2. Gandhi Nagar, un bidonville au cœur de Chennai

Chennai, le 19 juillet 2010

10 heures

Sous une fine pluie tiède le slum est paisible, ses rues sont presque vides. Pourtant, près de 20 000 personnes vivent dans cette bande de terre, large de 200m et longue de 800m, coincée entre une route et un fleuve nauséabond,  charriant les déjections humaines et les ordures.  Au moins 2600 familles – certaines vivant ici depuis plusieurs générations, d’autres nouvellement arrivées, fuyant la misère des campagnes-   sont réparties dans des maisons en dur plus ou moins sommaires, des cabanes de feuilles de palmier ou les arches d’un pont aménagées en masures.

La plupart des logis ont l’électricité mais pas l’eau. Les femmes la prennent aux fontaines, dans de grandes jarres en plastique aux couleurs fanées par l’usage. Elles cuisinent,  lavent la vaisselle et le linge dehors, devant les portes de leurs habitations, sur des planches ou des plaques de ciment. Si le slum est insalubre ce n’est pas de la faute de ses habitantes. Ce matin, indifférentes à la pluie, elles sont nombreuses à frotter et à récurer.

Olivier raconte que, lors du tsunami, le fleuve a débordé. Les rues et les maisons ont été envahies d’un liquide noirâtre, gras, à l’odeur pestilentielle. Aucune autorité ne s’est inquiétée du problème mais en quelques jours, les habitants du slum ont tout nettoyé eux-mêmes.

Le slum est extrêmement pauvre mais il n’est ni misérable ni sordide. Celles et ceux (surtout celles d’ailleurs) qui y vivent n’ont pas renoncé à la dignité et  luttent chaque jour pour le futur de leurs enfants.

Au sein du slum, ville dans la ville, il y a bien sûr des lieux de culte : temples hindous, mosquées et églises de différentes obédiences. C’est même le terrain privilégié des prosélytes de tout poil, c’est-à-dire les monothéistes. L’hindouisme et son système de caste se transmettant par filiation, ses fidèles ne se soucient  pas de faire de nouveaux adeptes et sont peu portés sur la charité organisée, celle-ci étant l’apanage des deux autres cultes.
Les chrétiens semblent bien implantés sur la zone. Le siège de Speed Trust est d’ailleurs logé dans un bâtiment collé à l’église. Gardons-nous de toute critique hâtive, ici, il est parfois bien difficile de ne pas sceller quelques alliances si l’on  veut être réellement efficace auprès des populations en souffrance.

Au siège de Speed  Trust, nous retrouvons Albert, c’est lui qui va nous aider dans la réalisation de notre projet. Beau jeune homme de 24 ans, il a quitté un emploi à la banque afin de travailler pour Human Trip. Lorsque des touristes envoyés par l’agence ou par leurs hôtels, veulent visiter la ville en auto-richshaws, il s’occupe de tout.
Pour l’heure, il veut absolument nous expliquer les tenants et les aboutissants du programme. C’est parfait. Fabio dégaine sa caméra. Le tournage commence.

Le discours d’Albert est bien rôdé. Convaincant. Il nous explique que les jeunes femmes sélectionnées pour participer à la formation sont d’abord suivies par des travailleurs sociaux. Ce n’est que lorsque que ceux-ci les connaissent bien qu’on leur offre cette opportunité. En effet, elles devront, chaque mois, rembourser le véhicule. C’est une véritable chance , car à part être femmes de ménage ou coolies sur les chantiers, il n’y a aucune opportunité de travail. Souvent la prostitution est le seul moyen de gagner quelques roupies.

Lorsqu’elles ne promènent pas les touristes, les femmes assurent matin et après-midi le ramassage scolaire des enfants du quartier et puis, elles sillonnent les rues de la zone pour trouver des clients.
L’escadrille compte actuellement 16 auto-rickshaws. Bien sûr, parfois il y a des problèmes mais dans l’ensemble tout se passe bien.
Puis Albert, intarissable et toujours souriant, enchaîne sur les autres activités de Speed Trust : artisanat, crèches, soutien scolaire, cours d’informatique.

A suivre

En complément :  Conductrices d’auto-rickshaw

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