Italie : Négationnisme à l’Université La Sapienza

Pour lui l’holocauste est une « légende » sur laquelle n’existe que « la vérité officielle, sans vérification historique contradictoire », une « légende », « utilisée pour culpabiliser les peuples vaincus ». Quant à l’existence des chambres à gaz, c’est une de ces nombreuses « vérités » qui sont à « vérifier ».
Lui, c’est Antonio Caracciolo, un professeur et chercheur en philosophie du droit à la célèbre Université La Sapienza de Rome et c’est sur un de ses nombreux blogs (il se vante d’en avoir 33), découverts par la Repubblica qu’il tient ces infects propos.

Contacté par un journaliste, Caracciolo, qui, en plus de ses activités d’enseignant coordonne les clubs Forza Italia à Reggio Calabria, ne dément pas et même, enfonce le clou, revendiquant « le droit pour les négationnistes de pouvoir exprimer leurs idées sans finir en prison ».

Propos similaires à ceux tenus régulièrement et avec acharnement par Robert Faurisson, que, sans surprise, Caracciolo a défendu à plusieurs reprises.

Tristement semblables aussi aux déclarations du très peu recommandable évêque Richard Williamson, celui qui a nié l’existence des chambres à gaz en expliquant que : « Le chiffre de 6 millions de juifs est une exagération médiatique. Les allemands dans un complexe de culpabilité n’ont pas corrigé l’estimation. Je ne crois pas que 6 millions aient été tués, je crois que 300 000 sont morts dans des camps de concentration. Pas un seul n’a été tué dans les chambres à gaz. Je ne crois pas à l’existence des chambre à gaz » et qui, en janvier dernier a été réhabilité par le pape.
Il y a quelques jours, le 27 octobre, la justice allemande s’est, par contre et heureusement,  montrée nettement moins arrangeante, condamnant l’évêque Bishop Richard Williamson  à 12 000 euros d’amende pour avoir publiquement nié la Shoah.

En Italie de vives réactions ont suivi la parution de l’article de la Repubblica. Le recteur de l’Université a suggéré à Caracciolo de se rendre à Dachau et la communauté juive romaine a annoncé une action légale contre le professeur.
Alemano, le maire de Rome, homme de droite, passé de l’AN au PdL et qui dimanche s’est rendu à Auschwitz dans le cadre du Voyage de la mémoire, a demandé que des sanctions soient prises contre le professeur.
« J’agirai avec le recteur afin que le professeur soit suspendu. (…) J’ai aussi lu qu’il était inscrit à un club de Forza Italia. Nous le vérifierons. (…) Soit le professeur est  de mauvaise foi, soit il n’a aucune base culturelle ».

Parmi les réactions, celle de Nicola Zingaretti, président de la  « Provincia di Roma », me semble particulièrement intéressante:
« La nouvelle apparue sur la Repubblica d’aujourd’hui est la dramatique confirmation de quelque chose que nous disons depuis longtemps : notre mission est d’éviter que la mémoire devienne histoire et que la force que doit avoir la compréhension des faits historiques se perde. Ce qui me préoccupe le plus, est qu’il y a beaucoup de cas de négationnisme qui ne sont pas affirmés avec cette impudeur mais qui vivent dans l’ambigüité de positions incohérentes et finalement, c’est pire ».

Tant il est vrai que le négationnisme se répand et ne manque pas de supporters, comme, par exemple, le Français Serge Thion .

Serge Thion: “La meute est lâchée
La presse italienne se déchaîne, depuis le 22 octobre dernier, contre un nouveau bouc émissaire. Le professeur Antonio Caracciolo enseigne la philosophie du droit à l’université romaine La Sapienza. En dehors de son enseignement et de ses traductions — c’est un spécialiste du philosophe allemand Carl Schmitt — il rédige toutes sortes d’articles pour une trentaine de blogs. Il reste très proche de ses racines calabraises et s’engage en politique dans le mouvement dirigé par Berlusconi. Ses idées sont donc connues depuis longtemps; c’est un penseur de droite, marginal mais actif dans les mondes universitaires, politiques et intellectuels.

Il a noté depuis longtemps que les révisionnistes de l’Holocauste sont presque partout réprimés alors que les questions qu’ils ont posées restent sans réponse. Il précise qu’il n’est lui-même ni historien ni révisionniste, mais que les principes de la démocratie politique voudraient qu’ils puissent s’exprimer, et être réfutés. Il est régulièrement dénoncé dans certaines publications de la communauté juive italienne comme révisionniste et antisémite. Tout cela serait de l’ordre de la routine dans les querelles qui animent la vie romaine si, brusquement, le “cas Caracciolo“, n’avait été mis en épingle dans deux articles de La Repubblica.

Il y est dénoncé, violemment, comme un négateur de l’Holocauste, un corrupteur de la jeunesse, un faux professeur qui doit être chassé de son poste dans les plus brefs délais. »

Anna Foa, professeur d’histoire à l’Université de Rome “La Sapienza” définit ainsi le négationnisme :
« Le négationnisme à propos de la Shoah n’est ni une interprétation d’historien, ni un courant d’interprétation de l’extermination des juifs perpétrée par le nazisme, ni une forme même radicale du révisionnisme historique, avec lequel il ne faut pas le confondre. Le négationnisme est un mensonge qui se couvre du voile de l’histoire, qui prend une apparence scientifique, objective, pour cacher sa véritable origine, son véritable mobile: l’antisémitisme.

Un négationniste est également antisémite. Peut-être le seul antisémite explicite et manifeste, dans un monde comme le monde occidental où se dire antisémite n’est pas si facile.

C’est la haine envers les juifs qui est à l’origine de cette négation de la Shoah, née dès les premières années de l’après-guerre et qui se rattache parfaitement au projet même des nazis quand ils cachaient les traces des camps d’extermination, en rasaient les chambres à gaz et se moquaient des déportés en leur disant que, même s’ils parvenaient à survivre, personne au monde ne les croirait.

Le négationnisme traverse les clivages politiques, il n’est pas lié qu’à l’extrême droite nazie mais réunit différentes tendances: le pacifisme le plus extrême, l’anti-américanisme, l’hostilité envers la modernité. »

Face à l’adversité, Caracciolo, sans surprise, la technique est éprouvée, se pose en victime, défenseur de la liberté :
« J’ai subi des menaces, j’ai reçu des insultes, mais ça ne m’intéresse pas. Je continue : je suis prêt à discuter avec n’importe qui. (…) A qui me dit que je suis antisémite, je réponds que je n’ai jamais compris le sens de ce mot ».
Et encore : « Je suis un chercheur et j’ai l’obligation et le droit de chercher. » Il parle d’une attaque de sionistes, « adversaires de l’information correcte » et pour qui « il faut toujours soutenir Israël ».
Lui, par contre, prétend enseigner le « raisonnement » à ses étudiants. Pour ce faire, cette année, il leur fera étudier les écrits de Carl Schmitt, juriste et philosophe allemand, considéré comme un penseur du nazisme et dont il est un traducteur.
Carl Schmitt, le « Mephisto de la période pré-hitlérienne » (Karl Löwenstein), l’homme qui en 1933 écrivait : « Les nouvelles dispositions sur les fonctionnaires, les médecins et les  avocats purifient la vie publique de tous les éléments étrangers non aryens. Les nouvelles règlementations sur l’accès à l’école et la constitution d’une communauté d’étudiants de souche allemande garantissent enfin l’unité ethnique des populations de sang allemand. Une nouvelle réglementation des professions suivra. Dans ce processus de croissance, vaste et profond, intérieur et, j’ajouterais, intime, aucun être de nature étrangère ne doit pouvoir s’immiscer. Même s’il n’a que de bonnes intentions, il nous dérange de manière dommageable et dangereuse. Nous réapprenons à distinguer. Surtout, nous réapprenons à distinguer correctement l’ami de l’ennemi » (Westdeutscher Beobachter, 12 mai 1933)

En 1936 :
« Il faut que nous libérions l’esprit allemand de toutes les déviations juives » (Le judaïsme dans la science juridique, 1936)
« Nous avons alors pris pleinement conscience que le Juif est improductif et stérile pour l’esprit allemand. Il n’a rien à nous dire, quand bien même il serait en mesure de combiner avec finesse ou d’assimiler rapidement » (DJZ, 1936).

Et en  1947
« Lorsque Dieu permit que des centaines de milliers de Juifs fussent tués, il voyait déjà en même temps la vengeance qu’ils exerceraient sur l’Allemagne… » (Glossarium, 19 novembre 1947).
« Car les Juifs demeurent juifs. Alors que le communiste peut s’améliorer et changer. Cela n’a rien à voir avec la race nordique, etc. C’est justement le Juif assimilé qui est le véritable ennemi » (Glossarium, 25 septembre 1947).

Distinguer l’ami de l’ennemi pour mieux pouvoir l’exterminer, les thèses de Carl Schmitt courent toujours. Elles avancent dans l’ombre, masquées, changeant parfois sournoisement la religion des victimes expiatoires désignées.

Bruta storia !

Ce billet a été écrit pour le webzine Italopolis.

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