La une des lecteursTous les blogsles top listes
Envoyer ce blog à un amiAvertir le modérateur

30.08.2007

Casa delle mamme (suite) : les Sims

medium_sim_s7.jpg

Afin de ne pas perdre une minute nous proposons à Sunitha et sa belle-mère de nous accompagner dès maintenant pour leur montrer la « Casa delle mamme » et leur présenter ses habitantes.
Elle acceptent avec enthousiasme, et, pendant qu’à l’intérieur de la masure elles troquent leurs pauvres vêtements contre des saris, je les entends rire et plaisanter.
Et, dans la nuit tombante, nous reprenons tous ensemble le long sentier de terre ocre.medium_plan-vellanad.4.jpg

A la « Casa delle mamme », on nous accueille avec la joie habituelle, et (le discours de ce matin aurait-il déjà porté ses fruits ?) l’ambiance entre les mamans semble nettement plus chaleureuse.
Nos nouvelles recrues ouvrent de grands yeux ravis, nul doute que cet habitat de pierre, spacieux, propre et lumineux, ne leur paraisse aussi somptueux qu’un palace.
Nous faisons les présentations et expliquons aux mamans la difficile situation de Sunitha, malheureusement proche de celles qu’elles ont connues, avant. Je leur demande leur aide pour faire en sorte que Sunitha, Vineeth et Vivek, se sentent bien dans la maison.
Elles acquiescent en souriant.
La découverte de la cuisine enchante Sunitha et sa belle-mère et leurs visages s’illuminent.

Les enfants s’observent en silence, mais sans aucune animosité.
medium_sim_s9.2.jpg
Pendant que Fabiolino s’amuse avec les fillettes (quel gamin celui-là !) je montre à ses futurs occupants le reste de la maison, et surtout, leur chambre. Ils dormiront tous les trois ensemble, ce qui est ici est normal, sur un lit recouvert d’une natte, entre des draps propres et ils auront à disposition des toilettes et une salle de bains où il suffira de tourner un robinet pour se laver. Ce qui pour nous représente le minimum vital est pour eux un luxe jusqu’alors inespéré.
medium_sim_s8.2.jpg

Les mamans ont préparé le thé et ouvert un paquet de rondelles de bananes séchées. Une gentille discussion s’installe, où il apparaît que Susheela et la belle-mère de Sunitha (honte à moi je ne suis pas parvenue à mémoriser son prénom) se connaissent.
Ensemble, nous convenons que Sunitha et les petits viendront s’installer lundi, c'est-à-dire dans deux jours.

Il fait nuit noire quand nous les déposons au bord de la route défoncée. Dans une obscurité qui me serait ô combien hostile si je devais avoir à la traverser, pas une lumière ne brille. Mais eux s’engagent d’un pas joyeux sur le sentier. Avant de nous séparer la belle-mère de Sunitha prend doucement ma main, la porte à ses lèvres pour exprimer sa reconnaissance et l'émotion me monte aux yeux.
medium_sim_s10.jpg


Dans le van qui nous ramène à Namaste, va savoir pourquoi, je pense à ce fameux jeu, les Sims, où des occidentaux nantis, se prenant des dieux, manipulent les destinées de tristes personnages fictifs.

Alors que pour si peu (trois ou quatre dizaines d’euros par mois), on peut, non pas imposer sa volonté à des marionnettes virtuelles, mais offrir à des êtres humains, de chair et de sang, le minimum auquel chaque habitant de cette planète devrait avoir droit : un toit, de la nourriture, des soins, l’'éducation et une aide pour réaliser ses rêves.

 

 

medium_sim_s11.jpg

28.08.2007

La casa delle mamme : deux noix de coco fraîches…

medium_plan-vellanad.3.jpg

Midi
A peine sommes-nous rentrés de la « Casa delle mamme » où j’ai dû prendre ma voix de maitresse d’école pour expliquer deux trois bricoles aux mamans - l’essentiel de notre discours étant destiné à leur rappeler que serait sympa d’arrêter de se chamailler - que Rama nous appelle dans son bureau, il voudrait nous présenter une jeune femme et ses deux enfants. Ils vivent dans des conditions désastreuses et pourraient peut-être occuper la chambre vacante de notre maison.
A notre arrivée elle se lève, serrant entre ses doigts minces les mains fluettes de ses deux petits garçons. Elle esquisse un soupçon de sourire qui éclaire fugitivement son joli visage. Elle semble très jeune. Les petits nous fixent, leurs grands yeux noirs reflétant un mélange d’inquiétude et d’espérance.
Elle s’appelle Sunitha.
medium_sim_s1.jpg
Ce matin, elle est venue à Namaste pour demander une aide scolaire pour les enfants. Rama lui a déjà parlé de notre projet, il lui a aussi proposé de participer à un cours de couture débouchant sur un emploi.
Pour nous, elle répète son histoire. Son mari est en prison depuis trois ans, pour meurtre. Il est condamné à perpétuité mais il pourra peut-être bénéficier d’une remise de peine dans une dizaine d’années. Elle vit avec les petits chez ses beaux-parents mais les revenus de ceux-ci sont très faibles et la situation est devenue critique.
Ce qu’elle ne dit pas la maigreur des garçons l’exprime. Vineeth a neuf ans, Vivek six. Nous leur avons donné des sucettes qu’ils ont longuement contemplées avant d’oser les enfourner. Vineeth croque prestement la sienne, Vivek se la coince dans un coin de la bouche et dans son petit visage candide, elle forme une grosse bosse sur sa joue.
Nous parlons de la « Casa delle mamme » et j’espère qu’elle va dire oui, tout de suite, pour qu’ils puissent sortir de la misère.
medium_sim_s2.jpg
Mais elle explique qu’elle aimerait beaucoup venir mais qu’elle ne peut pas décider, qu’elle doit demander l’autorisation de sa belle-mère, que lorsque son mari a été emprisonné il a dit qu’elle devait vivre là, chez ses beaux-parents, qu’il lui interdisait de travailler et qu’il se débrouillerait pour leur faire parvenir de l’argent. Mais en trois ans pas une roupie de sa part n’est arrivée, c’est pourquoi, ce matin, elle a pris le chemin de Namaste.
Ce n’est pas une bonne nouvelle, ici, les belles-mères utilisent trop souvent leurs brus comme esclaves, de plus, celle-ci a reçu de son fils la mission de veiller sur son épouse et ses enfants.
Il serait inutile et stupide de demander à Sunitha de prendre seule la décision. Certaines traditions, cruelles, ne peuvent affrontées par une fragile jeune femme sans ressources, mère de deux jeunes enfants.
Si la belle-mère refuse, nous irons lui parler pour essayer de la convaincre, il n’y a pas d’autres alternatives et si par bonheur elle accepte nous lui rendrons visite pour nous présenter.
Ils partent, se tenant par la main le long de la route poussiéreuse. Elle a assuré qu’elle téléphonerait à 3 heures pour donner une réponse.
Nous attendons.
Mais il est maintenant plus de quatre heures et elle n’a toujours pas téléphoné. Je tourne en rond en pensant aux deux petits, maigrichons et apeurés. Nous envisageons d’autres solutions pour les aider, l’aide à domicile par exemple, mais cela dépasse notre budget et en ce moment Namaste manque de sponsors.
Quatre heures et demie, le téléphone retentit, c’est elle. Sa belle-mère était absente, elle vient de rentrer et elle a dit oui, ouf ! Rama lui répond que nous arrivons.
Flanquée de Vivek et Vineeth, droits comme des i, elle nous attend au bord du chemin défoncé. Ils nous escortent le long d’un interminable sentier de terre ocre qui grimpe en serpentant au milieu des cocotiers. Mais la beauté du paysage ne parvient pas à masquer l’indigence des habitants de ce qui pourrait être un paradis verdoyant.
medium_sim_s3.jpg

La famille habite une misérable masure de palme et de boue séchée. Petite, sans eau ni électricité. La belle-mère est sur le pas de la porte. A peine nous voit-elle qu’elle nous salue, levant ses mains jointes à hauteur de son visage, et toutes mes préventions s’envolent. C’est une grande femme, dont la beauté s’est usée au fil des ans et des épreuves que la vie, chienne, lui a réservées. Elle n’est pas du tout hostile au projet, bien au contraire, elle nous en remercie. Les rapports qu’elle entretient avec Sunitha sont visiblement affectueux, elles échangent des sourires et des regards complices.
medium_sim_s4.jpg
Nous lui expliquons à nouveau notre proposition, elle balance la tête en nous écoutant. Je lui pose la question du fils et de ses exigences. Elle me répond qu’il n’a rien fait pour les aider, que désormais il ne compte plus pour elle, d’ailleurs, elle ne l’informera pas du changement.
medium_sim_s5.jpg

Pendant que nous parlons, son mari, un bel homme dont la maigreur a rendu saillante la musculature, s’active autour de la maison en compagnie d’un voisin. Ce n’est visiblement pas lui qui prend les décisions, mais je le sens bienveillant. D’ailleurs, alors que la discussion se termine, il dépose dans nos mains le seul cadeau qu’il puisse nous faire, leur seul bien, deux noix de coco fraîches qu’il est allé cueillir en haut de l’arbre et qu’il a coupées pour que nous  en dégustions le nectar.
medium_sim_s6.jpg


A suivre…

26.08.2007

Je craque ?

medium_craque1.2.jpg

Il est rare que durant un voyage un peu de lassitude ne s’installe, soudain tout semble difficile, pénible, voire même insupportable et c’est alors que, sournoisement, arrive le manque.
Il est là.
Obsédant
Taraudant.
Omniprésent.
Suivant la nature du voyage son objet peut être différent.
Il n’obéit à aucune logique rendant indispensable ce pour quoi, quand on est chez soi les jours de pluie glaciale à se dire « Et merde, faut que j’aille bosser ! » on n’éprouve pas un irrépressible désir, tout juste une vague envie facile à satisfaire et vite oubliée.
medium_craque2.jpg

Alors, certes, j’en ai marre d’avoir trop chaud et de dormir sous le vent mauvais des ventilateurs qui fait qu’à chaque réveil j’ai les yeux rouges et que je traîne une saloperie de rhume depuis presque deux mois, sans compter que le ventilo indien est généralement bruyant, façon pales d’hélico, l’autre alternative étant l’air con (l’avoir ou pas, that’s the question ?) impossible à régler car bloqué sur 17°, ce qui fait que l’on doit dormir enveloppé dans une couverture rêche, d’une propreté fluctuant avec le standing de l’hôtel, et de toutes façons, bruyant lui aussi.
medium_craque3.jpg
J’avoue par moment être lasse d’avoir en permanence peur d’être piquée ou mordue par une bêêête, petite ou grosse, peur de m’empoisonner en consommant quelque produit avarié ou recelant en son cœur amibes, bactéries, microbes divers que mon fragile et délicat organisme ne saura tolérer et qui entraînera au mieux la colique (parfois difficile à gérer), au pire l’hospitalisation.
medium_craque4.jpg
Je concède que je suis fatiguée de me déplacer dans des bus cahotants conduits à toute vitesse sur des routes défoncées par des conducteurs maniaques qui actionnent continuellement d’infâmes klaxons émettant de longs barrissements d’éléphants hystériques et que le spectacle des cafards et des rats courant joyeusement dans les allées des trains a perdu son charme (qu’il n’a d’ailleurs jamais eu).
medium_craque5.jpg
Il est vrai que certaines fragrances locales, savants mélanges d’urine, d’aliments en décomposition et d’encens refroidi, me soulèvent parfois l’estomac.
Je confesse humblement que j’aimerais me laisser tomber avec délectation sur un siège de toilettes immaculé pour déposer mon offrande quotidienne (sans m’inquiéter de savoir ci celle-ci aura bien la couleur et la consistance réglementaire) au lieu de rester en équilibre 20 centimètres au dessus ce qui, je ne vous le cache pas, ne facilite guère le transit intestinal et m’occasionne des crampes dans les gambettes.

Mais de tout cela, je m’accommode, ce ne sont que détails et billevesées.
medium_craque6.2.jpg

Non, le manque c’est la bouffe !
Je ne supporte plus de patouiller à pleine main (la droite uniquement) dans sur riz baigné de sauce et de sentir mes papilles s’enflammer à chaque bouchée.
medium_craque7.jpg
Depuis deux jours je rêve de douce mozzarella, de savoureux camembert étalé sur une tranche de baguette croustillante, de jambon, d’andouillette grillée, de saucisson sec légèrement poivré, de mets qui n’aient pas la saveur piquante du masala, et que l’on ingère facilement sans s’interroger sur leur provenance ni sur les conséquences qu’ils peuvent avoir sur les viscères.
J’en ai des hallucinations. Hier, ballotée à l’arrière d’un auto rickshaw qui, lancé au maximum de sa vitesse, slalomait sans peur entre les voitures et les autobus, il m’a semblé, sur l’enseigne d’une boutique, déchiffrer le mot merguez, à peine remise de ma stupeur j’avisai sur ma droite un superbe chapelet de saucisses d’un rose moelleux qui me mit l’eau à la bouche.
Hélas, ce n’était qu’un régime de bananes rouges, délicieuses au demeurant, mais qui ne correspondaient en rien à l’envie (totalement déplacée) du moment.
medium_craque8.jpg

Mais ce soir le crépuscule est si doux que j’en oublie les saucisses et les que les effluves de camembert de diluent dans le parfum des fleurs. Aux bruissements de la forêt se mêlent des chants venus du temple. C’est la fête d’Onam. Les femmes ont revêtu de beaux saris en coton écru bordés de bandes dorées. Les parvis des maisons sont décorés de délicats mandalas en pétales de fleurs. Dans le village en contrebas, les familles baguenaudent joyeusement, leurs rires et les éclats de leurs conversations animées parviennent assourdis jusqu’à moi.
medium_craque9.jpg

Et malgré mon délire gastronomique je n’ai pas envie de rentrer en Italie, si ce n’est pour retrouver mes enfants. Je n’ai pas envie de quitter ce chaos coloré et odorant, ce désordre magnifique, ces sourires qui fleurissent à chaque instant, ce fourmillement de vie et de chaleur. Je n’ai pas envie de quitter les petits poussins de la « casa delle mamme », leurs grands yeux confiants, leurs rires gazouillants, leur joie communicative.
Pour moi ce pays est un enchantement et je sais que longtemps après mon retour, il me suffira de clore les paupières pour en retrouver la magie.
medium_craque10.jpg

Et vous qui passez, si nombreux et je vous en remercie, sur ce blog sans me laisser de message, racontez-moi, je vous en prie, ce qui vous manque lorsque vous êtes loin de votre pays, ou de votre domicile.

24.08.2007

Namaste : l’école des handicapés, voyage dans la souffrance

medium_écolehandicapés1.jpg


Il y a quelques années, Simon et Hebseeba étaient riches. L’entreprise de construction de Simon marchait bien, ils avaient une belle maison, une Ambassador et un 4x4 rutilant.
Tandis que Simon gérait les affaires, Hebseeba consacrait son temps et son énergie à leurs enfants.
Les deux aînés sont handicapés, très gravement.
Cloué au lit, leur fils ne peut parler, il a aujourd’hui 20 ans. Leur fille, un peu plus jeune souffre d’un léger handicap mental, mais, enfant, elle a contracté la poliomyélite (actuellement en pleine recrudescence dans certains états indiens), et elle se déplace difficilement.
Puis est arrivé un autre fils, vif et joyeux qui, à 13 ans, aide ses parents à surmonter l’avalanche de catastrophes qui s’est abattue sur eux, cruellement, anéantissant leurs vies.medium_plan-vellanad.2.jpg

En 2000, l’entreprise de Simon étant florissante, le couple a eu l’idée généreuse de monter une association caritative afin de créer, dans sa propre maison, une petite école pour les enfants handicapés des alentours. Ainsi, d’autres pourraient bénéficier de l’enseignement d’une institutrice spécialisée et de soins adaptés.
Dans les fins fonds de la campagne kéralaise, la naissance d’un enfant handicapé est souvent associée à une malédiction, ou à l’expiation d’une faute antérieure, inconnue de tous hormis des démons qui déchaînent alors leur fureur contre un innocent nouveau-né. Trop souvent, la naissance de l’enfant apporte la honte sur la famille, on le cache, on l’enferme dans une pièce sombre, ne lui accordant que les soins et la nourriture nécessaires à sa survie et nulle tendresse ne vient éclaircir ses ténèbres.
La première tâche de Simon et Hebseeba fut donc de trouver ces enfants niés et de convaincre les parents de les leur confier. Puis l’école vit le jour, en partie financée par eux-mêmes, en partie grâce à une petite aide de l’état, les familles contribuant à hauteur de leurs revenus (la plupart d’entre elles étant d’une extrême pauvreté la contribution parentale était très faible).
medium_écolehandicapés2.jpg

Hélas, parfois le destin, largement aidé par la bêtise et la cupidité humaines, frappe avec une indécente violence. A la suite d’un litige, l’Etat refusa de payer à Simon des travaux qu’il avait accomplis et l’affaire fut portée devant les tribunaux, se perdant dans les obscurs dédales de la justice indienne. Les frais d’avocat se multipliant, les créanciers hurlant des menaces, Simon dut se défaire de ses voitures, de ses camions, de ses terres. Atterré par ce désastre il fut victime de violentes crises d’épilepsie et lui d’elles lui ravit l’usage de la parole et la mobilité d’une de ses mains.
Ne pouvant plus travailler sa situation s’est encore aggravée et les créanciers, hyènes avides, ont pillé sa maison, emportant les meubles, la télé, tout ce qui pouvait avoir la moindre valeur marchande.
S’ils peuvent encore vivre dans leur maison, c’est parce que la loi prévoit que les enfants handicapés ne peuvent être expulsés.
Dernier vestige de leur richesse, l’Ambassador blanche sommeille sous un auvent, mais elle dort à jamais, les rapaces ayant démonté et pris son moteur.
Malgré cette implacable série de malheurs l’école a continué, quémandant de tous côtés des aides et des soutiens. Elle compte aujourd’hui une quinzaine d’enfants et d’adolescents. Ils apprennent à lire un peu, à fabriquer des objets, à être autonomes, à vivre.
medium_écolehandicapés3.jpg

Ils nous regardent avec curiosité, hochant parfois la tête. Les filles font de timides sourires. Un petit garçon pousse un long cri en agitant ses mains.
La salle de classe est sombre, les peintures sont souillées, le peu de matériel éducatif est abîmé, mais les enfants sont paisibles, les deux enseignantes et Hebseeba les traitent avec douceur et affection. On nous montre avec fierté les réalisations manuelles des élèves, on nous explique les progrès accomplis.

Mais une lourde menace pèse sur l’école. Simon et Hebseeba sont désormais totalement ruinés et l’argent envoyé par le dernier généreux donateur est épuisé. Si aucun secours ne leur parvient l’école devra fermer ses portes.

C’est d’autant plus terrible que Simon et Hebseeba ont pour projet d’héberger les enfants à plein temps. Les allées et venues pour venir à l’école sont coûteuses, certains élèves doivent être accompagnés, et elles sont fatigantes. De plus, lors des vacances, isolés, mis à part dans leurs familles, les enfants régressent et, à leur retour, l’apprentissage de l’autonomie doit recommencer encore et encore.

Depuis quelques mois, Namaste, a qui le couple a demandé de l’aide et qui a étudié à fond le dossier (les entourloupes sont fréquentes) cherche des sponsors, mais jusqu’alors les sommes récoltées ont seulement permis de reculer l’échéance.

Après quelques rapides calculs, Fabio estime qu’une partie des fonds recueillis lors de la fête de son école bolognaise peut être utilisée pour payer le salaire de l’institutrice pendant un an et du matériel pédagogique. Mais il lui faut l’accord de ses collègues et cela ne résoudra pas tous les problèmes.

Nous saluons les élèves, échangeant des sourires et des balancements de tête.
Au dehors le ciel pleure et la pluie, ruisselant comme des larmes, crépite sur les toits et les feuilles.

medium_écolehandicapés4.jpg

Photos d’Antonio Castellani

22.08.2007

La casa delle mamme : Happyland

medium_happy01.jpg

Malgré un ciel franchement menaçant, ce qui est normal étant donné que c’est encore la mousson, nous embarquons dans un van avec les quatre fillettes, deux mamans, Susheela et Sindhu (Selvy est malade), Sasikala accompagnée de ses deux enfants et Sini et Roy pour passer la journée à Happyland, un parc aquatique proche de Trivandrum.
S’il est vrai que la pauvreté sévit encore dans nombreuses régions indiennes, il est aussi vrai que le niveau de vie moyen augmente à une vitesse vertigineuse. Ce tout nouveau parc en est une nouvelle preuve.medium_plan-trivandrum.jpg
Désormais, et de façon tout à fait légitime, les Indiens veulent s’amuser, comme le font les occidentaux, et pour ce faire ils n’hésitent pas à reproduire les formules qui font recette, comme les parcs d’attraction.
Celui-ci, flambant neuf, est en tout point similaire aux réalisations occidentales : toboggans géants, piscine à vague, manèges divers et variés.

medium_happy02.jpg

 Par rapport au coût de la vie local le prix, 250 roupies (5 euros) pour les adultes et 125 roupies (2,5 euros), est élevé, voire même exagéré et assurément inaccessible pour bien des familles.
Pourtant, on nous dit que le parc rencontre un vif succès. Le consumérisme est en plein boum, la publicité et le marketing, ses armes les plus redoutables, passant par les inévitables canaux télévisés, créent l’envie, le désir irrépressible de posséder, de se divertir d’avoir, encore et toujours plus.
Les esprits chagrins qui errent sur ce blog ne manqueront pas, vu ma petite critique, de s’étonner de ma présence dans ce parc. Disons que le souhait de permettre aux fillettes d’accéder, une fois par an, à cet amusement dont bénéficient d’autres enfants a pris le pas sur mes principes.

medium_happy03.jpg

Dix heures du matin, il pleut et nous voilà à pied d’œuvre.
Comme il est hors de question pour les femmes de se mettre en maillot de bain, j’expérimente les joies de la baignade « toute habillée » en tee-shirt et pantalon achetés à la boutique de l’entrée. Sini arbore la même tenue, et nous sommes arrivés à convaincre Sasikala de laisser son sari au vestiaire. C’est la première fois qu’elle s’habille ainsi en public !

medium_happy06.jpg

Les fillettes sont ravies, elles pataugent joyeusement en poussant des cris de joie et les mamans, assises sur des chaises en plastique sous des auvents qui les abritent, d’abord de la pluie, puis du soleil car finalement le ciel s’est dégagé, contemplent en souriant leurs progénitures. Sasikala et Sini, que l’audace de se trouver ainsi, en tee-shirt mouillé à sauter dans l’eau comme des gamines, rapproche, papotent en riant et multiplient les descentes de toboggan, Fabio filme et je surveille mes copines car ces dames ne savent nager ni l’une ni l’autre.
Mais celui qui s’amuse le plus, sans contestation possible, loin en tête de peloton, c’est Roy !
Les lunettes de soleil vissées sur le nez, torse nu - même que Sini se moque de lui en lui demande s’il est en train de concourir pour le titre de Monsieur Happyland – il est partout à la fois, sur les toboggans les plus rapides et les plus longs, sur les manèges les plus hauts, dans les petits bateaux, à l’endroit le plus profond de la piscine à vagues.
Lorsqu’il a quitté l’Inde il y a sept ans ces parcs n’existaient pas, et quand bien même auraient-ils existé, ses revenus d’alors ne lui auraient pas permis de s’y rendre. Puis en Italie, il a travaillé et travaillé encore et travaillé toujours, il n’a pas eu le temps de penser à l’amusement, alors aujourd’hui, fier et heureux, il en profite !

medium_happy04.jpg

Contrairement aux piscines à vagues occidentales où toutes et tous se côtoient, celle-ci est partagée en trois parties séparées par des cordes : côté femmes, no man’s land de deux mètres de large, côté hommes.
Chez les messieurs c’est la cohue, chez les femmes, c’est beaucoup plus calme.
A part Sini et Sasikala que j’ai entraînées dans l’aventure, agrippées à la corde et que je surveille, les autres nageuses sauteuses sont des musulmanes dûment enveloppées de longs vêtements et voiles noirs, ce qui ne les empêche pas de s’amuser, loin de là. A chaque vague on les entend crier de joie et d’excitation.
Une d’entre elle attire mon attention, c’est une grande jeune fille mince, les traits fins de son visage, des yeux en amande et un joli nez légèrement busqué, sont nettement délimités par le foulard serré qui cache ses cheveux, ses oreilles et son cou. Elle bondit dans les flots avec une superbe énergie, et quand, accrochée à la corde, elle émerge des vagues, la longue tunique noire collée à ses seins, un paquet compact d’hommes et de garçons, de l’autre côté du no man’s land, se projette éperdument vers elle dans l’espoir de la frôler.
Et elle, splendide, semble ne pas les voir.
Quand l’artificielle tempête se calme, elle sort de l’onde, souveraine, le tissu mouillé sculptant ses formes, moulant ses hanches et ses fesses et tous les regards masculins convergent vers elle. Je ne peux m’empêcher de me demander si en string sur la plage de Rimini, elle aurait autant de succès.
Pourtant, pas un cheveu ne dépasse !

medium_happy07.jpg

En fin d’après-midi, exténués, nous reprenons le van pour rentrer à Vellanad. Les fillettes, ravies et confiantes, s’endorment sur nos genoux et, doucement, le bien être nous envahit.

medium_happy05.jpg
medium_happy08.jpg

20.08.2007

La casa delle mamme : la rencontre

medium_casa-mamme01.jpg

« La casa delle mamme » a vu le jour il y a dix mois et, malheureusement, nous n’avions pas pu assister à ses débuts. Nous faisons enfin connaissance de ses habitantes.
Pour des raisons qui nous sont encore obscures mais que nous souhaitons éclaircir, une des mamans a lâché le navire et ses trois petits ont été placés dans des family house, avec d’autres enfants.medium_plan-vellanad.jpg
Les trois mamans occupantes et leurs quatre fillettes nous attendent de pied ferme et nous font un accueil touchant.
Avant de vivre dans cette maison elles ont vécu des situations dramatiques. Les maris se sont évaporés dans la nature et elles vivaient avec de maigres ressources dans des taudis insalubres.

medium_casa-mamme02.jpg


L’abandon de sa femme et de ses enfants, particulièrement quand ce sont des filles, est un sport très fréquemment pratiqué par l’homme de la région. Après l’avoir copieusement exploitée, voire même battue les soirs d’ivresse, fréquents, et une fois épuisée la dot (décidément perpétuelle source de drames et principale cause de la triste condition de beaucoup de femmes indiennes) l’homme du sud de l’Inde (je ne connais pas la situation dans le nord c’est pourquoi je limite mon discours à la réalité que je connais), choisit trop souvent de s’accrocher à un autre sari plutôt que d’affronter le monde ingrat du travail.
Dans cette région l’alcoolisme fait des ravages - ce qui n’est d’ailleurs pas sans me rappeler la campagne de mon enfance et ses paysans avinés qui pissaient sans vergogne sur la grille de la cour de l’école, que j’entendais éructer des plaisanteries grasses dont le sens m’échappaient et qui le soir titubaient sur la chaussée, alors que je passais, petite fille effrayée, serrant fort dans ma main la poignée du pot au lait que j’allais faire remplir dans une ferme - bref, les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’alcool enlève toute trace de dignité chez les hominidés que l’on pourrait hâtivement qualifier de supérieurs.
Ici, les victimes de l’alcoolisme sont les plus pauvres, les pêcheurs, les paysans, ceux qui n’ont les capacités ni pour trouver un emploi intéressant sur place, ni pour partir, comme tant et tant de Kéralais, vendre leur force de travail dans les pays du golfe.

medium_casa-mamme03.jpg


Donc le mari de Susheela l’a abandonnée dans une masure avec Mekha, celui de Selvy avec Deepthy et celui de Sindhu avec Surya et Sunila.

medium_casa-mamme04.jpg


Depuis dix mois, les petites mangent à leur faim, vont à l’école et sont soignées quand elles sont malades. Elles dorment avec leurs mamans dans une grande et belle maison, bien que sommairement meublée. Depuis qu’elles sont là, Mekha, Surya et Sunila, n’ont plus eu de crises d’asthme.

medium_casa-mamme05.jpg

Les fillettes sont joyeuses, souriantes et nous sommes contents et émus.
Sasikala et Sini et Roy, qui nous ont accompagnés, nous servent d’interprètes.
Sindhu aussi est émue, quand nous lui offrons un sari, elle se met à pleurer et j’en ai la larme à l’œil.

medium_casa-mamme06.jpg


Mais, passés les premiers instants de joie et d’émotion, il nous semble percevoir quelques tensions entre les mamans. Sasikala, qui a la tâche de manager la maison nous confirme que les disputes sont courantes, le principal sujet de discorde étant la gestion des subsides financiers qu’elle leur verse chaque semaine de notre part.
Il semblerait que l’une d’entre elle mange exagérément, ce qui grève le budget. Pas besoin d’être malin pour comprendre qui est la suspecte, Susheela, dont nous avions vu une photo prise il y a un an, a doublé de volume !

Mais pour l’heure place à l’amusement et nous organisons pour le lendemain une journée à Happyland, le parc aquatique voisin.

medium_casa-mamme07.jpg

18.08.2007

Quitter Mahe

medium_mahe28.jpg

Un nouveau jour se lève sur Mahe qui émerge lentement de l’obscurité pluvieuse. Toute la nuit, les gouttes d’eau ont crépité sur les toits et sur les feuilles, provoquant parfois une rumeur assourdissante. Mais ce matin, bonne nouvelle, quand nous émergeons de notre tanière humide pour aller prendre un café au restaurant voisin, un rayon de soleil éclaire les cocotiers.medium_plan-mahe.2.jpg
Marchant vers l’indispensable café nous remarquons un inhabituel manque de trafic, là où hier klaxonnaient les autoricshaws, règnent le calme et le silence. Bizarre bizarre.
Les boutiques sont fermées, et le restaurant du petit déjeuner n’a pas levé son rideau de fer.
Intrigués (et contrariés) nous nous dirigeons vers le centre ville, pour constater qu’il est désert. Seuls quelques enfants se rendant à l’école cheminent sur le trottoir.
Finalement un homme nous explique, que, mauvaise nouvelle, c’est la grève nationale, organisée par les partis de gauche pour demander des augmentations de salaire (je crois).
Pas de chance, voilà qui élimine les déplacements autres que pédestres, les repas, les achats, et les images du marché que nous comptions filmer aujourd’hui.
Tout est fermé, c’est une opération ville morte !
Non pas parce que tous les commerçants et chauffeurs sont de gauche, mais parce que, s’ils ouvrent, ils risquent fort de recevoir un caillou dans la vitrine ou dans le pare brise.
C’est la politique de l’intimidation, de la peur.
Elle serait exactement la même si le mot d’ordre avait été lancé par des partis de droite !

medium_mahe29.jpg

C’est donc le ventre vide que nous nous rendons au Water Complex appartenant au gouvernement (donc ouvert) où nous retrouvons Sadan pour une balade sur la rivière.

medium_mahe30.jpg


Les tenanciers du bar du complexe, compatissants, nous servent, en cachette dans la cuisine, un délicieux café au lait.
La promenade, en petit canot à moteur, est superbe. Nous glissons sur les eaux calmes parmi les reflets des cocotiers, des teks, des jaquiers aux énormes fruits jaunes et des massifs d’hibiscus. Les chants des oiseaux nous escortent et, de la rive, les enfants et les hommes, pêcheurs à ligne ou jeunes baigneurs, nous hèlent de la main.
Seule consigne du responsable du complexe : se protéger en passant sous les deux ponts car, en ces jours de grève, il est facile de recevoir une caillasse malintentionnée.

medium_mahe31.jpg

Très gentiment Sadan nous invite à déjeuner chez lui, et nous faisons la connaissance de Pushpa, sa femme et de son fils cadet.

medium_mahe32.jpg


Puis nous discutons sur la terrasse, Nikina, Danesh, sa mère et sa voisine se joignent à nous.

medium_mahe33.jpg


Sadan nous explique comment il compte développer les structures touristiques de la ville et autant les visées Pondicherriennes m’avaient inquiétée par leur clinquant et leur prétention, autant le projet de Sadan me semble intéressant.
Tout en conservant à la ville son cachet, sa végétation luxuriante, ses maisons anciennes aux terrasses bordées de courtes colonnes, ses échoppes, il souhaite attirer une clientèle familiale, d’Indiens venus de la proche Bangalore pour des weekends et de touristes occidentaux pour des séjours estivaux.
Le sujet m’inspirant je lui propose toute une série d’initiatives et de conseils (Fabio dit que j’ai toujours une opinion sur tout !).

medium_mahe34.jpg

Quand nous repartons à l’aventure le ciel affiche un gris sombre du plus bel effet, et peu après une fine pluie se déverse sur notre parapluie.
C’est dans la grisaille que nous escaladons les marches du phare pour découvrir une vue aérienne de la ville, à hauteur des cocotiers où niche une multitude d’oiseaux bavards.
La longue plage, qui s’étend sur plusieurs kilomètres, est réduite par la mer, plus haute en période de mousson et envahie par les plantes et les détritus apportés par les flots. Sadan a établi tout un programme de nettoyage et d’aménagement. En ce moment, la baignade est fortement déconseillée, mais, en dehors de la mousson elle est tout à fait possible et agréable.
Un nouveau port est en construction et une longue promenade, de plusieurs kilomètres, permettra aux promeneurs, marchant le long de la rivière d’aller du Water Complex à la future digue.

medium_mahe35.jpg

Notre dernière visite mahésienne est pour l’Alliance Française. Aujourd’hui, grève oblige, il y a peu d’élèves, mais enthousiastes. Je discute un bon moment avec eux. Puis le professeur, un énergique monsieur qui enseignait le français au lycée avant sa retraite, me demande si je connais une chanson française qui parle d’un petit oiseau qui s’est cassé quelque chose, qu’il a entendu il ya longtemps et dont il n’arrive pas à retrouver les paroles.
Si je connais !
«  Mon petit oiseau a pris sa volée
A pris sa, à la volette
A pris sa, à la volette
A pris sa volée… »

Quelle journée, après avoir été conseillère en développement touristique, me voici chanteuse. Ma performance, pourtant d’une piètre qualité musicale, se termine sous les bravos des élèves.

Dans cette petite Alliance Française de la côte malabaraise, malgré une visible indigence financière, la même qui m’avait frappée l’année dernière à Karikal, les élèves sont motivés, et le professeur déborde d’énergie.
Mais où vont donc les fonds français destinés à l’enseignement de notre langue à l’étranger ?
Pourquoi certaines « Alliances » prestigieuses jouissent-elles d’importants subsides alors que d’autres, là où justement il est difficile d’apprendre la langue de Molière, doivent-elles se débrouiller avec le minimum (tables branlantes, tableau crevassé, aucun matériel vidéo… etc.) ?

medium_mahe36.jpg

Un jour, quand j’aurai le temps, j’aimerais bien revenir participer, aider.

Ultime image de Mahe, la gare, qui n’est d’ailleurs pas sur son territoire, mais au Kerala.
Il est 21heures30, nous attendons notre train, assis au milieu d’hommes à la démarche titubante et au regard vague.
Faisant partie de Pondicherry, les lois qui régissent Mahe, dont la fameuse sur l’alcool, sont les mêmes. Alors si l’absence de taxe sur les boissons alcoolisées est une excellente source de revenus, comme en témoigne les dizaines de boutiques spécialisées, elle est aussi une intarissable source de poivrots.
Et que font les poivrots kéralais le soir venu ? Ils prennent le train pour retourner chez eux.

Au revoir douce Mahe !

16.08.2007

Mahe, d’un lieu de culte à l’autre

medium_mahe23.jpg


Même si l’ultime rencontre de la matinée (voir texte précédent) a rendu mon pas nettement moins primesautier, nous continuons notre découverte de Mahe.medium_planmahe.2.jpg

La population est majoritairement hindoue, mais elle compte aussi de nombreux musulmans, dont le nombre augmente régulièrement, et une poignée de catholiques. Il fut un temps où ces derniers remplissaient allégrement l’église Sainte Theresa consacré à Sainte Thérèse d’Avila, mais la communauté a fondu au fil des ans.
Ces catholiques n’étaient pas, comme on pourrait le penser, des Français en exil, mais des ressortissants de Goa fuyant les persécutions, ce qui fait que, dans le petit cimetière chrétien envahi d’herbes folles que je parcours avec d’infinies précautions, les noms gravés sur les pierres tombales ont des consonances portugaises comme Da Silva ou Fernandez.
Enfouies sous la mousse et les feuillages, quelques antiques tombes portent des noms français: celui d’un enfant disparu au début du siècle dernier, ceux d’un couple reposant à jamais dans la terre du pays des cocotiers.
medium_mahe20.jpg
Quant à l’Eglise Sainte Thérèse, qui date du dix-huitième siècle et qui serait me dit-on, une des plus anciennes du Kerala, elle est décidément dédiée aux femmes, comme en atteste la présence, surprenante, d’une statue grandeur nature de la pucelle de Domrémy, notre Jeanne D’Arc, que les cruels Anglais ont brulée en place publique. Etait-ce pour les narguer, eux qui étaient si proches, dominant le territoire indien, que fut érigée cette statue ?
medium_mahe21.jpg

En parlant de statues, le temple de Sri Krishna en regorge. J’aime cette profusion de personnages colorés, figés dans des positions lascives ou guerrières, entourés d’animaux fabuleux et qui défient à jamais le temps car leurs histoires quatre fois millénaires et qui subliment les nôtres, sont immortelles.
medium_mahe22.jpg
De l’autre côté de la rue, l’eau du bassin où se lavent les fidèles verdoie sous le soleil.
medium_mahe24.jpg

Mais le plus important temple de Mahe n’est pas celui, c’est le Puthalam Temple, beaucoup plus ancien puisque millénaire, beaucoup plus simple et discret, composé de trois autels dédiés à trois dieux et dont le style de construction, caractéristique du Malabar, signifie le respect de la nature.
medium_mahe25.jpg
Lors de sa présence à Mahe, c’est ici que Gandhi est venu se recueillir.
 
medium_mahe26.jpg

Plus loin, les blancs minarets d’une mosquée se fondent dans le ciel qui se couvre de lourds nuages gris. La pluie approche, déjà l’air est plus frais.

A Mahe, les trois communautés vivent en harmonie réparties dans des quartiers voisins et leurs enfants fréquentant les mêmes écoles. Les mariages interreligieux restent rares, mais les amitiés sont fréquentes.
medium_mahe27.jpg

Et dans la nuit finissante, avant que les premiers rayons du soleil ne trouent l’obscurité, les chants religieux hindous se mêlent à l’appel du muezzin avant que celui-ci ne se fonde dans les premiers chants chrétiens qui s’élèvent au-dessus de Sainte Thérèse.

Comme quoi, avec un peu de bonne volonté, on peut très bien s’entendre entre groupes d’obédiences diverses.

Namaste !

15.08.2007

Inde, 60 ans d’indépendance

medium_india-60independance-2.jpg

« Il y a de longues années, nous avons pris rendez-vous avec le destin, et maintenant le temps est venu de tenir notre promesse, le plus parfaitement possible. Quand sonneront les douze coups de minuit, alors que le monde entier dormira, l’Inde s’éveillera à la vie et à la liberté. L’instant approche, rarement offert par l’histoire, où un peuple quitte le passé pour entrer dans l’avenir, où une époque se termine, où l’âme d’une nation étouffée pendant longtemps, retrouve son expression… »

Jawaharlal Nehru, le 14 aout 1947

medium_india-60independance-1.jpg

14.08.2007

Mahésiennes et Mahésiens

medium_mahe11.jpg


Quand nous émergeons de notre chambre, après une nuit agitée passée à se débattre dans une énorme éponge, humide et puante, agrémentée de cafards, un rayon de soleil qui s’est frayé un chemin à travers les nuages laiteux joue sur les feuilles lustrées par les pluies nocturnes.medium_planmahe.jpg
Une mangouste passe le nez par un interstice du mur de clôture de la maison voisine pour saluer notre présence, mais, coquette, refuse de se laisser photographier et disparaît dans les profondeurs du jardin.
medium_mahe14.jpg

Comme nous avions exprimé le souhait de rencontrer des gens de Mahe, Sadan nous accompagne chez sa sœur, qui vit dans un pavillon fleuri contigu à sa propre maison.
Son mari, aujourd’hui décédé, avait obtenu la nationalité française lors de la cession, donc elle est elle aussi française (ainsi que ses enfants), en langage local, mahésienne.
A l’instar de la plupart des Franco-Pondycherriens et des Mahésiens, son époux appartenait à l’armée française, ce qui fait qu’elle a vécu en France et que leurs quatre enfants (quatre garçons) sont nés en Bretagne. Elle parle français avec un joli accent gazouillant qui évoque irrésistiblement le bavardage d’un oiseau exotique.
Si ses fils sont nés en Bretagne, ils ont grandi à Mahe, où la famille était revenue quand le père a pris sa retraite. A l’âge adulte, Français vivant en Inde, donc défavorisés sur le marché du travail local (de toute façon peu attractif au niveau financier), les quatre garçons ont choisi de rallier l’hexagone.
medium_mahe12.jpg
Danesh, le second, est actuellement en congé chez sa mère. Un congé bien particulier car il est venu pour convoler en justes noces avec la ravissante Nikina. Etant dans l’armée, Danesh a choisi de ne pas prendre de vacances pendant 5 longues années, pour cumuler tous les jours fériés afin de passer plus de 4 mois dans sa famille et de se marier. Nikina et lui se connaissaient déjà, mais ils ne s’étaient pas vus depuis 5 ans et ce sont les familles qui ont organisé les modalités de l’union.
Modalités simplifiées par rapport au reste de l’Inde, car, nous explique fièrement (et comme je le comprends !) Sadan, dans une petite portion du Malabar, qui va de Kannur (la ville voisine) à Mahe la pratique de la dot n’existe pas, résultat : le sex ratio, 1148 femmes pour 1000 hommes, est considérablement plus élevé que dans le reste de l’Inde.
Les habitants de Mahe n’éliminent pas les fÅ“tus féminins, ils ne se débarrassent pas non plus des petites filles par n’importe lequel des plus odieux moyens que l’on puisse concevoir et les femmes, jouissant d’un pouvoir accru par rapport à leurs sÅ“urs des autres contrées  indiennes, sont respectées.
medium_mahe15.jpg
Partout ailleurs en Inde, une fillette représente une énorme et absurde dépense, qui cloue bien des familles dans la pauvreté : la dot !
Et, comme en témoigne une fois encore le magazine Frontline dans un article intitulé « Orissa’s unborn daughters », les foeticides et infanticides féminins perdurent dans toute leur horreur particulièrement dans les zones rurales les plus reculées et les plus défavorisées.
medium_mahe18.jpg

Ce n’est pas le seul avantage de Mahe
« Ici, dit Sadan, on ne fait pas travailler les enfants, il n’y a pas de mendiants, pas de huttes de palme, pas de famine, pas de bébés décharnés et les femmes ne subissent aucune forme de violence. »
medium_mahe16.jpg
Je demande à Danesh pourquoi il a choisi une épouse indienne. Il se met à rire et me répond :
« En France, les couples ne tiennent pas. Quand nous partons en mission pour plusieurs mois, à notre retour, beaucoup de mes compagnons ne retrouvent pas leurs femmes, elles sont parties avec d’autres hommes ».
Puis il ajoute : « C’est pareil pour les femmes, j’ai une copine, quand nous sommes rentrés de Côte d’Ivoire, son mari n’était plus à la maison ! ».
En attendant le départ vers la métropole, Nikina apprend le français et se prépare à sa nouvelle vie.
medium_mahe17.jpg

Plus tard, cheminant dans les rues bordées d’arbres fleuris, longeant les belles maisons d’un doux blanc bleuté, je me dis que Mahe est peut-être l’endroit idéal où passer chaque année quelques mois de repos.
Mais, alors que cette charmante perspective caresse agréablement mes pensées, mon regard, ô horreur, croise celui d’un gigantesque serpent, nonchalamment étendu sur un muret à exactement un mètre de mon bras droit.
Mon sang se glace, je pousse un glapissement d’effroi et tandis que je cours me réfugier derrière Fabio, le serpent, méprisant, tourne les talons et se laisse doucement glisser du muret.
Sadan se met à rire.
L’œil pétillant de malice,  il m’explique que tous les serpents ne sont pas venimeux, et que, malgré leur nombre élevé (la mangouste de ce matin aurait dû me mettre la puce à l’oreille, car qui dit mangouste…), les morsures sont rares. Ici les hommes et les reptiles cohabitent depuis toujours et chacun a appris à respecter le territoire de l’autre.

N’empêche, j’en ai encore des frissons!    

 
medium_mahe19.jpg


Toutes les notes

 
Toute l'info avec 20minutes.fr, l'actualité en temps réel Toute l'info avec 20minutes.fr : l'actualité en temps réel | tout le sport : analyses, résultats et matchs en direct
high-tech | arts & stars : toute l'actu people | l'actu en images | La une des lecteurs : votre blog fait l'actu