La une des lecteursTous les blogsles top listes
Envoyer ce blog à un amiAvertir le modérateur

23.11.2006

Gili Air, encore une journée au paradis

medium_gili_air_9.2.jpg

Après les vendeurs de colifichets arrivent les vendeuses de fruits, qu’elles portent sur leurs têtes, dans un grand panier, savoureuses petites bananes, mangues juteuses, ananas sucrés qu’elles préparent en deux minutes, de trois coups de couteau experts.Certaines sont accompagnées de leurs enfants qui les suivent en sautillant, et parfois s’arrêtent pour jouer avec d’autres.Là encore il faut négocier, ne froisser aucune susceptibilité en achetant à l’une plus qu’à l’autre, ne pas promettre impunément d’acheter plus tard, car sinon elles reviennent, la mine suppliante pour provoquer la compassion.

medium_gili_air10.jpg

Nous ne pouvons pas manger plus de deux ananas et quatre mangues par jour, quand même!

J’aime particulièrement Urya, au sourire éclatant, je guette sa silhouette gracieuse, son pas dansant malgré la lourde charge. Son mari l’a abandonnée, elle a trois enfants à élever, sa vie est dure. Urya est généreuse, parfois elle nous offre une mangue, comme ça, par amitié, moi je lui ai donné une de mes robes qui lui plaisait.

medium_gili_air11.jpg

 

Vers une heure nous reprenons le chemin du bungalow. Aujourd’hui, nous déjeunons chez Miss Gili Air. Sur son menu, elle propose, ô merveille, des « panzerotti », chaussons en pâte à pizza fourrés de tomates et de mozzarella, frits dans l’huile, spécialité des Pouilles, plus précisément, de Bari, la ville natale de Fabio qui a été ébahi par cette surprenante découverte.En plus, les « panzerotti » sont bons, croustillants à souhait.

 

Quelques semaines plus tard, nous nous rendrons chez la mère de Fabio, à Santeramo, la bourgade des Pouilles où il a passé sa jeunesse. Au hasard d’une promenade nous rencontrerons Sonia, une amie perdue de  vue de puis trente ans. Et Sonia nous racontera qu’elle a vécu dix ans à Gili Air, qu’elle y a eu un restaurent italien, et qu’elle y a enseigné l’art du panzerotto, de la pizza et des spaghettis bien cuits.

C’est vrai que parfois le monde est petit!

Fabio aussi a  laissé sa trace dans le menu, en suggérant à la jolie Miss de cuisiner des pâtes Saracena, tomates fraîches et mozzarella. Depuis, le plat figure sur la carte.

 

Après le déjeuner, une sieste s’impose. L’île sereine et calme, somnole.

Vers quatre heures, tiré de la torpeur par les rires des nombreux enfants qui jouent au bord de l’eau ou ramassent des coquillages, nous retournons à la plage. Quand il nous voit, Bihi court joyeusement vers nous.

Bihi, l’enfant de la plage, il dit qu’il ne va plus à l’école car il a quatorze ans, je sais que ce n’est pas vrai, il en a douze, c’est Kartini, sa mère, qui me l’a dit, et l’école ? Elle a levé les yeux au ciel, elle a d’autres soucis, alors Bihi passe ses journées sur l’île.

Le mari de Kartini est volage, tantôt chez elle, tantôt ailleurs.Enceinte de son dernier passage, elle arpente la plage, son gros ventre en avant, pour proposer des massages et des soins manucures.

medium_gili-air-12.jpg

Elle arrive elle aussi, comme je n’ai aucune envie d’un massage huileux et éventuellement sableux, je lui tends mes mains et elle dessine sur mes ongles des petites fleurs roses.

« School beach, school beach! » réclame Bihi qui s’impatiente.

Ok, school beach!

Nous lissons le sable et comme chaque jour, je lui apprends à faire des additions et des multiplications, simples, car Bihi se lasse vite.D’autres enfants arrivent, je joue à la maîtresse. Les vendeurs et les vendeuses qui passent s’arrêtent et nous regardent en souriant, l’une pose son bardas et participe, elle compte vite et bien, mieux que les enfants. Elle est contente, elle rit en calculant.

medium_gili_air_bihi_13.jpg

 

Avec tout ça le temps passe, nous avons juste le temps de retourner nous doucher au bungalow, avant d’aller de l’autre côté de l’île regarder le soleil se coucher dans la mer.

medium_gili_air14.2.jpg
 
à suivre... 

21.11.2006

Gili Air, une journée au paradis (suite)

 

medium_gili_air_8.jpg

La plage est encore vide, nous nous installons à notre place habituelle - c’est fou ce qu’on prend vite des habitudes - à l’ombre du grand arbre.Elle n’est pas extraordinaire la plage, pour qui n’a pas succombé au charme de l’île et la gentillesse de ses habitants, elle peut même sembler banale.Je sors ma boite d’aquarelle pour tenter, une fois de plus, de peindre la côte de Lombok : le vert olive délavé, le beige et le gris des collines, le vert cobalt des palmiers, le jaune pâle de la plage… et la mer, qu’il est difficile de peindre la mer ! Tout me pose problème, ses camaïeux de bleus, qui vont du cobalt au turquoise, veines d’émeraude, blanche écume, sans parler de l’impression de mouvement.
C’est un défi impossible, d’ailleurs ai-je vraiment envie de figer cette beauté ?

medium_lombok_vu_de_gili_air1.jpg



Dix heures, les premiers vendeurs ambulants débarquent sur la plage, ils viennent tous de Lombok, par le même bateau. Les hommes proposent des colliers de petites pierres, turquoise, jade, œil de tigre, ou de perles, des objets artisanaux, des tissus, des chemises, des tee-shirts. Ils vendent tous plus ou moins la même chose. Les premiers jours ils ont été très insistants, depuis l’attentat de Bali, la fréquentation touristique a baissé, moins de clients, moins de ventes, moins d’argent. Nous avons acheté un peu à l’un un peu à l’autre, maintenant ils nous connaissent, ils s’asseyent près de nous à l’ombre du grand arbre et nous discutons, de leur vie et de la nôtre, nous comparons les prix, ils sont surpris par ce que je leur explique, tant d’argent pour ne même pas être riche !

medium_gili_air5.jpg


Jan est notre préféré, contrairement aux autres qui sont des revendeurs, il fabrique lui-même ses bijoux, avec l’aide de sa femme. Il est toujours de bonne humeur et les questions qu’il pose dénotent une grande curiosité et une grande ouverture d’esprit. Il va au-delà des questions matérielles, il m’interroge sur la religion telle qu’elle est pratiquée en Europe, sur l’éthique, sur la finalité du développement économique qui passe très loin au-dessus de Lombok.
Hier il nous a invités chez lui, à Pemalang, sur Lombok. Il habite avec sa femme et Agama, leur bébé, une petite maison de bois qu’il a construite avec ses amis, dans une ruelle animée. Ils ont l’électricité, mais pas l’eau qu’il faut aller puiser.
Le quartier est très modeste, les égouts sont d’étroits canaux à ciel ouvert, mais les ruelles ne sont pas pour autant sales, les cabanes sont peintes, il y a des fleurs, on entend jouer les enfants dans la cour de l’école voisine.
Nous nous sommes assis dans le jardinet, d’autres garçons sont arrivés, ils nous ont posé plein de questions. Jan se fait du souci pour le futur, si le nombre de touristes baisse encore, il devra changer de travail. Il nous a raconté qu’à 14 ans, ses parents l’avait envoyé dans la montagne, pour être bucheron, il y est resté plusieurs années, le travail était très dur. Il aimerait avoir un poulailler, pour élever et vendre des poules au marché, d’après lui, c’est d’un bon revenu, alors, quand il le peut, il met de l’argent de côté.
Ils sont pauvres, mais ne sont en rien misérables et ils aiment la vie qu’ils mènent, même si souvent ils souhaiteraient avoir un peu plus d’argent.
Ils ne connaissent ni le froid, ni la solitude, entre membres d’une même famille, entre habitants d’un quartier la solidarité est de mise.

medium_gili_air6.jpg

Jan nous a raconté le mariage de sa sœur, la cérémonie, la fête. Je lui ai demandé si il y a eu un repas, si le jeune couple avait reçu des cadeaux, il a répondu en riant que oui, ils ont mangé ensemble, partageant ce que chacun avait apporté, un régime de bananes, un poulet, des ananas, c’était ça, les cadeaux.
Il nous aussi parlé du peu de confiance que les indonésiens accordent à leurs politiques, de la corruption, omniprésente. Comme l’immense majorité des indonésiens, Jan est musulman. L’islam pratiqué en Indonésie a toujours été très modéré, très ouvert et l’attentat de Bali est très mal perçu par la population.

Puis il nous a accompagnés à l’embarcadère et, après avoir acheté nos billets, nous avons attendu le bateau régulier. Assis sur un banc au milieu des femmes. Pour que le bateau parte, il faut qu’il ait un nombre de passagers suffisant, plus exactement que la compagnie fasse un bénéfice. L’attente s’est prolongée car le nombre de clients ne permettait pas de remplir la condition et nous avons patienté plus d’une heure, jusqu’au moment ou quatre touristes nordiques, chaussures de montagne et sac à dos, sont arrivés, le guichetier leur a vendu, en omettant probablement de le leur expliquer, quatre billets dont le prix a représenté la somme manquante. Petite entourloupe qui a permis au bateau de partir.

medium_gili_air_7.jpg

 

à suivre... 

19.11.2006

Gili Air, une journée au paradis

medium_gili_air_01.jpg

A Gili Air, quelle que soit la période de l’année, le soleil se lève à six heures, normal, l’île indonésienne est proche de l’Equateur. De la terrasse du bungalow, je le regarde s’élever entre les palmiers, au loin Lombok émerge de la brume. Dans le silence de l’aube, le chant du muezzin monte vers le ciel et les cocoricos des coqs se répondent en écho.

medium_gili_air_02.jpg


Sur l’île, rien ni personne ne bouge, il est encore trop tôt et je retourne m’allonger dans le lit, sous la moustiquaire grise et trouée, dans laquelle une araignée géante a filé sa toile. Daddy et ses fils ne sont guère à cheval sur l’entretien.

C’est la deuxième année que nous séjournons à Gili Air, il y a deux ans, nous étions restés deux semaines, incapables de prendre la décision de partir. Nous avions même envisagé d’acheter un terrain pour y construire une maison de bois et de palme. Mais tout étant compliqué nous avions renoncé.
Deux heures plus tard, nous nous décidons enfin à nous lever. Entre temps les premiers bateaux, longs et effilés, ont déjà quitté l’île, emmenant à leur bord les femmes qui se rendent au marché à Pemenang ou encore à Mataram, la capitale, et les hommes qui vaquent de Gili Air à Lombok et de Lombok à Gili Air.

Sur la terrasse du « resort », assis face à la mer nous attendons que les garçons prennent conscience de notre présence pour leur commander le petit déjeuner, pancakes caoutchouteux et café soluble, Daddy et ses fils ne sont pas non plus regardants sur la qualité de la restauration matinale.
Shakiro, le fils aîné, qui est officiellement le gérant des lieux, allongé dans son hamac favori, impassible, roule consciencieusement son premier pétard de la journée. Bob Marley en fond sonore.
« Smoking Island yeah ! » lance Shakiro en nous apercevant.
Il y a une semaine il nous a aimablement proposé son joint matinal. Après la première bouffée j’ai compris que la sagesse exigeait qu’elle soit aussi la dernière, Fabio non, il a gaillardement partagé le pétard avec Shakiro.
Aussi quand deux heures plus tard, alors qu’il était allongé sur la plage et que je tentais, sans grand talent, de peindre le rivage de Lombok à l’aquarelle, il m’a dit « Je sens un tremblement de terre ! », moi qui n’avais rien noté de particulier, j’ai répondu « C’est ça, c’est ça… » en rigolant.
Et bien le lendemain nous avons reçu le mail d’une copine « Comment ça va ? J’ai lu dans le journal qu’il y avait eu un petit tremblement de terre en Indonésie ». Et là c’est Fabio qui a rigolé.
Bon, quand même, maintenant quand Shakiro, de son hamac, nous tend le pétard nous  répondons : « No, thanks, later »

Vers neuf heures et demie nous prenons le chemin du bord de mer pour aller à la plage. Une carriole tirée un poney, seul moyen de transport de l’île, nous double dans un bruit de clochettes, elle ramène à l’embarcadère des touristes qui ont fini leur séjour. Pour la plupart, ils font une halte de deux ou trois jours, mais il y a aussi les habitués, comme cette dame suisse que nous avons rencontrée et qui, depuis vingt ans, passe le mois d’aout sur l’île où tout le monde la connait.
Nous aussi tout le monde nous connaît. En passant devant les restaurants, les boutiques et les bars, nous échangeons des « Hi ! », « Hi ! ». Ils sont alignés le long du chemin sablonneux et tous cherchent à convaincre le client qui passe.


Chez Han’s, la ravissante Miss Gili Air (c’est nous qui l’avons surnommée ainsi) ne nous voit pas passer, elle est en grande discussion avec un jeune allemand, côte à côte accoudés au bar, les yeux dans les yeux. Miss Gili Air semble être une jeune femme très émancipée, sur cet ilot musulman, il est habituel, voire même souhaitable que les garçons séduisent les belles, ou moins belles, étrangères, pour les filles il en va certainement différemment.

medium_gili_air_03.jpg


Une dizaine d’échoppes plus tard, le frère de Shakiro, lève la main de son hamac pour nous saluer. Apparemment la propension à la pratique accrue du hamac serait génétique. On nous a raconté son histoire. Il y a une dizaine d’années, il s’est marié avec une allemande, une beauté blonde qui faisait saliver les mâles de l’île. Elle s’est installée avec lui, dans une maison de palme et ils ont eu deux enfants. Ce sont eux qui ont en premier attiré mon attention, un garçon et une fille, à la peau mate et aux cheveux dorés, jouant avec les autres, pieds nus dans la poussière.

medium_gili_air_04.jpg

Mais un jour, ou un soir, le frère de Shakiro a surpris la belle dans les bras d’un autre. Pour les fils de Daddy, le pardon n’existe pas et il l’a chassée, confiant les deux petits à ses parents. Elle est retournée en Allemagne, puis elle a erré dans divers lieux de l’Indonésie, avant de revenir sur l’île où elle a emménagé dans une modeste cabane. Peu a peu, elle a perdu la raison, on la voit parfois arpenter le chemin, maigre et hagarde, parlant seule et personne ne la regarde. Je ressens pour elle une infinie tristesse, ces amours de vacances que l’on veut transformer en unions connaissent souvent des fins cruelles. Plus loin, le restaurateur guitariste, qui le soir, quand les petites terrasses sur pilotis se vident et que la journée est finie, chante des standards de Bob Dylan et des Beatles, accompagné de sa femme et de sa fille qui a huit ans, nous serre la main en nous disant « Tonight, I have very good fish » et nous, passant notre chemin « Maybe, maybe ! »

medium_gili_air_05.jpg

 

à suivre ... 

 
Toute l'info avec 20minutes.fr, l'actualité en temps réel Toute l'info avec 20minutes.fr : l'actualité en temps réel | tout le sport : analyses, résultats et matchs en direct
high-tech | arts & stars : toute l'actu people | l'actu en images | La une des lecteurs : votre blog fait l'actu