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31.12.2006

Il y avait un jardin qu’on appelait la terre...

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Il y a quelques temps je vous avais fait part de mon inquiétude au sujet d’une petite île indonésienne, Gili Air.

J’avais écrit « Il suffira d’un rien ».

Mais les catastrophes sont toujours les plus rapides, si Gili Air existe encore, une autre île, probablement la première d’une longue série, a disparu sous les flots.

Elle s’appelait Lohachara et elle était située dans le golfe du Bengale.

Les dix mille habitants qui y vivaient ont vu leurs maisons, leurs terres, leurs écoles, tout ce qui composait leur vie, être lentement et inexorablement recouverts par l’océan.


Qu’avaient-ils donc fait pour mériter semblable punition ?
Probablement rien, l’île était pauvre, on y vivait de peu et le gaspillage n’était point de mise.


Pas d’usines.
Pas d’engins pollueurs.

Rien que de simples maisons, des bateaux de pêche, et des outils pour cultiver la terre.
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C’est dans des pays lointains où ils n’iront jamais que le sort des habitants de Lohachara a été scellé.
Dans des pays où le culte de la consommation a fait perdre la tête à des populations d’esclaves asservis aux lois du marché.
Dans des pays dont les dirigeants pervers se foutent comme d’une guigne de l’équilibre du monde.
Dans des pays égoïstes et avides.
Dans des pays glacés où chaque jour l’humanité se perd un peu plus plus.
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Qui sommes-nous donc, hommes de peu de bien, pour négliger autant l’existence d’autrui ?

Souvent, je pense que l’humanité a entamé un inconscient processus d’auto élimination.
A moins que ce ne soit la Terre qui ne nous supporte plus.
Comme je la comprends, à  son échelle, nous ne sommes rien, que des microbes, pire qu’inutiles, nuisibles.
" Aucune espèce n’a jamais été aussi néfaste que la nôtre, et de loin. On dit avec raison que la Terre est ‘ infestée ’ d’êtres humains. " Hubert Reeves
Qui dit aussi : " Le 21e siècle sera vert, sinon il n’y aura peut-être plus personne pour célébrer l’avènement du 22e siècle "
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Malgré les exhortations de Nietzsche :
" Mes frères, restez fidèles à la Terre avec toute la puissance de votre vertu! Que votre amour qui donne et votre connaissance servent le sens de la Terre. Je vous en prie et vous en conjure, ne laissez pas votre vertu s’envoler des choses terrestres et battre des ailes contre des murs éternels! Hélas! Il y eut toujours tant de vertu égarée! Ramenez, comme moi, la vertu égarée sur la Terre – oui, ramenez-la vers le corps et la vie; afin qu’elle donne un sens à la Terre, un sens humain "
Les erreurs se sont enchaînées les unes aux autres :

" Car notre civilisation ‘ matérialiste ’, bien mal nommée, devrait avant tout cultiver l’amour de ce qui est matériel, de la terre, de l’air et de l’eau, des montagnes et des forêts, de la bonne nourriture, de l’habitat et des vêtements pleins de fantaisie, et des contacts tendres et habilement érotiques entre les corps humains. " Alan Watts
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Mais comme le répète Hubert Reeves « Je suis volontairement optimiste ».

La culpabilisation et l’auto flagellation sont des sentiments négatifs qui condamnent l’humanité, la pousse à accepter son sort en pliant l’échine, comme le fait un troupeau de moutons apeurés.

Alors je me permets de reprendre à mon compte cette citation de René Dubos :
" Je suis convaincu que l’être humain peut améliorer la nature; je sais qu’il est capable de réparer, s’il le veut, une bonne partie des dégâts infligés à l’environnement. "
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De toutes les espèces vivantes nous prétendons être la plus accomplie, la plus intelligente et nous avons encore entre les mains le pouvoir de sauver la planète.

Pour gagner, il faut y croire Nous le devons aux futures générations, nous le devons à nous-mêmes les humains, nous le devons à tout ce qui vit sur cette terre.

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Que 2007 marque le début d’une ère nouvelle.
Que cette nouvelle année soit douce à vous toutes et tous, mes passants du web, qui me faites le plaisir de visiter régulièrement cet espace.

Quelques images de la beauté du monde :


29.12.2006

Sarong, mode d'emploi


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« Tu as des sarongs ? » me demande Brigetoun dans le commentaire qu’elle a laissé sur le texte « Le Mékong »
Oui ! Bien sûr !
Fidèle à moi-même, je ne pouvais certes pas résister à cet achat.

Les femmes laotiennes le portent presque exclusivement, et obligatoirement si elles doivent accomplir des démarches administratives ou travailler.
Dans le nord du Laos il est en simple cotonnade pour les activités quotidiennes, et en tissu traditionnel orné de motifs géométriques colorés, que les femmes fabriquent sur leurs métiers à tisser, pour toutes les autres occasions. Cette longue jupe, pratique et judicieusement conçue, se porte avec un chemisier moulant. Son nom varie d’une région à l’autre, sarong, sinh, pha nung… Mais, le Laos étant composé d’une extraordinaire mosaïque d’ethnies, il existe d’autres types de vêtements traditionnels.

Pour en revenir au sarong, je vous ai concocté une petite série de photos (après Céleste en sari, Céleste en sarong), pour vous expliquer comment on le met et à quel point il est bien conçu, pratique et agréable à porter, en plus d’être beau.

Il a la forme d’un tube. Mais pas de n’importe quel tube, un tube ajusté au niveau de la taille.
J’ai acheté le tissu de celui-ci, traditionnel, tissé à la main, au marché de Vientiane, puis j’ai expliqué tant bien que mal à la vendeuse que je souhaitais qu’il soit transformé en sarong. Elle m’a fait signe de la suivre, et nous sommes allées chez la couturière, qui, après avoir pris mes mesures, a fabriqué le sarong.
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Mode d'emploi en image :

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Deux petites vidéos pour terminer, d'abord un peu de culture et ensuite la revue des achats du jour dans la chambre d'hôtel de Vientiane. 


27.12.2006

Le Mékong

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Il y a quelques temps, Mohamed, du superbe blog Kitab, avait demandé à ses lecteurs de participer à un billet sur Elisée Reclus en écrivant un petit texte sur un cours d’eau. J’avais choisi le Mékong et rédigé quelques lignes.

Je les reprends aujourd’hui, en y mêlant des souvenirs. Pour vous offrir un peu de soleil, au cœur de l’hiver.

Longtemps avant de le voir, je l’aimais déjà, découvert au fil des romans de Marguerite Duras. Il était le symbole de l’Indochine qui, enfant, me faisait rêver, bien après la fin de la colonisation dont je ne mesurais évidemment pas les dégâts.

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Et puis je l’ai découvert.
La première fois je l’ai traversé, par le pont de l’amitié qui joint la Thaïlande au Laos.
A Vientiane nous avons flâné sur ses rives et mangé du poisson en regardant le soleil descendre dans ses eaux rougeâtres.
Luang Prabang, perle du Laos, ville royale, ville sacrée, écrin d’une trentaine de temples enfouis dans la verdure s’étale nonchalante à la confluence du Mékong et de la Nam Khan. Plus de mille moines y vivent. A l’aube, ils parcourent les rues de la ville en une longue file colorée, dont les nuances vont de l’orange des moinillons, au jaune safran, à la teinte de la feuille d’automne des moines chevronnés, et les habitants remplissent leurs écuelles du riz et des légumes qui seront leur pitance du jour.
Presque tous les hommes laotiens consacrent un an de leur jeunesse au bouddhisme.
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Mélange de maisons de bois traditionnelles, de bâtisses coloniales décaties et charmantes, élégantes vieilles dames dont les charmes, bien que fanés, ont gardé tous leurs attraits et de temples dont les envolées de longs toits de tuiles vernissées, gracieux comme des ailes, luisent sous le soleil, Luang Prabang envoûte et repose.

Nous avons pris un bateau qui, remontant le cours du fleuve, nous a portés à la grotte de Pak Ou, ou des centaines de bouddha impassibles, naïfs ou finement sculptés, de bois ou de pierre, contemplent les flots.
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Nous avons marché dans la ville, grimpé sur le mont Phou Si pour contempler le coucher de soleil, fait des emplettes au marché.
Les femmes laotiennes tiennent entièrement l’économie locale, elles tissent des étoffes en coton sur leur métiers à tisser placés sous les pilotis des maisons, puis elles cousent, assemblent, fabriquent et vendent au marché.
Les maris ? Ils baguenaudent.
En août, les orages sont fréquents au Laos. Par une fin d’après-midi, nous étions au marché, comme chaque jour, à marchander quelque objet, le temps ne semblait guère menaçant, mais un cri d’alerte a retenti et, à une vitesse sidérante, les femmes ont remballé les étals, fermé les ballots et se sont mises à l’abri, à peine la dernière avait-elle rejoint un auvent que le ciel a explosé. Des trombes d’eau, déversées du ciel devenu couleur de plomb, crépitaient sur les toits, de gigantesques éclairs zébraient l’obscurité tombante et les flancs de vallées se renvoyaient sans cesse le rugissement du tonnerre.
Nous sommes restés près d’une heure, à l’abri d’un portique, puis l’orage s’en est allé et le marché a repris.
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Nous avons loué une mobylette et sillonné les environs, visitant de petits temples de village, où les moinillons orange se précipitaient pour nous parler.
Ils habitent des baraques autour des temples, apprennent à lire, à prier, ânonnant sans cesse pour les mémoriser de longues litanies, à peindre ou à sculpter aussi. La plupart d’entre eux ont été placés dans ces couvents par des parents pauvres qui s’épargnent ainsi le poids de leur entretien et de leur éducation.
Certains semblent joyeux, peut-être ont-il rencontré la foi, d’autres renâclent, la tristesse se lit sur leurs petits visages souvent trop maigres.
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Partis en mobylette, nous avons emprunté une barque sur la Nam Khan pour nous rendre à des cascades. Au moment ou le passeur engageait son embarcation dans l’eau deux enfants, un garçon et une fille, sont arrivés en courant, ils ont sauté à l’avant et nous ont accompagnés.
Sur l’eau d’abord.
Puis le long d’un chemin serpentant parmi les fleurs et les papillons.
Jusqu’aux vasques des cascades ou ruisselait une eau fraîche et pure.
Ils se sont jetés dans l’onde avec joie.
Nous, toujours méfiants, avons hésité un long moment, peur des sangsues, des bêtes en général, des microbes, de ci, de ça et d’autres choses, ou l’art de se compliquer l’existence, au lieu de profiter de la magie du lieu.
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Il fallut partir enfin, quitter la ville enchantée, dolente et sereine. Nous nous sommes promis d’y revenir à l’occasion d’un prochain voyage et cette promesse nous a rendu le départ plus facile.
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Nous avons aussi quitté le Mékong et son extraordinaire puissance, celle de la nature que jamais, malgré ses mauvaises intentions, l’homme ne pourra vaincre.


Pour finir, la vidéo :


 

26.12.2006

A Jean-Louis

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Durant toutes années, et dès que je t’ai connu, j’ai toujours su que s’il m’arrivait quoique ce soit je pourrais venir vers toi, que tu m’écouterais, que tu m’aiderais, que tu transformerais mon chagrin en éclats de rire.
Des rires, nous en avons partagés tant.
Je porte en moi, comme de précieux trésors, tous ces moments de joie et d’insouciance.
Je me revois sonnant à la porte de ton appartement de la ZUP, venant chercher de la tendresse et de l’humour, parce qu’une de mes improbables histoires d’amour avait mal tourné.
Affalés sur les coussins, on écoutait Patty Smith, on picolait un peu - une bouteille d’alcool fauchée chez Ceron - ou, si on avait de la chance, on se faisait un joint, avec des mines de conspirateurs. Et Bébert nous préparait un bon petit repas, raffiné toujours.
Puis arrivait la douce et belle Elisabeth, avec qui tu as eu le bonheur de passer ta vie, la soirée se prolongeait, on était bien.
Infini plaisir d’être ensemble, envie de jouer, comme des enfants que nous sommes longtemps restés.
Les courses de voiture dans Châteauroux, R5 contre Austin.
Les parties de tarot.
Les concours de boisson.
Le voyage en Ecosse avec Paulo et Anita, à Londres, nous avions retrouvé Elisabeth.
Et l’extraordinaire « Fraicheur de vivre, Hollywood chewing-gum » sur la plage de l’île de Ré, la R5 droit vers les vagues… yeaaaahhh !
Comme nous avons eu de la chance de vivre tout ça !

Et puis je suis partie et nous avons grandi.

Mais chacune de nos rencontres a été un moment privilégié, une parenthèse d’amitié et de joie.

Noël au Blanc, dans votre premier appartement, il faisait un froid de canard.
La plage d’Eze et Gabriel qui avait peur des vagues.
La naissance de Ghislain.
Les balades en vélo dans la Brenne.
L’île d’Aix, bien sûr et les ventrées de coquillages et de langoustines arrosées de vin blanc.
Votre venue à Bologne, les mosaïques de Ravenne.

Le  temps qui est passé, inéluctable et indifférent, a fait que nous ne nous sommes pas vus ces dernières années, mais qu’importait, je savais que, là-bas, tu existais, et qu’il suffisait d’un rien pour se retrouver.

Il y a quelques jours tu nous a quittés, parti dans l’immensité d’où l’on ne revient pas.

Aujourd’hui, je ne t’accompagnerai pas dans ton ultime demeure, seules mes pensées et mes larmes le feront.

Ma peine est infinie, mais je suis riche du souvenir de tous ces moments qui ont embelli ma vie.

Elisabeth,
ma petite sœur amoureuse de mon ami, le grand, le beau Jean Louis, qui me manquera tant et que j’ai tant aimé, en qui j’avais une telle confiance, je t’envoie toute ma tendresse, je partage ta douleur, au plus profond de moi.


23.12.2006

Sonnez hautbois, résonnez trompettes.

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A Poipet, ville frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, la misère s’étale comme une plaie purulente.
Des enfants en guenilles, maigres, morveux, pieds nus dans la poussière, mendient quelques piécettes aux touristes occidentaux et aux thaïs qui vont jouer dans les casinos de la ville, agglutinés ensemble dans la file d’attente du poste frontière.
Les premiers se lamentent de la lenteur des opérations, pestent et bousculent pour gagner quelques places, leur plaisir de touristes gâché par cette attente interminable. Ils ont payé pour être là, ils ont un programme à suivre, des monuments à visiter. Pensent-ils à toutes les contraintes que nous, occidentaux, infligeons, à qui, venu, d’un pays pauvre, voudrait essayer de l’être moins en immigrant dans nos contrées?

Si j’en juge à leur attitude indifférente, c’est peu probable.

Les deuxièmes, les thaïs, tous des hommes, ont en tête bien autre chose, venus tenter leur chance au casino, et profiter sans honte de la misère locale pour s’acheter les corps graciles des enfants affamés.

Poipet est le lieu le plus sordide que nous ayons jamais vu, le clinquant des casinos et ses relents d’argent facile dominent des rues défoncées où des hommes décharnés tirent des charrettes à bras lourdement chargés de ballots, où les vendeurs de tout et de rien, se pressent autour de la foule qui attend, où des enfants, beaucoup d’enfants tendent tristement des mains crasseuses.

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Une fillette s’est attachée à nos pas. Elle a environ dix ans, sur sa hanche, tenu par un linge sale, elle porte un bébé presque nu, son petit frère. Il est trop lourd pour elle, il pèse sur son côté et le tissu lui blesse l’épaule.
Je lui donne un peu d’argent.
Elle continue à quémander « Maman, papa ! »
Elle  montre le bébé baveux « Manger, maman ! »
Je n’ai plus de pièces, je fouille dans mon sac, j’y trouve un stylo, un peigne et un petit miroir, je les lui offre, son visage s’illumine, elle me sourit.
Elle s’éloigne de moi, tendant la main vers d’autres. Un gros homme se rapproche d’elle, je vois sa main épaisse se diriger vers ses petites fesses maigres. Probablement il la touche, car elle s’éloigne brusquement, les yeux enflammés de colère. Je fusille l’homme du regard. Il bat en retraite. Elle revient vers moi.
Je lui parle, en français, je lui dis que malheureusement je ne peux rien faire pour elle, que sa souffrance me touche, qu’elle doit faire attention aux hommes avides, qu’elle doit aller à l’école… je sais qu’elle ne comprend pas le sens de mes paroles, mais elle perçoit la tendresse que j’éprouve pour elle.
Elle ne réclame plus, elle est calme, nous échangeons des sourires. Je soulève le bébé dans mes bras pour la soulager quelques instants de son poids. Je remets le linge en place. Je lui donne des mouchoirs en papier pour essuyer le petit nez qui coule.
Puis arrive notre tour de passer la frontière.
Je lui dis au revoir, et que je ne l’oublierai pas, que ce que je ne peux pas faire pour elle je m’appliquerai à le faire pour d’autres dès que cela me ce sera possible.
J’ai envie de pleurer.
Elle aussi est triste.
Puis elle tourne les talons, et je la vois, petite silhouette déséquilibrée, retourner vers le début de la file pour mendier à nouveau.
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Une semaine plus tard nous repassons à Poipet, cette fois pour rejoindre la Thaïlande. Je pense  à la fillette, je la cherche du regard.
Soudain j’entends une petite voix « Maman, papa ! »
C’est elle, qui se précipite vers nous, joyeuse de nous revoir, le bébé brinquebalant sur sa hanche.
Mais aujourd’hui elle ne demande rien, elle lève ses mains jointes, très haut devant son visage pour nous saluer. Elle sourit.
Puis une voix l’appelle et elle s’enfuit en courant.
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Demain l’occident fêtera Noël.
Pendant qu’une minorité des habitants de la planète s’empiffrera à en vomir, éclairée par une débauche de lampions, pendant que la fête de la consommation et de la gabegie battra son plein dans les vapeurs de champagne et les renvois de foie gras, des millions d’enfants à travers le monde tendront leurs mains pour mendier quelques centimes.

Et pourtant que fête-t-on à Noel, si ce n’est la naissance d’un enfant, venu au monde dans une étable, et dont les parents devront s’exiler pour protéger leur fils de la folie d’un prince qui voulait massacrer les innocents ?
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En cette nuit de Noël, la bombance ne sera pas partagée.

Dans le froid glacial de l’Afghanistan personne ne fêtera l’arrivée au monde de fragiles nouveau-nés dont l’espérance de vie sera presque inexistante.
Dans les camps du Darfour des femmes aux seins vidés n’auront plus de lait à offrir à des nourrissons exsangues.
Dans les faubourgs de Bagdad les explosions des bombes raviront à des bébés les adultes qui les aiment.
Dans la bande Gaza des petits Palestiniens découvriront que leur univers est une prison.

Et partout dans le monde, des enfants seront frappés, enfermés, violés, torturés, emprisonnés.
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Sonnez hautbois, résonnez trompettes, non pas pour un enfant fils d’un hypothétique Dieu, mais pour tous les enfants du monde.

Pour que chaque naissance soit une joie.
Pour que tous naissent vraiment libres et égaux.
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Que ce Noël vous soit, à toutes et tous, empli de joie et de tendresse.
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Et, comme cadeau, une petite vidéo :
 

19.12.2006

Il me sourira, éternellement



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J’ai posé le bloc d’argile devant moi, à hauteur de mes yeux, sur un plateau tournant.
Je l’observe.
Je le caresse.
Je suis patiente, bientôt de ce bloc gris et froid jaillira un visage, mais je ne le vois pas encore.
Je fais lentement tourner le plateau. J’attends que la terre me fasse le signe qui me permettra de commencer. Il me suffit d’une anfractuosité, d’un relief, de la sinuosité d’un creux pour voir se dessiner les traits du Bouddha du Bayon. C’est lui que je cherche, que je veux, qui somnole dans ma mémoire depuis deux ans.
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Mais est-ce bien Bouddha ?
Les historiens hésitent et se partagent. S’il est confirmé que le créateur du Bayon, le roi Jayavarman VII était bouddhiste fervent, il n’en reste pas moins de nombreuses interrogations sur le temple du Bayon, le temple aux 54 tours portant chacune 4 visages géants orientés vers les points cardinaux.
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Visages identiques
Regard fixe.
Sourire énigmatique, pas celui de Bouddha, éclairé et serein.
Sourire glacial ont dit certains, « maudit, maléfique » pour le très occidental, très catholique Paul Claudel qui verra Angkor comme un lieu d’oppression et de dégoût.

Oppression.
Où que l’on tourne le regard, le sourire, immuable, gigantesque.
Lèvres charnues.
Ironique.
Puissant, 200 visages, surveillant les 54 provinces du royaume.

L’œil du maître est partout, déguisé en Bouddha. La religion habilement liée au pouvoir.

Jayavarman, éternel, veille sur ses terres.

J’ai rendez-vous avec lui.

La lame de mon couteau entaille la terre, je coupe, je retire, je dégage, mes gestes sont sûrs et rapides.

La forme de la tête apparaît, ronde et lisse.

Et le visage s’impose. Le nez large, la bouche aux lèvres pleines, le sourire, je cherche le sourire.
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Je cherche le sourire.
Je cherche le sourire.

Je tâtonne, j’ajoute de la terre, par petites touches délicates. Je coupe, je modèle, je sculpte, je ferme les yeux, je confie ma main à ma mémoire.

Il se dessine, irrésistible.

Ce n’est pas celui du Bayon, c’est un autre, que la terre me propose.
Il est plus doux, plus humain, plus sensuel.
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J’affine le nez, large mais fin et délicat, droit.

Je ne veux pas du regard froid du Bayon, j’esquisse des paupières à demi closes, au gracieux mouvement sinueux effilé vers les tempes.

Je fais pivoter mon Bouddha sous la lumière, je corrige l’asymétrie du visage.

Je m’éloigne pour l’observer.
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Il est beau, étrange et fascinant.

Il me sourit. C’est un dieu humain.
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A cet instant j’ai la pleine sensation d’avoir accompli exactement ce pourquoi j’ai commencé ce matin à travailler l’argile.

Je sais que je vais passer des heures et des heures avec lui, je vais le vider de sa terre, le polir amoureusement, jusqu’à ce qu’il devienne lisse et brillant comme du granit.
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Quand il sortira du four il sera différent, presque inconnu et nous devrons à nouveau nous séduire. Il sera d’une autre texture. Je le peindrai avec du thé ou du brou de noix, je le vernirai avec de la cire d’abeille

Il me sourira, éternellement.
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15.12.2006

Quelques considérations sur le tsunami


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En conclusion à « Céleste et le tsunami », j’ai voulu rédiger un article plus général, disons informatif.
Donc, la souris en main, j’ai entamé des recherches.
J’ai cliqué, cliqué, cliqué, à en avoir mal au bras, parce que chaque nouveau site me proposait des informations différentes.

J’ai trié, ne gardant que ce qui me semblait les plus proche de la vérité, et qui correspondait avec ce que j’avais vécu, ou observé.

Le 26 décembre 2004, au large de l'île indonésienne de Sumatra, les sismographes enregistrent un tremblement de terre d’une exceptionnelle intensité: 9.0 sur l'échelle de Richter.
Une demi-heure plus tard une vague de 15 mètres de hauteur s’abat sur la côte indonésienne, elle provoquera la mort de plus de 128 000 personnes.

La vague continue sa course folle à travers l’Océan indien.

Deux heures après le séisme elle s’abat sur la Thaïlande, puis sur le Sri Lanka, sur l’Inde, le Bangladesh.

Au total plus de 280 000 personnes perdront la vie (source MSF), emportées par l’océan. Des centaines de milliers d’autres se retrouveront dans un dénuement total.
Les dégâts matériels sont énormes.

Entre le moment où le tsunami  frappe les côtes de Sumatra et celui il atteint la Thaïlande, il s’écoule une heure et demie, et, à l’ère de la communication, personne n’a l’idée de donner aux thaïlandais, aux Indiens et aux Sri lankais, ce simple conseil : « Eloignez-vous au plus vite du bord de mer ! ».

Averti du séisme, le responsable thaï de la météorologie, hésite, se tâte, mais, se souvenant que son prédécesseur a perdu sa place pour avoir donné une fausse alerte, décide finalement de ne rien faire.

Quand arrive la première vague et que la mer se retire, les animaux se précipitent à l’intérieur des terres, les humains, incapables de déchiffrer les signaux de la nature, restent. A part sur les îles Andaman, où les autochtones, vivant de manière habituellement qualifiée de « primitive », ont immédiatement compris le danger et se sont mis à l’abri.

La suite a été diffusée en boucle sur les télés du monde en entier, avec une délectation morbide évidente.

A notre arrivée à l’aéroport de Bologne, à 3 heures du matin, le premier janvier 2005, comme prévu, une nuée de journalistes nous attendaient. Notre récit les a déçus, nous n’avions vu ni vague géante, ni cadavres flottants.
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D’après la Banque Mondiale, la collecte pour aider les sinistrés a rapporté environ 5 milliards de dollars.

Que sont-ils devenus ?

Une partie a été effectivement utilisée pour aider les sinistrés, une autre partie a été attribuée à d’autres fins humanitaires, et le reste produirait des intérêts dans des banques.


Les grands hôtels ont été reconstruits. La plupart des victimes ont été indemnisées. Kun a remis sur pied son "resort". Et j’espère que la petite mère qui faisait la Laundry dans son jardin a pu se racheter une machine à laver.


En Inde, aussi on a reconstruit, lentement, petit à petit.
Les pêcheurs ont pu réparer leurs bateaux.
La vie a repris.

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D’avoir vécu le tsunami ne nous empêche pas, et ne nous empêchera pas de continuer à voyager.

Je préfère mourir en vivant que vivre en m’économisant.

La Thaïlande est un pays superbe, accueillant, bien organisé, on y voyage très facilement.
Nous nous y avons effectué plusieurs séjours et toujours avec le même plaisir.
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Avant le tsunami, nous étions promenés avec bonheur à travers le pays, comme en témoignent les photos qui émaillent ce texte et le générique du film vidéo, personnel, que je vous propose.
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13.12.2006

Ko Lanta, le lendemain du tsunami



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Aux premières lueurs d’une aube nouvelle, le sifflement ininterrompu d’un insecte nous extirpe d’un sommeil léger et agité. Nous avons très peu dormi.
Les yeux clos, je revoyais encore et encore les vagues déferlantes, j’entendais leur rumeur, je courais à nouveau pour leur échapper.
Hier matin, la gravité de l’événement m’avait totalement échappée, et à aucun moment, l’idée d’un raz-de-marée ne m’avait effleurée.
Pourtant, mon imaginaire en était plein, de raz-de-marée, leur idée fut une des peurs de mon enfance. Je voyais un mur d’eau, irrésistible, haut comme un immeuble, s’abattre sur le rivage, renverser les maisons, ensevelir des villes entières.
Dans mon livre de lecture du CM2, il y avait l’histoire d’un chinois qui se réfugiait sur une montagne pour échapper à un raz-de-marée, et, de là haut, il voyait l’eau détruire sa maison, ruiner ses récoltes, emporter les arbres.
Mais quand le tsunami est arrivé, je ne l’ai pas reconnu !
Cette nuit, allongée sur le sol, grelottant dans une couverture, les paupières lourdes et la tête douloureuse, j’ai revécu, indéfiniment, ces quelques minutes où l’océan aurait pu nous emporter.
J’étais inquiète aussi pour tous ceux, comme Kun, qui avaient choisi de passer la nuit sur le bord de mer.
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Nous buvons un mauvais café au restaurant. Le camp a du mal à sortir de la torpeur.

Comme il n’y a plus d’eau au robinet, nous ne pouvons pas nous laver.
Nous n’avons pas de vêtements pour nous changer.
Les toilettes débordent.
Nous avons dormi par terre.
Nous avons faim.
Nous sommes exténués.

Je pense aux millions de réfugiés à travers le monde, à ceux qu’on appelle, « les personnes déplacées », eux ne passent pas une nuit à la dure, mais des mois, parfois des années, à dormir sur le sol, sous une fragile tente que le vent peut abattre, à prendre l’eau à la fontaine, ou au camion de l’ONG qui passe, à être privés de tout, à ne rien n’avoir.

Nos capacités de résistance sont extrêmement faibles mais notre égoïsme, qui fait que nous, les nantis occidentaux, oublions facilement toute cette humanité qui ne vit qu’à demi, est énorme.

Il suffit d’un rien pour basculer dans autre chose.
Un rien.
Une vague.
Une guerre.
Un tremblement de terre.
Une épidémie.

Vers 9 heures nous décidons que rester sur la colline n’a pas de sens et qu’il est mieux de retourner au resort.

Malheureusement il s’avère difficile de trouver un véhicule, tous ont déjà été réquisitionnés par les touristes qui se précipitent éperdument vers Bangkok pour regagner leurs pays.

C’est la fuite.

Finalement un van s’arrête, à son bord un Italien et sa compagne, une jeune femme thaï. Le type est odieux, lui, il n’envisage pas de rentrer, mais de poursuivre vers le nord son voyage, l’idée de prêter main forte aux sinistrés ne l’a même pas effleurée, ce n’est pas son problème.
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Nous arrivons chez Kun, le nettoyage a déjà commencé. La cuisinier, assis sur la terrasse d’un bungalow, essuie un par un les CD, Ho balaie avec la jeune canadienne, Kun passe la serpillère et son père a retrouvé son sourire.
Ils nous accueillent joyeusement.
« C’est le destin , dit Kun, philosophe, il faut l’accepter et reconstruire. »

Sagesse bouddhiste de qui ne se laisse pas décourager et accepte les coups du sort sans se perdre en lamentations.

Nos bungalows sont intacts et après une indispensable douche nous nous armons nous aussi de balais et de pelles.
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Un peu plus tard nous réussissons à nous connecter sur internet. Et là, c’est le choc.
Les premières images des monstrueux ravages du tsunami à Sumatra, au Sri Lanka, à Pukhet et à Phi Phi, nous sautent aux visages comme des bombes à retardement.
L’horreur.
Les corps emportés par les flots.
Les victimes agrippées aux palmiers, aux toits, aux murs.
L’eau dévastant les rues de Phi Phi.

Si nous avions choisi d’y aller un jour plus tard, Cléo, Néna, Fabio et moi n’aurions pas survécu, et Alberto et ses fils, du haut du promontoire auraient, comme d’autres, assisté impuissants à l’engloutissement du village.

Il suffit parfois d’un détail pour avoir la vie sauve, cela s’appelle la chance.
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En fin d’après-midi nous marchons sur la plage. Les dégâts matériels sont énormes. Heureusement, sur Ko Lanta, il y a moins qu’une dizaine de morts. L’île étant peu construite, l’eau s’est répandue dans les espaces vides.
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Tous les resorts sont déserts, les touristes ont fui, le plus vite possible, créant sur les routes d’immenses embouteillages qui freinent le rapatriement des blessés vers la capitale.
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A Fisherman tout le monde a mis la main à la pâte. Pour remercier ceux qui l’ont aidé, Kun organise un dîner. Personne n’est parti de chez lui, ni les petites anglaises, ni la jeune canadienne, ni nous. Deux copains du maître des lieux, Olivier, un sympathique baroudeur français et Marc, un entrepreneur canadien qui a pris une année sabbatique pour visiter le monde, ont prêté main forte toute la journée, ils sont eux aussi invités.

Ho jongle avec un bâton enflammé et défie Olivier et Marc a un concours de boisson.

Le calme est revenu sur Ko Lanta.
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10.12.2006

Ko Lanta, le jour du tsunami (suite)

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Il est 11 heures nous sommes entassés à l’arrière d’une jeep et nous ne savons pas où nous allons.
Sur notre chemin, des voitures renversées, des maisons détruites, des arbres abattus témoignent de la violence des vagues.
Nous n’avons aucune idée, ni de ce qui c’est réellement passé, ni de la dramatique ampleur de l’événement.

La voiture nous dépose à flanc de colline, tout en haut, un restaurant panoramique en construction est déjà investi par des dizaines de thaïs et de touristes.
Nous nous installons sur une terrasse en bois. D’un groupe à l’autre, quelques informations commencent à circuler.
Et quelles informations !
Une femme affirme que l’océan a submergé le Bengladesh. « Et aussi les Maldives ! » dit un homme en anglais. « Et le Sri Lanka ! » ajoute un troisième.
Et tous s’accordent sur un point, le pire est à venir, une nouvelle vague est sur le point d’arriver, énorme, gigantesque, encore plus meurtrière.
Nous tentons de faire la part des choses, s’il apparaît, effectivement, que la situation est beaucoup plus dramatique que ce que nous avions initialement pensé, la colline sur laquelle nous nous trouvons a une altitude d’au moins 300 mètres, si l’eau arrive jusqu’à cette hauteur, toute l’Asie sera submergée et il faudra bien accepter le destin.
A ce moment là, le téléphone de Néna lui signale l’arrivée d’un message de sa sœur. Elle est en Italie, elle vient de se lever, elle a allumé la radio, a entendu les infos et a écrit, visiblement très préoccupée « Où êtes-vous ? Donne tout de suite de vos nouvelles, nous sommes très inquiets. »
Ce à quoi Néna répond illico « Tout va bien, nous sommes sur une colline, en sécurité, que s’est-il passé ? ».
Pour être honnête nous ne sommes pas complètement convaincus d’être en sécurité, mais effrayer nos proches serait stupide.
Et, d’Italie, la sœur de Néna répond « Epicentre Tsunami Indonésie ».
Tsunami ? Nous nous regardons incrédules. C’est où ? C’est quoi ? Une île ?
« Pfffft, dit Gio, vous êtes nuls, un tsunami, c’est un raz-de-marée ! »
Un raz-de-marée !!!
« Oui, nous confirme un français qui passe, on commence à avoir des informations, il y a eu un tremblement de terre en Indonésie. Ça a provoqué un raz-de-marée, à Sumatra, les dégâts sont énormes, probablement des milliers de morts. En Thaïlande on ne sait pas encore, mais j’ai entendu dire qu’à Phuket et à Phi Phi la situation est dramatique. »

A Phi Phi ! Il y a 24 heures nous déambulions dans ses ruelles étroites et bondées.
Nous avons eu une chance folle, chez Kun, l’eau a eu de la place pour se répandre, à Phi Phi, elle a dû s’engouffrer entre les boutiques et les maisons, sa violence redoublée par l’exigüité des lieux, et tout emporter sur son passage.
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Je téléphone immédiatement à mes parents, eux aussi viennent d’entendre les informations, on parle de milliers de morts en Indonésie, en Inde, au Sri Lanka, en Thaïlande.

Nous sommes maintenant près de deux cents sur la colline. Des femmes et des enfants thaïs se sont regroupés sur des nattes. L’inquiétude se lit sur les visages, qu’ont-elles laissé sur le bord de mer ? Un restaurant ? Une boutique ? Une maison ? Peut-être ont-elles des maris pêcheurs, embarqués ce matin sur de frêles embarcations ?

Par rapport à eux nous ne sommes vraiment pas à plaindre, au pire nous ne retrouverons pas nos valises.
Les téléphones portables sonnent de toutes parts.
Le restaurant prépare des plats de riz et met la musique à fond, Tracy Chapman
Le temps passe.
Interminable.
Vers 15 heures Ho arrive, il nous a cherché partout, dans tous les camps de fortune, Kun et lui étaient préoccupés pour nous. Au resort, seul un bungalow est tombé, mais l’eau a tout envahi, la cuisine, le lounge, trempant le matériel informatique, et l’impressionnante collection de CD de Kun, disc jockey pour des soirées.
Néna s’acharne sur son téléphone pour joindre le ministère des affaires étrangères italien, rien à faire, nul ne répond.
Nous prêtons nos portables à des Français qui veulent rassurer leurs familles. Les vagues les ont surpris alors qu’ils étaient à la plage, ils n’ont pas pu retourner dans leur bungalow, ils n’ont rien, ni papiers, ni argent.
Vers 16 heures Fabio et Alberto décident d’accompagner Ho au resort, par sécurité nous passerons la nuit sur la colline, mais peut-être peuvent-ils rapporter des vêtements plus chauds et des couvertures, cette nuit, il fera plus frais.
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Nous attendons leur retour.
Le temps passe.
Les toilettes sont bouchées.
Il n’y a plus d’eau au robinet.
Les hommes reviennent.
La nuit tombe sur les petits groupes épars, assis au milieu des ballots et des bouteilles vides.

La musique est toujours aussi forte.
Ambiance de fin du monde, nous serions les seuls rescapés, perdus en haut de cette colline, à attendre sans trop savoir quoi, au son de David Gray.
“ Sail away with me honey
   I put my heart in your hands
   Sail away with me honey now, now, now
   Sail away with me
   What will be will be
   I wanna hold you “

Deux thaïlandais s’affairent pour monter des tentes, à ma grande honte, les touristes ne bronchent pas et nous sommes presque les seuls à aider. Assis contre un arbre, un jeune indien pleure, la tête entre les mains. La plupart des téléphones sont désormais muets, vides ou déchargés, mais certains lancent encore des appels désespérés pour joindre des amis, ou de la famille, dont ils sont sans nouvelles.
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Nous nous forçons à manger un peu de riz, mais il faut reconnaître que la bière passe nettement mieux.

Toujours la musique, Jack Johnson « Times like this. »

Et l’attente.

Autour de nous la jungle bruit et s’agite. Une jeune femme pousse un hurlement, elle vient de voir un serpent se faufiler sous un buisson, à un mètre d’elle.
Du coup, quand un petit crapaud saute brusquement sur ma couverture j’hurle moi aussi.
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Un groupe de musulmans a planté des tentes en contre bas, les hommes jettent sur nous des regards froids et leurs femmes restent invisibles. Dans cette zone, proche de la Malaisie, il y a de nombreuses frictions religieuses.

Malgré la musique l’ambiance est tendue.

Des touristes nordiques se gavent de bière, puis disposent les cannettes en cercle autour d’eux.

Puis c’est le silence.
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Vers deux heures du matin, épuisés, nous nous allongeons à même le sol sous une tente pour essayer de dormir.

A suivre…

08.12.2006

Ko Lanta, le jour du tsunami

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26 décembre, aujourd’hui, pas question de quitter notre plage !
Qu’importe la piètre qualité du café, le ciel est immaculé et la mer scintille sur les rochers que la marée a découverts.
Au loin Gio, les pieds dans l’eau, scrute les algues pour y dénicher des poissons ou des crabes.
Alberto et moi nous appliquons à dessiner un drôle d’arbuste biscornu qui trône au milieu du pré.
Néna et Fabio lisent face à l’océan.
A 9 heures30 ma princesse émerge de son bungalow, hier soir elle a tenu compagnie à Ho, qui versait à boire à quelques clients venus d’un autre resort.
Enfin apparaît Lori, échevelé et titubant d’avoir tant dormi.
Le silence est total, ce matin les oiseaux sont discrets. Ils savent, eux, que le malheur approche.
Nous non, et quand la mer se retire, si loin qu’on ne la voit plus, et que la première vague se profile à l’horizon, blanche d’écume, longue, irrésistible, nous la contemplons.
« Guardate questa onda, s’écrie Néna, é meravigliosa ! »
Merveilleuse, vraiment, elle se détache sur l’azur, gronde, bouillonne.
Mais voilà que sa force est telle qu’elle soulève un bateau ancré au large, et le portant sur sa crête, ballotant de droite et gauche, l’emporte vers le rivage.
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Mais voilà qu’au lieu de mourir sur le sable la vague poursuit sa course folle, grimpe le talus et vient se répandre sous nos pieds.
Nous échangeons des regards surpris.
Que se passe-t-il ?
Peut-être un gros navire, au loin, a-t-il provoqué cette furie ?
L’eau se retire, comme tirée par une main géante, abandonnant des algues et des petits poissons que Gio sauve de la mort en les jetant dans l’eau.
Une autre arrive, tout aussi forte, et vient nous lécher les pieds.
Puis l’océan devient fou, les vagues sont perpendiculaires à la plage, elles déferlent de droite et de gauche, charriant des chaises, des tables, des barbecues ravis aux restaurants voisins, des branchages et des planches.
Cette mer, qui, il y a quelques instants, était si belle, est devenue sombre et houleuse. Elle ondule, menace.
Ho, Kun et son père nous ont rejoints sur la plage. Le père de Kun est inquiet. Il ne sourit pas, hoche lentement la tête, scrute l’horizon.
« It’s the first time, we don’t understand » nous dit Kun.
Personne ne comprend, mais les flots semblent plus calmes.
Et nous, incorrigibles optimistes, ou parfaits crétins, inconscients de la gravité du phénomène, nous ramassons tranquillement nos serviettes et nos tongs, pour les poser dix mètres en arrière, au sec.
L’eau est repartie, on la voit miroiter à l’horizon.
Des enfants thaïlandais arpentent la plage, ils cherchent des coquillages.
Ouf ! Le calme revient, non pas que nous ayons eu peur, mais quand même, c’est les vacances !
« Un’altra, enorme ! » crie Lori.
Elle arrive du fond du ciel, blanche, rugissante, extraordinairement rapide, le temps de faire quelques pas en arrière et elle a escaladé le talus.
Cette fois nous courons vers le fond du pré, poursuivis par la vague. Le mur de la douche explose, les chaises volent, le bungalow de la jeune canadienne s’écroule, l’eau envahit le bar, la cuisine, se répand au pied de notre bungalow et enfin, s’arrête.
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Le champ est devenu une mare sale et boueuse, nous avons de l’eau jusqu’aux chevilles, nous sommes hagards et, finalement, apeurés.
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Profitant d’un moment de calme, l’océan s’est à nouveau retiré, nous nous précipitons dans nos bungalows pour prendre nos passeports, nos billets d’avion, nos téléphones et l’argent que nous avons.
Elle revient, elle revient, nous courons dans le chemin, les pieds dans l’eau. Fabio et Alberto, caméras en main restent à l’arrière, ils veulent filmer, d’autres à Phi Phi ou à Phuket, paieront de leur vie cette passion de l’image.

Au bord de la route, ahuris, mais espérant être hors de danger nous nous demandons quoi faire, où aller.
Nous sommes en zone musulmane et la voix du muezzin crie au-dessus de nos têtes un chapelet de paroles incompréhensibles d’où émerge le nom d’Allah.
Fabio et Alberto tardent à nous rejoindre et l’angoisse s’installe. Les deux petites anglaises sont avec nous, elles ont peur elles aussi.
Enfin ils arrivent.
Sur la route, une jeep conduite par un thaï s’arrête et nous propose de nous emmener en sécurité sur une colline. Nous nous entassons à l’arrière.

A suivre…

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