Trichy, en l’honneur de Vishnou

Situé sur une île au milieu de la Cauvery, à quelques kilomètres de la ville, l’immense temple Sri Ranganathaswami, dédié à Vishnou, s’étend sur une soixantaine d’hectares.

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Sa construction, débutée vers l’an 1000, s’est poursuivie au fil des siècles, suivant les souhaits des différentes dynasties qui se sont succédées à la tête de la ville. Le dernier des 21 gopurams, le plus majestueux, haut de 73 mètres, a été achevé en 1987.

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Les couleurs qui recouvrent les parois des gopurams sont récentes, elles n’ont qu’une dizaine d’années, elles reflètent un nouveau désir artistique et ne sont pas dues à la tradition architecturale. Certains spécialistes (et touristes) déplorent cette abondance de peinture, la jugeant tape à l’œil et vulgaire. Moi, au contraire, j’aime ces couleurs vives qui luisent au soleil, tranchant sur le vert lustré des cocotiers. Elles confèrent au temple une dimension joyeuse en accord avec la gentillesse souriante des pèlerins.
Ils viennent souvent de loin, des villages campagnards, des villes de province, des banlieues des métropoles. Ils ont parcouru des kilomètres en train, en bus, à pied parfois. En l’honneur de Vishnou les femmes portent des saris de satin jaune qu’elles étalent sur le sol du temple après les avoir lavés.

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Vishnu, l’immanent, est le dieu préservateur de l’univers, chargé de reconstruire ce que Shiva détruit (je schématise, en fait c’est beaucoup plus complexe).

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Identifié à l’illumination, au savoir, à l’ordre, Vishnou symbolise ce qui permet à l’homme de progresser, d’évoluer. Il est à l’origine des conventions, de la vertu, de la morale.

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Lorsque le monde est menacé Vishnou prend la forme d’un avatar et descend sur la terre parmi les humains. Les plus célèbres sont Rama et Krishna.
Avec l’aide d’Hanuman, le dieu singe, le prince Rama a combattu le démon Râvana qui avait ravi Sita, sa femme. C’est cette épopée que raconte le Ramayana.
Krishna, universellement connu, est l’incarnation de l’amour. Il détruit le mal.

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Certains courants théologiques hindous, notamment celui des adeptes de la non violence (ahimsa) – dont on aimerait bien que la mode revienne- considèrent aussi Bouddha (en sanskrit, l’éveillé) comme un avatar de Vishnou.

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Dans l’enceinte du temple, les fidèles de la ville accomplissant leurs dévotions se mêlent aux brahmanes qui, entourés de nuages d’encens, torses nus et mines graves, pratiquent les poojas et aux pèlerins, crânes rasés recouverts de curcuma jaune.
Tondus en sacrifice à Vishnou, les cheveux des femmes sont vendus à des firmes occidentales qui en fabriquent des perruques.

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Sous les vastes préaux des visiteurs se reposent, attendent patiemment devant le réfectoire où un déjeuner gratuit leur sera servi, dorment parfois, à même le sol, bercés par les incantations des religieux et les rires des enfants que les parents m’invitent à photographier et qui m’adressent les quelques mots d’anglais qu’ils connaissent : « Where do you come from ? », « What is your name ? », « How are you ? »

I am fine, thank you!

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Ici, je suis légère, sereine.

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Devant un autel, sous un abri de pierre, je m’assieds à côté d’un homme âgé. Le symbole de Vishnou est dessiné sur son front et le regard qu’il pose sous moi est à la fois malicieux et pénétrant. Il m’observe. Je lui souris. Alors il me demande de quelle nationalité je suis, puis si j’aime l’Inde.
Oui, je l’aime, profondément. J’aime ses habitants si prompts à rire et à sourire, si calmes aussi. J’aime ce pays océanique et ses flux incessants.
Bien sûr, ma réponse est nettement plus brève mais elle doit lui convenir car il s’empare de ma main. Il la retourne, la regarde, passe délicatement un doigt dans ma paume. Il me demande mon âge.
Puis il déclare que je vis dans un pays qui n’est pas le mien, que j’ai trois enfants et que je vivrai très longtemps car j’aime la vie. « You enjoy life ».

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Ok, on peut toujours dire qu’il m’a entendue parler en italien avec Fabio, que beaucoup de femmes françaises ont trois enfants, que je suis apparemment plus en forme que la plupart des femmes indiennes de mon âge- ma vie a été moins fatigante – et que j’ai le sourire facile mais c’est quand même agréable à entendre.

A peine a-t-il lâché ma main qu’un jeune homme se jette à genoux devant lui. La femme âgée, qui le suit et que je devine être sa mère, semble figée par le respect.
L’homme se concentre, puis prononce quelques phrases qu’évidemment je ne comprends pas mais qui paraissent contenter le garçon. Puis celui-ci glisse un billet de 10 roupies dans la main de l’homme qui enfouit l’argent dans le pli de son lunghi.

Je réalise alors qu’il gagne sa vie comme devin et que je ne l’ai pas payé. Je lui tends discrètement  un billet plié. Il le refuse. Cela me semble normal, après tout, je ne lui ai rien demandé. J’insiste néanmoins. Finalement, il accepte.

Puis, la tête haute, il pose devant l’objectif de mon appareil photo.

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