roms), “le taux de scolarité parmi les enfants roms est trois fois inférieur par rapport à la majorité, tandis que le nombre de chômeurs au sein de cette communauté est au moins le double de la moyenne nationale”.

Depuis l’entrée de la Roumanie dans l’EU, des milliers de Roms ont rejoint les pays d’Europe occidentale, espérant y trouver des conditions de vie meilleures.

En Italie ils sont particulièrement nombreux.

Ils vivent dans des bidonvilles, refusés par les employeurs italiens ils n’ont d’autres ressources que la mendicité ou la délinquance. Bien souvent, leurs enfants ne sont pas scolarisés.

A la suite d’un récent fait divers crapuleux, l’assassinat d’une femme par un Rom, une violente flambée de xénophobie secoue l’Italie, confondant au passage Roms et Roumains, ce qui fait que des responsables roumains “liant la délinquance à l’ethnie”, (à lire avec des pincettes) ont jeté le blâme sur l’ensemble des tziganes. Le gouvernement a adopté dans l’urgence un affreux décret-loi permettant l’expulsion sans procès ni recours de citoyens de l’UE qui “contreviennent à la dignité humaine, aux droits fondamentaux de la personne ou à la sécurité publique”.
« Rentrez chez vous ! » hurlent les Italiens (nul doute que les Français hurleraient la même chose).
Mais ces Roms là n’ont pas de chez eux.

La condition actuelle des Roms d’ Europe de l’Est est dramatique.
Ce n’est pas en les rejetant, en les diabolisant, en les combattant que ce problème sera résolu, mais au contraire en exigeant des pays d’Europe de l’Est un changement radical de politique intérieure et en les accueillant dignement dans les pays occidentaux.

C’est l’histoire d’un peuple qui, parce qu’il a refusé l’esclavage, a été condamné à l’errance, à la misère, au mépris et dont aujourd’hui l’avenir est menacé.

C’est très grave.

« Un pays sans Roms est un pays sans liberté », citation rom.

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Autre source:Le Matin.ma

Photos : enfants gypsies en Inde

Deux belles réactions (en français) à l’infecte vague de xénophobie qui traverse l’Italie: celle de Valentino Parlato dans il Manifesto et celle de Serge Quadruppani

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