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10.08.2008

La valeur d’une vie

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Nous quittons Khajuraho.
Dans la nuit le taxi progresse lentement, zigzaguant pour éviter les trous dans la chaussée et les vaches grises et efflanquées.
Leur présence est normale. Les paysans les laissent ainsi vaquer où bon leur semble et le danger qu’elles représentent, couchées ou debout, massées les unes contre les autres au beau milieu de la route, est occulté. Il est pourtant réel.
Mais ici la vache est sacrée, l’homme non. Lire la suite...

03.08.2008

Khajuraho, l’école de langue, du rififi chez les guides !

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Alors que l’école de langues commence tout juste à prendre son essor et que le nombre d’élèves augmente de jour en jour, Ana reçoit un appel téléphonique hautement contrariant, voire même inquiétant.
Un guide en espagnol du petit groupe des vétérans, qu’elle a par le passé beaucoup aidé, l’informe fort aimablement et après l’avoir assuré de son amitié et de l’admiration sans borne qu’il porte à sa beauté, qu’un groupe de personnes malfaisantes se prépare à déposer une plainte contre elle non seulement à la police mais aussi auprès de son ambassade, pour travail illégal... lire la suite

14.11.2007

Les marcheurs de Pondy

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Les premiers rayons du soleil éclairent l’Océan, il est 5 heures, Pondy la belle s’éveille.
Sur la promenade du bord de mer apparaissent les premiers marcheurs. En dhotî, en survêtement, en short, en sari ou en churidar, écharpes flottantes et mines décidées les Pondichériens, marchent, silencieux et concentrés.

Certains avancent en effectuant d’amples moulinets avec les bras.(...)

 

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23.09.2007

Au cirque

 

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Dix jours après leur arrivée dans la « Casa delle Mamme », Vineeth, Vivek et Sunitha sont rayonnants. Je n’irai pas jusqu’à dire que les petits ont grossi, mais presque.
De plus, dans la maison, l’ambiance est paisible.
A l’occasion des fêtes d’Onam, les écoles sont fermées pour une semaine et les administrations pour trois jours. Les rues sont décorées de compositions florales, souvent géométriques, mais parfois politiques

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ou religieuses, comme celle ci-dessous qui, mine de rien, glorifie l’acte sexuel, créateur d’énergie.

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A droite sur la photo, un lingam, qu’en langage trivial nous nommerons une bite, plus précisément celle du grand Siva, le dieu destructeur, grâce à qui peut survenir la création régénératrice.
A gauche, en forme de coquillage, délicatement tapissé de jasmin, un yoni, autrement dit, une vulve accueillante.

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Pour fêter Onam, hier les mamans nous ont préparé le délicieux repas traditionnel et aujourd’hui, nous emmenons tout le monde au cirque à Trivandrum. Pour tous et toutes c’est une première, et dans le mini bus, les enfants chantent joyeusement.

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Cédant à l’insistance de Sasikala, et pour la grande joie des mamans, je porte un sari et je me sens très élégante.

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Le chapiteau, planté au milieu d’un terrain vague, porte sur sa bâche sale et rafistolée les marques des années passées à sillonner le sous-continent.

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A l’intérieur, nous prenons place (les meilleures, on ne va pas chipoter, c’est la fête) sur des chaises en plastique bancales. Pas de chance, Fabiolino, sa caméra d’une main et l’appareil photo de l’autre est tancé par un vigile qui lui interdit l’usage de ses ustensiles préférés alors qu’il s’apprête à immortaliser le spectacle.

Et quel spectacle !
Qui réveille les souvenirs du cirque Bouglione de mon enfance sur la place de la foire d’Argenton sur Creuse, mais aussi les images cruelles de la Strada de Fellini, le baladin tragique, misérable et fier, et la créature soumise qui lui obéit en tremblant « Le grand Zampano, le voilà ! », parce que sa famille l’a vendue à son maître.

Devant moi, des jeunes filles que le chef de la troupe a probablement achetées à de pauvres familles du nord de l’Inde ou du Népal, exécutent sans joie ni passion des numéros de voltige et d’acrobatie. Flottant dans des justaucorps pendouillants aux teintes criardes, leurs visages maquillés exprimant la crainte de rater l’exercice, elles volent dans les airs, sautent et rebondissent comme des marionnettes dans l’apparente indifférence du public qui n’applaudit jamais.
Voilà d’ailleurs quelque chose qui me surprend, et m’interpelle. Pourquoi les spectateurs, qui au cinéma, applaudissent à tout rompre et hurlent quand leurs acteurs préférés accomplissent n’importe quelle banale pitrerie à l’écran, ne manifestent-ils aucune satisfaction, aucun encouragement, quand de vraies personnes exécutent devant eux des prouesses compliquées et risquées ?
Peut-être est-ce justement parce qu’il s’agit de vraies personnes, qui leur ressemblent trop pour mériter leurs bravos car elles ne les font pas rêver. Triste constat.

Et voilà qu’il pleut sous le chapiteau et que l’eau ruisselle à travers la bâche, dégouline le long des projecteurs, coule sous nos pieds.

Heureusement d’autres numéros sont moins poignants.

Le clou du spectacle, annoncé en lettres d’or sur les affiches est la prestation de trois jeunes filles russes, blondes et blanches qui exécutent ni plus ni moins des numéros de GRS, leurs accessoires habituels adaptés au lieu, ce qui fait que le ruban est devenu lasso.

Imaginer comment et pourquoi ces trois gymnastes russes ont bien pu atterrir dans le Jumbo cirque de Trivandrum, occupe un bon moment mes pensées vagabondes.

Si ce spectacle provoque en moi tous ces bouleversements et réflexions, il n’en est pas de même pour les membres de notre petit groupe. Les enfants sont ravis, surtout quand Veneeth, digne et courageux, se laisse entrainer par des clowns nains au milieu de la piste. Les mamans, particulièrement Selvy et Sasikala, s’esclaffent bruyamment et poussent des petits cris quand les artistes volent dans les hauteurs du chapiteau.

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Après le spectacle nous nous arrêtons manger au restaurant, puis dans une bakery pour déguster une glace, autre plaisir fort apprécié, et sur le chemin du retour, le minibus, acheté la veille par Namaste, tombe en panne, ce qui fait qu’après plus d’une heure d’attente au bord de la route nous nous entassons dans un taxi pour rentrer.

 

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Enfin, à huit heures du soir, exténués nous arrivons à Namaste et mon beau sari est tout chiffonné !

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21.09.2007

Une soirée à Madurai

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Au crépuscule un gigantesque orage encercle la ville. La pluie ne tombe pas encore mais la fraicheur de l’air annonce son imminence. Le profond gris bleuté d’un ciel de plomb est traversé d’éclairs aveuglants qui se perdent dans les entrailles de la ville et dans les forêts avoisinantes. Les passants ont accéléré le pas et les véhicules s’affolent créant des embouteillages, même les vaches, trottant au milieu des chaussées, semblent avoir perdu leur flegme.medium_plan-madurai.2.jpg
De la terrasse de l’hôtel la ville est superbe. Le fouillis des terrasses des toits, aux couleurs claires salies par le temps et la totale absence d’entretien, est dominé par les minarets et les gopurams, et au loin, par quelques panneaux publicitaires lumineux.

 

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J’ai une inclinaison particulière pour ces villes plates et brouillonnes, désordonnées, elles me donnent envie de m’y perdre, de m’enfoncer dans les ruelles qui disparaissent entre les maisons, à la rencontre de leurs habitants. Elles ont un charme et un mystère que le cités neuves bien rangées, aux impeccables toits pointus, aux absurdes immeubles de béton et d’acier qui n’ont d’autre but que d’entasser un maximum de personnes dans un minimum d’espace, aux quartiers résidentiels déserts divisés en pavillons entourés de grilles et de barrières codées, n’ont pas.

 

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En Inde, le perpétuel mélange du passé et du présent donne une incroyable sensation de permanence de l’histoire. Passant d’un quartier à l’autre, on traverse le temps. L’artisan à la pratique millénaire, qui grave le cuivre ou l’argent, côtoie le magasin d’informatique qui présente les ultimes créations de la new technologie, et de la poche du chauffeur de l’auto rickshaw, qui souvent dort dans son véhicule, dépasse un téléphone portable.

 

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Je n’ai jamais autant l’impression de faire partie de l’extraordinaire chaîne de l’humanité qu’en Inde, peut être grâce à ce fourmillement continuel, à cette profusion de couleurs, de sons, d’odeurs, à ce désordre créatif, à cette imagination débordante qui, tant qu’elle résistera à l’ordre glacé du néolibéralisme, aux codes-barres, aux digicodes et aux interphones, pourra sauver les humains de la catastrophe.

 

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Dans un bar du gouvernement, sombre et sommaire, mal assis sur des chaises inconfortables, nous buvons un verre de whisky nommé, va savoir pourquoi, « Délice de France » avec des amis de Mohammed. Des hommes bien sûr, ici les femmes ne vont pas au bar. En souffrent-elles ? Aimeraient-elles y aller ou préfèrent-elles rester entre elles, à papoter dans leurs salons, soulagé de ne pas avoir le mâle en permanence dans les jupons de leurs saris ?
Si je me base sur les discussions que j’ai eues avec toutes celles que j’ai rencontrées, cette séparation leur convient. Leurs revendications portent sur d'autres libertés, celle de travailler, celle de pouvoir décider d’un divorce, ou d’avoir son propre appartement.

Donc je suis la seule femme de cette assemblée d’avocats et d’hommes d’affaires qui picolent joyeusement en dégustant de délicieux petits plats épicés, et, l’absence de présences féminines alliée à l'obscurité du lieu aidant, je rencontre un certain succès.

 

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Tôt le matin, nous parcourons la ville. Les indiens sont très matinaux, ils aiment avoir beaucoup de temps pour eux avant de commencer à travailler, pour se laver, manger, méditer, aller au temple (ou à la mosquée ou à l’église), s’occuper des enfants, flâner. Ce qui fait qu’à part dans la zone du marché, les rues sont presque vides.

C’est superbe.

 

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19.09.2007

Une journée à Madurai : chez Mohammed (2)

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Yasmine, la femme de Mohammed, est une grande et belle femme, qui traite son hurluberlu de mari comme un gamin. Tant qu’il est à Madurai il lui est absolument interdit de fumer et de boire de  l’alcool. Elle nous reçoit très gentiment et nous déjeunons en discutant avec la mère et la tante de Mohammed, deux créatures hautes en couleurs, deux fortes femmes qui n’ont pas dû s’en laisser conter. La tante était directrice d’école, ayant plaqué son époux peu  après le mariage pour incompatibilité d’humeur, elle vit depuis plus de trente ans dans le foyer de sa sÅ“ur, qui elle était institutrice, et a donc participé à l’éducation de Mohammed et ses frères et sÅ“urs. J’ai « deux mamans, dit fièrement celui-ci ».
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Les sœurs bien sûr ont quitté le foyer de leur enfance pour convoler et s’installer chez leurs beaux-parents.
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Après le déjeuner et quelques instants de repos sur le canapé à regarder un clip de Sivaji, où l’étonnant Rajini, la perle du Tamil Nadu, la super star incontestée du sud de l’Inde et d’une bonne partie de l’Asie du sud est, se déhanche suavement devant la fondation Guggenheim de Bilbao (les cinéastes indiens adorent truffer leurs œuvres de clips tournés ici et là en Europe), la séance photo commence.
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Nous connaissions déjà le goût de Mohammed pour le portrait photographique, mais là nous comprenons qu’il s’agit d’une réelle passion familiale.
Tout le monde défile complaisamment devant les objectifs (caméra et appareil photo), prenant la pose et allant même, dans le cas de la tante, jusqu’à changer de sari et s’étaler du talc sur le visage, ce qui est une coutume locale, jadis très répandue, qui vise à éclaircir le teint. Dans la mentalité indienne la beauté est liée à la couleur de la peau, car la couleur claire indique une naissance d’un rang élevé, brahmane par exemple, alors que les intouchables, Dieu quelle horreur, sont noirs comme le poivre, noirs comme les démons.
Par conséquent ces dames au teint sombre se tartinaient la frimousse de blanc, obtenant un résultat… disons particulier !
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Nous repartons en fin d’après-midi vers le centre de Madurai. La mère de Mohammed et la femme du frère avocat ont pris place dans la voiture, elles vont faire des emplettes. L’une, la plus âgée, fière et tête nue, l’autre, la plus jeune, fière aussi, mais enveloppée dans une burqua fantaisie, noire, certes, mais finement brodée de perles et de fils d’or qui dessinent de gracieuses arabesques, ce qui la rend, n’ayant pas peur des mots, élégante, d’autant que l’échancrure de ladite burqua révèle de riches bijoux en or.
Je désigne le vêtement noir et tente un : « It’s beautiful ! », destiné à engager la conversation « Thank you ! » répond-elle dignement.
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Je regarde la mère de Mohammed avec un air interrogateur pour lui faire comprendre que j’aimerais bien savoir pourquoi elle, elle ne porte pas la burqua. Elle me comprend illico et me fait une petite grimace amusée en levant légèrement les yeux au ciel.
Ce que j’interprète comme suit : « Pfff, moi je n’ai jamais porté ce truc là de ma vie, pas besoin de ça pour être croyante, c’est de la coquetterie de jeune femme ! »

Enfin, je crois que ça voulait dire ça…
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Important : magnifique texte chez Agnès du Monolecte (clic)

15.09.2007

Une journée à Madurai : chez Mohammed (1)

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Mohammed aimerait nous présenter sa famille. Nous acceptons avec plaisir.
Durant la semaine il enseigne le français à Trichy, logeant dans un « hostel » et le weekend il rejoint les siens dans sa ville, Madurai.
Si Trichy, bien que conservant des aspects très traditionnels, est résolument tournée vers le futur, Madurai, au contraire, semble figée dans le temps. L’extraordinaire temple Sri Meenakshi, joyau de l’architecture dravidienne, niché au cœur de la veille ville, domine de ses gopurams multicolores les ruelles étroites et encombrées où se presse une foule de pèlerins, badauds, marchands à la sauvette, traîne-savates, mendiants et touristes escortés par une kyrielle de faux guides qui baragouinent trois mots de français, deux d’italien et quatre d’anglais pour proposer leurs services. Les chauffeurs de rickshaw pédalent en zigzagant, les motocyclistes klaxonnent à tout crin et les vaches imperturbables paressent sur les chaussées crasseuses.

 

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En Inde, pour traverser une route mieux vaut être une vache qu’un être humain. Pour la vache le véhicule s’arrête et attend patiemment, pour l’humain il accélère et son conducteur ponctue son agacement par un vigoureux « pouet pouet » qui signifie très clairement « Dégage j’arrive ».
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Venus en bus de Trichy pour passer la journée avec Mohammed et les siens, nous le retrouvons dans l’agence de voyage familiale, occupé à sympathiser avec un charmant couple de français. Il faut dire que l’agence, et ses propriétaires en sont très fiers, figure à la fois dans le Lonely Planet et dans le Guide du Routard.
Il nous présente son frère l’agent de voyage et son frère l’avocat, puis nous embarquons dans sa voiture et le chauffeur (parenthèse : les propriétaires des voitures les conduisent très rarement eux-mêmes, avoir un chauffeur est considéré comme normal, il est payé – plutôt correctement - à la journée, toujours disponible et jouit d’un certain prestige auprès des siens, finalement, si on y pense, ça fait des petits boulots et ça résout les problèmes de parking –impossible - dans les centre villes), donc le chauffeur disais-je nous emmène dans la demeure de la famille.

 

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Car toute la famille, la mère et la tante de Mohammed, sa femme Yasmine et leur fils Suleiman, le frère avocat sa femme et ses enfants, le frère agent de voyage sa femme et ses enfants, vit dans la même maison. C'est-à-dire ensemble.
 
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La cuisine où officient les belles filles (ou belles sœurs suivant l’angle où on se place) aidées d’une bonne et le salon dans lequel, sous un portrait géant de Mohammed-œil-de-velours prise lorsqu’il avait vingt-cinq ans, trône une énorme télé, sont communs, et puis chaque unité familiale a sa chambre.

 

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Avec une promiscuité pareille les membres de n’importe quelle famille occidentale, y compris la mienne, se seraient étripés avant de se séparer brouillés à vie (ou à mort). Mais ici c’est la tradition et même si il y a des tensions (ça m’étonnerait quand même qu’il n’y en ait pas, surtout entre les frères ou entre les belles-sœurs, d’autant que ne travaillant à l’extérieur ni les unes ni les autres elles passent l’essentiel de leur temps à la maison, avec la belle-mère en prime), et bien on fait avec !
 
 
 
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12.09.2007

Johny : de la difficulté à être musulman

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Dimanche
Accompagnés de Johny et de son pote Ashiq nous flânons dans le fabuleux temple Sri Ranganathaswamy, qui, dédié à Vishnou, est un des plus beaux et des plus étendus du sud de l’Inde.

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A chacun de nos séjours à Trichy nous ne manquons pas de passer quelques heures dans ce lieu que la beauté des gopurams chargés d’innombrables statues et bas reliefs, les colonnes ocres des galeries, les autels humides et sombres où officient les brahmanes, la foule des pèlerins et visiteurs, venus des campagnes environnantes pour prier, se recueillir, méditer, mais aussi dormir, manger, se laver, y vivre tout simplement, rendent magique.

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Fabio filme, ravi d’être sans cesse sollicité par des enfants et des familles qui veulent poser devant l’objectif et rient de se voir dans le petit écran de contrôle, moi, je papote avec Johny et Ashiq.

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Le  cadre s’y prêtant, la discussion tourne autour de la religion.

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Ashiq, qui comme Johny est musulman, me demande si je suis chrétienne. Je lui réponds que je suis athée. Il en reste saisi deux minutes, puis questionne :
« - Après la mort, où irez-vous ? »
Et moi : «Je n’en sais rien, ça n’a pas d’importance, je ne pose jamais la question, ce qui m’intéresse c’est de vivre, le mieux possible, en harmonie avec les autres humains. »
Surpris, il médite sur ma réponse. Pour les taquiner je désigne aux garçons la superbe bordure de créatures féminines dénudées de la façade du gopuram.
« -Vous pouvez les regarder ? C’est pas interdit pour vous ? »
Ils se mettent à dire en me répondant que non, ils ne devraient pas, mais que bien sûr, ils le font quand même.

 

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J’aborde un argument plus délicat. L’attentat raté de Glasgow a été perpétré par des Indiens musulmans de Bangalore. C’est la première fois que des liens entre Al Qaïda et des ressortissant indiens sont avérés, et les Indiens, qui, comme l’avait souligné Abdul Kalam, (l’ex-président de l’Inde) dans un discours, étaient fiers de ne pas être mêlés à cette triste bande, sont inquiets et catastrophés. Comme j’aimerais bien essayer de comprendre pourquoi de jeunes Indiens, instruits, issus de riches familles d’intellectuels, ont choisi de se sacrifier pour tenter de provoquer un attentat en Angleterre, je demande à Johny et Ashiq si cela pose des problèmes d’être musulman dans l’Inde d’aujourd’hui.
Et bien oui, depuis l’attentat du 11 septembre 2001, les contrôles policiers se sont multipliés, le soir, ils sont systématiques pour qui porte la barbe et le calot, et cela crée une constante et pénible sensation de suspicion.

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Johny raconte qu’il y a quatre ans, quand il a voulu s’inscrire à un club de tir (il en rêvait depuis l’enfance), les dirigeants ont refusé son inscription, pour le motif que le club ne pouvait se permettre de prendre le risque d’apprendre le maniement d’une arme à un adolescent musulman, mais, devant sa déception, ils ont accepté de le former sans le déclarer. Par la suite, Johny s’étant révélé excellent tireur, ils ont procédé à son inscription et ils ont bien fait car, aujourd’hui, il est champion du Tamil Nadu dans sa catégorie. Son niveau technique lui permettrait d’accéder au niveau national et de viser une sélection olympique, mais son arme, de qualité moyenne, l’empêche de rivaliser avec ses concurrents nantis de fusils beaucoup plus onéreux, donc beaucoup plus stables et malheureusement ses moyens de lui permettent pas l’acquisition d’un fusil plus performant. Quant aux sponsors, ils ont accepté depuis peu de prendre en charge ses déplacements, mais, toujours à cause de sa religion, ils ne veulent pas financer l’achat d’une nouvelle arme.
Cette fois, c’est moi qui reste bouche bée !
Ashiq, lui, rêve de devenir pilote, mais là aussi, il est très difficile de trouver un centre de formation. Finalement, pour une petite fortune, il intégrera bientôt une école néozélandaise.

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Tout cela me rend triste, cette imbécile et cynique ségrégation anti islam, qui sévit de l’Inde à l’Occident, ne peut apporter que désastres et injustices.
Stigmatiser des millions de croyants pacifiques à cause des agissements criminels d’une poignée de crétins fanatiques et sanguinaires est stupide et immoral.
D’autres religions ont, ou ont eu par le passé, leur lot d’excités fondamentalistes, tiens au hasard, l’Inquisition…
En a-t-on déduit pour autant que tous les cathos sont des criminels en puissance ?

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Pour voir un clip de nos vidéo clip sur le temple, cliquez ici (le commentaire est en italien) 

10.09.2007

Johny, un garçon positif

Nouveau

Celestissima se diversifie et vient d'ouvrir un nouvel espace dédié à l'écriture:
"Des nouvelles de Céleste".

 
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En un an, Trichy a encore changé.medium_plan-trichy.jpg
Sur le parking de notre hôtel, le Femina, les gros 4x4 rutilants, air con et vitres fumées, ont presque totalement remplacé les Ambassador, qui, il y a deux ans, se pavanaient sous les tamariniers. Aujourd’hui, elles se cachent humblement derrière les arrogants monstres chromés qui déversent sur le bitume de grosses dames parées d’or, venues avec maris, belles-mères et progénitures, s’approvisionner au supermarché ou regarder les enfants s’amuser dans l’espace qui leur est dédié.
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La ville, en pleine expansion économique, est destinée à devenir l’équivalent de Bangalore (la capitale du Karnataka et de la new économy). Les constructions se multiplient et les mendiants ont pratiquement disparu, il n’en reste qu’un petit nombre, basé dans le quartier des hôtels que fréquentent les touristes occidentaux (ceux-ci expliquant la présence de ceux-là).
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Le Tamil Nadu souffre encore de nombreux maux, dont la pauvreté, la sécheresse et la corruption, mais son système éducatif est un des plus performants de l’Inde, particulièrement au niveau de l’enseignement supérieur.
Des milliers de jeunes gens et de jeunes filles, bardés de diplômes en informatique, physique, mathématiques,  commerce, des ingénieurs, des médecins, sortent chaque année des innombrables College et trouvent immédiatement du travail.

Dans trois ans, son master en poche, Johny sera l’un d’entre eux.
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C’est toujours avec le même plaisir que nous le retrouvons, nous l’avions informé de notre visite et dès le premier soir nous dinons ensemble.
En un an, des choses ont changé. D’abord ses parents ont découvert sa relation avec sa « girlfriend », la jolie et douce Priya.
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Il y a un an, lorsque j’avais demandé à Johny quelle serait la réaction de ses parents, musulmans s’ils découvraient son amour caché pour une jeune fille catholique, il m’avait répondu qu’il était confiant car ses parents l’aimaient. Et j’avais souhaité qu’il ne soit pas déçu, que la pression sociale et religieuse ne soit pas la plus forte.
Et bien il avait raison. Ses parents n’ont certes pas sauté de joie, ils ont même fait la gueule les premiers temps, puis ils ont accepté de rencontrer Priya. Depuis celle-ci et la maman de Johny se parlent régulièrement au téléphone.
Quant aux parents de Priya, ils vivent au Koweït, et ne l’ont pas vue depuis trois ans. Elle les a néanmoins informés de son choix, qui ne les a guère enthousiasmés. Mais voilà, eux aussi ont fait un mariage d’amour, interreligieux, lui étant catholique et elle hindouiste. « Alors vous devez nous comprendre, leur a dit Johny, vous ne pouvez pas me refuser parce que je suis musulman ! ».
Et eux aussi ont accepté.
Ils ont bien fait, Johny est en tout point un jeune homme remarquable.
Outre un sourire éblouissant, de brillantes prouesses scolaires et de réelles capacités sportives (il est champion de tir et de tennis), il fait preuve d’une remarquable ouverture d’esprit.
Bref c’est un garçon positif.
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Et puis il n’est plus au Jamal Mohamed College, mais dans un établissement catholique.
Je m’étonne de ce changement, il m’explique que le Jamal Mohamed College n’a pas tenu ses promesses de le sponsoriser pour ses compétitions de tir, qui ont lieu aux quatre coins de l’Inde, et qui coûtent fort cher. De plus, dans sa nouvelle école, les entreprises viennent directement recruter les meilleurs élèves, autrement dit il est assuré, dans trois ans, d’avoir un emploi intéressant et très bien rémunéré.
L’année dernière au  Jamal Mohamed, il a déjà été recruté, par une entreprise saoudienne, qui lui proposait un emploi immédiat, correspondant à sa formation, mais il devait partir pour neuf ans, après avoir remis son passeport à la direction de l’entreprise.
Avec l’accord de ses parents, il a refusé.
« D’autres partent encore, parce qu’ils n’ont pas le choix, ils ont besoin de travailler tout de suite, et ils sont traités comme des esclaves. Nous, nous ne sommes pas riches, mais mes parents préfèrent faire attention à l’argent pour que je puisse continuer à étudier. Et puis le marché du travail est en train d’exploser, bientôt, plus personne n’aura besoin de partir, il y aura du travail en Inde pour tout le monde ».
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En écoutant Johny, si serein, si enthousiaste, je mesure toute la différence entre de vieux pays occidentaux, qui caracolent en tête de la liste des puissance mondiales mais qui ne sont même plus capables d’offrir du travail à leurs jeunes diplômés venus des classes moyennes (comme Johny dont le père est serveur dans un restaurant) et un pays en développement où les adultes de demain avancent sans crainte, avec la certitude que leur vie sera meilleurs que celle de leurs parents.
Mais néanmoins je m’inquiète, car le développement économique mal géré entraîne la destruction des ressources planétaires, multiplie les inégalités, sème la désolation.
Les Indiens sauront-ils user de leur sagesse pour accéder au bien-être pour tous, ou reproduiront-ils aveuglément les schémas occidentaux erronés ?
 
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07.09.2007

Rentrer

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Voilà, je suis à Bologne.
J’ai patienté dans des aéroports aseptisés et pris des avions bondés dont la population était soigneusement divisée. En haut et à l’avant les riches, ceux qui ne voyagent pas mêlés à la populace de la classe économique, mais entre eux, chouchoutés par les hôtesses mielleuses, ceux qui ne font pas la queue pour les contrôles policiers, mais qui passent fièrement, sûrs d’eux, affichant l’arrogante impunité de qui se pense appartenir à une élite, alors que dans la longue file des autres, de ceux qui ne voyagent ni pour affaires, ni pour tourisme, mais parce que les vicissitudes de la vie, la pauvreté, les dissidences politiques les ont contraints à l’immigration, de ceux dont certains indignes pays occidentaux ayant depuis longtemps oublié de sens du mot solidarité et dépourvus de moindre vision de l’avenir  ne veulent plus, des anciens à la peau parcheminée et aux mains tremblantes, des jeunes femmes enceintes, des bébés exténués attendent debout pendant des heures.
J’étais du bon côté de la barrière, là où j’aime être, avec les pauvres, avec les femmes en sari coloré, avec les moustachus basanés, avec les bébés aux grands yeux sombres, avec trois touristes occidentaux qui, comme moi, avaient encore dans les yeux la magnificence colorée, le somptueux chaos de l’Inde.
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Bologne est froide et triste, bien proprette et bien rangée, faisant son maximum pour répondre aux vœux de son maire, un maniaque de l’ordre.
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Je n’aime pas l’ordre imposé.
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Rien ne m’angoisse plus qu’un univers trop ordonné où chaque chose a sa place et chaque place a sa chose, ou sa personne.

Dans le nouvel ordre économique mondial les choses ont plus d’importance que les êtres humains, ceux-ci n’étant plus appréciés que comme esclaves consommateurs, chair à usine, cerveaux vidés afin d’y imprimer la propagande mercantile.

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Perdre sa vie à la gagner.

Y perdre aussi son âme, sa créativité, sa fantaisie.
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Je ne connais qu’un seul luxe: avoir le temps.
Le temps de flâner, de penser, de rêver, de créer, de jouer avec des enfants, de regarder les autres, de leur sourire. Le temps de profiter pleinement de chaque instant de ce truc merveilleux, la vie.
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En Inde la vie est partout, dans les rues, dans les campagnes, dans les temples et les marchés, bruyante, indisciplinée, active ou paresseuse.
En occident elle se cache, se terre dans des immeubles de verre et d’acier, dans des galeries commerciales où, dans ce monde artificiel qui se prétend libre et civilisé, des boutiques interchangeables proposent des uniformes coûteux dont les critères ont été soigneusement élaborés par les marchands de textile qui vendent aussi des armes, des livres, des journaux dont le contenu, dûment contrôlé, chante les louanges du dirigeant politique, méprisable pantin qu’ils ont acheté pour servir leurs intérêts et qui s’agite hystériquement pour leur complaire, entraînant dans son sillage courtisans et flagorneurs, corbeaux cyniques et crétins avides.
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Je n’ai pas pour autant une vision idéaliste, idyllique de l’Inde, je connais ses défauts, et en ce qui concerne son avenir j’oscille entre pessimisme quand je la vois se précipiter avec enthousiasme là ou nous sommes nombreux à ne plus vouloir aller, c'est-à-dire dans le mur, et optimisme car son peuple, le peuple de Gandhiji, est capable d’une extraordinaire capacité de résistance, d’une infinie patience.
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Comme je suis très peu rentrée et que j’ai beaucoup de retard, la chronique indienne continue.
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