A propos de tristesse

Le billet tristesse a suscité de forts beaux et intéressants commentaires. Je vous en remercie mais éprouve une légère impression d’incompréhension.
C’est de cela dont je vais parler.

D’abord, merci Sardine d’avoir reconnu le poème “Dans ma maison”  qui est, de toute l’œuvre de Prévert, mon préféré.

Volontairement, j’ai détourné  ce vers:

Je pense à autre chose mais je ne pense qu’à ça

car il correspond exactement à ce que je ressens bien que ce ne soit pas une attente amoureuse.

Prévert, lui, semble attendre une femme aimée, mais qui est-elle ? Est-elle chair et douces rondeurs ou rêve inaccessible ?

« Dans ma maison vous viendrez
D’ailleurs ce n’est pas ma maison
Je ne sais pas à qui elle est
Je suis entré comme ça un jour
Il n’y avait personne
Seulement des piments rouges accrochés au mur blanc
Je suis resté longtemps dans cette maison
Personne n’est venu
Mais tous les jours et tous les jours
Je vous ai attendu”

Puis à la fin du poème :

Dans ma maison tu viendras
Je pense à autre chose mais je ne pense qu’à ça
Et quand tu seras entrée dans ma maison
Tu enlèveras tous tes vêtements
Et tu resteras immobile nue debout avec ta bouche rouge
Comme les piments rouges pendus sur le mur blanc
Et puis tu te coucheras et je me coucherais près de toi
Voilà
Dans ma maison qui n’est pas ma maison tu viendras.

Il attend mais rien n’est sûr et ce poème, à la fois triste et gai, est comme la vie, comme moi.

Ce qui n’a rien à voir avec ce qu’écrit Chomp
il arrive que “l’impression générale” soit morne, et que le peps personnel ne sache pas y répondre, c’est du moins ce que j’ai cru lire dans ton billet, Celeste

Je porte en moi l’humanité “comme un oiseau blessé
Mon bel amour, mon cher amour, ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
” (Aragon)

Je la porte car, comme nous tous, j’en suis à la fois le centre et un infime maillon.

Parce que comme l’écrit Tiziano Terzani, si justement cité par le yéti:
Et là, voilà, Folco, j’ai vraiment senti que ma vie était une partie de ce tout

Et quand l’humanité souffre, quand la planète a mal, je le ressens, de toutes les fibres de mon cœur et de mon corps, dans mes pensées et mes gestes.

Mais cette tristesse, profonde et infinie, ne m’empêche pas de mener joyeuse vie et je n’ai nul besoin ni désir de consolation.

Je m’amuse, tout le temps et cela a toujours été.

Hier, j’ai enseigné quatre heures au lycée, j’ai ri avec mes élèves, sincèrement et j’en suis heureuse. J’ai la sereine conscience avoir bien accompli ma tâche de professeur.
Ce qu’ils ont appris, dans la joie, je sais qu’ils s’en souviendront.

Le texte de Dagerman que Chomp a mis en lien est très beau mais  a peu à voir avec mes sentiments.

Dagerman «  a tiré l’échelle » pour moi, c’est hors de question.

Jamais.
Jamais tant que je pourrais subvenir par moi-même à mes besoins élémentaires.
Seule la déchéance physique pourrait me conduire à renoncer à la vie.

Si le malheur devait s’abattre sur ceux que j’aime, j’irais à Chennai, à Prema Vasam, apporter ce qui subsisterait en moi de joie et de tendresse à des enfants qui vivent dans les ténèbres, tenter encore d’apporter des parcelles de beauté et d’amour à l’humanité.

Ma tristesse est précieuse. Source de ma colère elle ne me rend ni triste ni résignée, surtout pas résignée, bien au contraire, elle entretient ma révolte, elle nourrit la lutte que je mène, sur tous les fronts et inlassablement.
Elle me donne envie de vivre et de combattre…jusqu’au bout.

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