Une Espagnole, un Italien et une Française se retrouvent dans un hôtel à Khajuraho…

Infatigables (quoique certains jours…) globe trotteurs (charmante expression désuète), nous quittons Chennai pour Khajuraho, dans l’Etat du Madhya Pradesh, au nord de l’Inde, où de nouvelles aventures nous attendent.
La première (aventure), consiste à effectuer un voyage en train de 24 heures, suivi d’un trajet en taxi de 4 heures pour rejoindre Khajuraho, où Ana nous attend afin de lancer la première session de cours de l’école de langues qu’elle aimerait monter.
Ana est espagnole, nous l’avons connue à Bologne où elle enseigne à l’université. Mais Iqbal, son amoureux, étant indien, de Khajuraho, elle envisage, sérieusement, de s’installer plusieurs mois par an en Inde. D’autant que les fonds de fonctionnement de l’université (qui se prétend prestigieuse) de Bologne s’amenuisent d’année en année, à tel point que les professeurs, comme Ana ont déjà été avertis que l’année prochaine il n’y aurait pas de budget photocopies.
A quoi bon, quand on est espagnole, titulaire d’un doctorat et d’un fiancé indien, s’obstiner à rester dans un pays où un des premiers effets négatifs du Berlusconisme (il y en a une infinité d’autres, pour tout dire il n’y a que ça) consiste à rabioter sur l’enseignement et la culture.
D’où cette idée de créer une école de langues dans un pays en plein développement où la classe moyenne-supérieure, dont le niveau de vie augmente aussi irrésistiblement que le nôtre baisse, aspire à se cultiver.
Quant à nous un rien nous amuse et nous sommes tous les deux enseignants, alors pourquoi ne pas aider Ana, nous verrons bien ce qu’il en sort !

Le premières seize heures de train, dans le Rajdhani Express, se déroulent au mieux. Bien que Fabio ait tant bien que mal colmaté les bouches d’air de la climatisation celles-ci continuent à déverser sur nous une brise glaciale qui nous contraint à nous enrouler dans les couvertures rêches d’une propreté approximative, mais nous sommes seuls dans le compartiment, les pieds sur les banquettes. Toutes les trois heures on nous apporte à manger : café et biscuits, breakfast, déjeuner, thé à l’anglaise (ou presque) et dîner. La nourriture est bonne. Derrière la vitre, la campagne défile paisiblement.

A Bhopal, la situation se dégrade.

J’ouvre ici une parenthèse. Bhopal, capitale du Madhya Pradesh, en 1984, un gaz extrêmement toxique, l’isocyanate de méthyle, s’échappe d’une usine de pesticides appartenant à la firme américaine Union Carbide. Avec la rapidité de l’éclair il se répand sur une zone d’environ 40 km2. En trois jours plus de 7000 personnes perdent la vie, des centaines de milliers sont intoxiquées. Cinq ans plus tard, au terme d’une bataille juridique épuisante les propriétaires de l’usine acceptent de verser au gouvernement indien 470 millions de dollars d’indemnités aux victimes, une aumône au regard du bilan humain qui, en 2004 fait état de plus de 22 000 morts et de centaines de milliers de personnes souffrant de maladies chroniques et débilitantes liées à une exposition au gaz. Le site n’ayant toujours pas été dépollué, aujourd’hui, 24 ans après la catastrophe, 400 personnes meurent chaque mois de ses conséquences.

En ce qui nous concerne ce n’est heureusement pas une saloperie de gaz américain qui vient perturber notre confort mais trois gros indiens bruyants. A peine entrés dans le compartiment ils se lamentent de la chaleur qu’il y règne et arrachent le papier journal des bouches d’air. Puis nous demandent si nous serions disposés à changer de compartiment car ils sont trois, qu’il n’y a que deux places et qu’ils aimeraient bien rester ensemble.
Tiraillés entre la perspective de subir leurs discussions animées pendant des heures et celle d’avoir à déménager nous finissons par accepter. Mal m’en prend, je me retrouve sur une couchette supérieure, dans le couloir, la lumière et la clim en pleine poire ce qui fait que je ne ferme pas l’œil de la nuit. Fabio non plus qui se fait du souci pour les bagages.

A six heures sur le quai bondé de la gare de Jhansi, fripés fatigués cracras, nous sommes en petite forme. Heureusement Iqbal nous a envoyé un taxi, dont le chauffeur tient une pancarte à notre nom.

La route est longue et j’ai sommeil mais l’Inde que je découvre est différente de celle que nous connaissons. Plus sèche, plus grise, plus poussiéreuse, plus pauvre. Les femmes se couvrent la tête avec le pan de leur sari et ne parent pas leurs chevelures de jasmin. Les hommes portent des pantalons et non des dhotîs. Des bandes de terre rouge alternent avec des étendues d’herbe pâle. Des temples de grès émergent de groupes de maisons basses.

C’est l’Inde du nord.

A Khajuraho, nous retrouvons Ana (l’Espagnole).
« Alors, demande Fabio (l’Italien), cette école de langues ? »

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