La première gifle

Elle vient de la recevoir. La joue brûlante et les yeux embrumés de larmes, incrédule, elle le regarde.
La violence du coup a comme déconnecté son cerveau, semé la panique dans ses neurones, bloqué sa parole. Elle n’a pas même le réflexe de bouger. Non, elle reste là, assise face à lui sur le lit, immobile, la bouche ouverte, des spasmes soulevant sa poitrine.
« Ah, tu ne dis rien ! Tu sais bien que j’ai raison, que tu es une salope, une trainée. Tu te souviens que tu as des enfants ? Hein, tu t’en souviens ? Ma pauvre fille ! Tu n’as rien à dire pour ta défense ? Rien ? Tu préfères tendre l’autre joue ? »
Elle tente un « non » désespéré qui s’étouffe dans sa gorge. Inutile, une deuxième gifle s’abat, côté gauche cette fois, l’autre joue.

Elle a un mouvement de recul. D’un violent coup de pied, il la pousse hors du lit. « Espèce de pute ! Je ne te pardonnerai jamais ! ».

Elle est hébétée, le visage en feu, l’épaule douloureuse, un goût de sang mêlé de vomi dans la bouche.
Il se lève, sort de la pièce. Puis elle entend la porte d’entrée s’ouvrir, se fermer et le bruit de son pas décroitre dans le soir.

Parce qu’elle a eu l’audace de lui dire qu’elle voulait le quitter, qu’elle ne supportait plus ses sautes d’humeur, ses insultes, ses ordres, ses caprices, ses incessantes critiques formulées devant les amis, sa morgue, sa méchanceté.
Parce qu’il a deviné, ou su, qu’elle avait trouvé un éphémère réconfort dans d’autres bras, qui ne ressemblaient pas, comme les siens, aux barreaux d’une geôle.
Parce qu’il a compris qu’elle ne l’aimait plus, qu’elle lui échappait, il s’acharnera contre elle pendant des mois.

Devenue la douloureuse spectatrice de sa propre vie, murée dans le silence, victime de la violence de celui à qui elle avait jadis accordé sa confiance et son amour, il lui faudra beaucoup de temps et de courage pour sortir de l’enfer.

Un jour, enfin, il partira.

Quand le juge prononcera le divorce, il la fixera durement et lui dira.
« Ce que tu m’as fait aujourd’hui, je te le ferai payer toute ta vie ! »

Elle a souri, peu lui importait les menaces, désormais, elle était libre.

Aujourd’hui, 25 novembre, c’était la journée internationale contre les violences faites aux femmes.

On en a peu parlé.

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