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09.05.2007

Céleste à Paris : les rencontres

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De ce séjour parisien je me souviendrai du soleil, des femmes en robes légères, de la pureté du ciel, d’une sensation d’insouciance que le résultat des élections n’avait pas encore entachée. Les discussions tournaient autour des candidats, mais, dans la douceur du soir, aucune voiture ne brulait. Les CRS montaient la garde auprès des QG de campagne, on ne leur avait pas encore demandé d’aller matraquer des manifestants. Les casseurs attendaient leur heure pour se déployer dans la ville et créer les troubles qui justifieront les exactions policières futures.
La place de la Concorde était vide, ignorante de la piètre qualité du spectacle que l’on lui destinait : les pets d’un comique troupier, les paillettes et la voix d’une vieille et ô combien niaise chanteuse à l’immuable coiffure.

Je me souviendrai aussi des rencontres.

Eric, de Crise dans les Médias, avec qui nous avons passé une très intéressante soirée, parlant politique bien sûr, comparant la France et l’Italie, parlant aussi de voyages et de blogs.
J’aime beaucoup celui d’Eric. Très bien informé, concis, varié. Je le lis chaque jour (quand j’ai un ordinateur à portée de main), depuis presque un an.
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J’ai enfin fait la connaissance de Corinne, mon amie du web, avec qui, pendant des mois nous avons échangé de nombreux commentaires et mails. Réunies par une sensibilité commune, une vision identique des problèmes sociaux, humains, notre rencontre « en vraie », fut immédiatement simple et chaleureuse. En compagnie de Fabio, de Denis et de Maxime nous avons passé une très belle journée, déjeuné dans un jardin fleuri, marché dans les rues somnolentes d’un dimanche après-midi, quand le temps s’immobilise, bu un thé à la grande Mosquée, couru sous la pluie.
Avec Martin et Carole, Corinne écrit sur le blog Allons Enfants. Souvent poétiques, toujours documentés, mais aussi ironiques, cinglants, empreints d’une juste colère, leurs textes sont toujours un régal.
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Et puis parfois arrive le hasard qui offre une rencontre inattendue, superbe.

Près du métro Chapelle les boutiques et les restaurants tamils se succèdent. Ce quartier là n’a pas l’aspect touristique du passage Brady. Lieu de vie et de rencontre des nombreux Sri Lankais qui ont fui leur île ravagée par la guerre, il ne cherche pas à attirer le client de passage. Son Biryani de poulet est bien trop épicé pour les palais parisiens !

Nous y flânions donc, à la recherche de nouveaux DVD, quand, passant devant un  petit restaurant, Fabio vit, assis à une table, finissant son déjeuner en compagnie d’une amie, Peter, l’ange de Pondichéry !

Peter, dont nous n’avions plus de nouvelles depuis des mois, et qui désormais est dans la capitale.
Peter, beau comme un astre, souriant et joyeux.
Peter, dynamique, plein de projets, dont certains que nous pourrons peut-être réaliser ensemble.
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Ce fut une belle semaine.








03.05.2007

Céleste à Paris : la femme du métro Barbès.

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16 heures, métro Barbès.

Il y a foule au portillon.
Devant moi une femme brune, la peau sombre, modestement vêtue, escalade péniblement le tourniquet. Immédiatement, elle se retourne pour bloquer la porte métallique, sa fille, d’une dizaine d’années prend son élan, grimpe sur les rebords. Au moment où la fillette saute, mes yeux croisent ceux de la femme.
La peur que j’y lis me transperce.
Je lui souris.
Elle saisit la main de sa fille et l’entraine dans l’escalier.
Sauvées !
Pour cette fois.

Certains resquillent  par jeu.

Elle non.

Rien de ludique, mais la fuite de quelqu’un qui n’a pas d’argent pour payer deux tickets, qui n’a peut-être pas non plus de papiers et qui a peur de la police. Une police brutale qui la renverrait dans son pays.
Qui briserait un fragile équilibre familial.
Qui anéantirait les rêves d’une vie meilleure.


Ce fut un échange de regards, fugace, comme un éclair, comme une brèche brièvement ouverte sur la misère, sur les taudis aux prix exorbitants dans lesquels s’entassent des êtres venus de loin pour être moins pauvres, sur les arrestations devant les écoles, sur les mille et une ruses que certains doivent déployer, à longueur de temps pour échapper aux mailles du filet policier, pour travailler, pour manger, pour éduquer leurs enfants, pour se laver, car dans la jungle parisienne, qui n’a ni papier ni argent s’exténue à survivre dans l’indifférence des nantis et la haine de certains politiques.

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Ensemble, dit le candidat Sarkozy.
Ensemble, c'est-à-dire :
Sans les pauvres
Sans les exclus
Sans les chômeurs
Sans tous ceux que l’ultralibéralisme écrase, méprise, détruit.
Sans moi, qui refuse de suivre les riches dans leurs dérives totalitaires, dans leur égoïsme, dans leur déshumanité.

Je suis née de longues générations de paysans, non pas propriétaires, mais métayers, fermiers, ouvriers agricoles à la journée, des petits, des humbles que l’histoire à oublié mais qui ont versé leur sang et usé leurs échines pour les intérêts des riches.


Il souffle un vent mauvais, mobilisons-nous pour qu’il n’emporte pas, dans un élan glacé, la solidarité et les rêves.
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30.04.2007

Céleste à Paris : voyage dans le temps

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10 heures

Le parfait alignement des tombes des cimetières de mon enfance, dans le froid piquant du premier novembre, quand il fallait aller en famille déposer des hortensias sur les sépultures de grands-oncles et de grands-tantes que je n’avais jamais connus, a toujours éveillé en moi un sentiment d’ennui mêlé d’angoisse diffuse.
Je n’aimais ni l’ordre artificiel infligé aux morts, ni les graviers gris, ni les fleurs en plastique coloré, ni la froideur lustrée du marbre.
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Au Père Lachaise, j’aime le joyeux désordre des tombes, les pierres gravées, les arbres, les statues, les chants des oiseaux qui volettent gaiement.
Je ne ressens aucune tristesse à flâner dans les allées, mais au contraire une profonde et douce sérénité, la conscience d’appartenir à cette chaine humaine. Ils ont vécu avant nous, d’autres vivront après c’est ainsi.
Pas de tristesse, mais des moments d’émotion.
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Devant la tombe de Pierre Desproges, simple, entourée de montants, comme un lit d’enfant recouvert de fleurs.
Et l’ironie :
« Pierre Desproges est mort et enterré, étonnant, non ? »
Il fait face à Chopin, l’amant romantique de Georges Sand, emporté à 39 ans par la tuberculose et dont le talent à traversé les siècles.
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Plus loin gisent la divine Sarah Bernhard, la coquine Colette, Jim Morisson, caché derrière une stèle, Visconti, et tant d’autres, célèbres et anonymes, richement ensevelis ou allongés sous de simples pierres, comme Aimée, actrice des années folles, qui fut Frou Frou et Marceline, et dont je découvre le nom en balayant du bout des doigts les pétales et les feuilles séchées qui recouvrent sa tombe.
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Plus loin encore, de jolies fesses rebondies apparaissent au milieu des branchages et une gracieuse jeune fille, joliment déhanchée, écrit éternellement sur le grand livre du temps.
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13 heures
Rue de Cinq Diamants, nous retrouvons Fiso. Une belle rencontre due au web.

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Attablés devant les copieuses salades basques de chez Gladines nous papotons longuement, de nous, de nos vies, des blogs et des voyages.


20heures
Affluence sur les boulevards, et un refrain de Montand dans la tête :
« J’aime flâner sur les grands boulevards
Y a tant de choses, tant de choses à voir »
Et Aimée, la Frou Frou, du Père Lachaise, m’accompagne. Elle trottine à mes côtés, mutine et coquette, ses frisettes blondes cachées sous un chapeau cloche piqué d’une plume. J’entends claquer ses petits talons, et je devine les œillades que lui lancent les gandins cravatés.
Elle a l’allure légère et la taille fraichement libérée du corset. Elle est grisette, actrice, chanteuse, modèle ou courtisane, elle est la « p’tite femme de Paris ».

21 heures

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Diner chez Chartier.
Ni pour la nourriture, moyenne.
Ni pour la clientèle, touristique.
Mais pour le cadre, exceptionnel.
Construit en 1896 et désormais classé monument historique, le restaurant témoigne de la douce folie du début du vingtième siècle. Vitres et miroirs, lustres de cristal, cuivres brillants, tables de bois poli par les ans et ballet des serveurs en tabliers blancs.
Aimée venait-elle y diner en compagnie d’hommes épris de sa beauté ou de mécènes intéressés par la rondeur de ses seins ?


22 heures
La nuit est douce et les terrasses sont pleines.
Paris est bien belle ce soir !

27.04.2007

Céleste à Paris: Paname, version indienne

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10 heures
Dans la torpeur ennuyeuse d’une rue du XVI ème arrondissement, entre les luxueux immeubles et les jardins aux pelouses immaculées où s’affairent des jardiniers, une longue file patiente devant l’annexe de l’ambassade de l’Inde : futurs touristes, coursiers des agences de voyages, Français venus de Pondichéry qui, lorsque les comptoirs furent restitués à l’Inde choisirent de résider en métropole.
Ambiance indienne, attente interminable, employées en saris, aimables, ou non.
Nous en repartons trois heures plus tard, ma demande de visa enregistrée. Ouf !
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17 heures
Changement de décor, les rues entourant la gare de l’Est recèlent des boutiques d’alimentation, ou de « churindar kameez »  bariolés, des restaurants et  des magasins de DVD, le tout, made in India.
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Nous faisons provisions de films, les dernières productions de Bollywood, trois heures de ballets et paillettes, rires et larmes garantis. Du cinéma kitch et populaire, surjoué par de divines actrices aux œillades aguicheuses et aux déhanchement suggestifs donnant la réplique à de mâles acteurs bondissants. Un cinéma fait pour rêver, mais qui souvent, mine de rien, dénonce, le sort des femmes indiennes,  les injustices sociales, le poids des traditions, les luttes interreligieuses.
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Nous flânons dans les rues où les boutiques africaines côtoient les magasins de perruques multicolores et les restaurants turcs ou maghrébins.
Rue d’Enghien le siège du candidat Sarkozy arbore une immense banderole : « Ensemble, tout est possible »
Ensemble ?
En attendant les CRS patrouillent, matraque à la hanche. Curieux que le champion de la lutte anti sans papiers, le chantre de la discrimination positive, le nouveau héraut de la France aux Français ait choisi un quartier tellement coloré pour y poser sa base de campagne.
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19 heures 30

Dans le passage Brady, les restaurants indiens et pakistanais se succèdent, collés les uns aux autres, proposant tous le poulet tandoori, les nans et les plats aux curry. Traverser le passage  est une épreuve sympathique, certes, mais éprouvante. Devant chaque restaurant un serveur, à l’affut, veille. Il fond sur le passant pour lui déverser un éloquent boniment destiné à le convaincre que l’établissement dont il vante les mérites est de loin supérieur à tous les autres du Passage, et ils sont nombreux.
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Après avoir habilement esquivé le premier, nous succombons au discours du deuxième, et prenons place sur la terrasse des Rajpoutes.
La nourriture y est correcte, sans plus, mais observer le manège des serveurs, qui s’interpellent joyeusement en hindi chaque fois que l’un d’entre eux parvient à attirer un client est un régal.
Nous les suivons des yeux en nous amusant à imaginer divers camouflages permettant de leur échapper.


22 heures

Dans le métro qui nous ramène vers le XIII ème, j’entends sans écouter tout en écoutant, la discussion entre deux jeunes gens d’environ 18 ans assis dernière nous. Je ne vois pas leurs visages, mais elle a la peau noire et des cheveux crépus retenus par un bandeau, lui le teint rose et une tignasse blonde un peu ébouriffée. Elle parle sans arrêt, d’une voix joyeuse. Cet après-midi elle a eu une excellente note a un contrôle de maths, elle en est très contente. Puis elle parle de sa famille, d’un appartement trop petit où ils ont longtemps vécu, de là elle enchaine sur sa petite nièce a qui il faut mettre de la pommade sur les fesses car elle a des irritations.
« Moi aussi, quand j’étais petit, dit le garçon, j’étais très fragile, on me mettait des couches en soie ».
Et ils se mettent à rire.
Un garçon et une fille, gais et insouciants.
Peut-être sont-ils dans la même classe.
Peut-être sortent-ils ensemble.
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23 heures

Dans la station de métro, un homme allongé à même le sol, les vêtements noirs de crasse.
Il dort.

C’est aussi ça Paris, une ville où les très pauvres errent sans fin dans les rues indifférentes, fantômes ignorés, plaies douloureuses d’une ville, d’un pays ingrat, qui bien que se targuant d’être la cinquième puissance du monde renâcle à secourir les plus miséreux.


à suivre...

25.04.2007

Céleste à Paris (1)

 
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14.30
Long glissement silencieux du RER, le long des murs tagués, des tristes immeubles gris et des pavillons de banlieues cernés de jardinets où le printemps, soudainement surgi, a déposé lilas et glycines mauves.
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De Roissy au Châtelet, la population qui se succède sur les banquettes jaunes et rouges, varie au fil des stations.
Cadres voyageurs et touristes étrangers au départ de Roissy.
Africaines en boubous à la Courneuve.
Employés de bureau.
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Rappeurs et aguichantes beautés, blacks, comme le jeune couple qui s’assied face à moi. Il a le crâne rasé et un jean large qui dégouline sur son corps musclé, biscottos surdéveloppés, tatoués et lisses. Elle est ravissante, les seins pigeonnant dans un corsage, le jean moulant surmontant des sandales à hauts talons, rouges, comme le corsage, comme ses lèvres qui m’adressent un petit sourire quand nos regards se croisent. Lui ne sourit pas, il est l’homme.
Deux femmes africaines, cheveux cachés et longues robes, se laissent tomber sur une banquette. L’une des deux se tourne vers une jeune fille qui est entrée dans le wagon en même temps, elle l’apostrophe : « Oh, tu viens t’asseoir ? »
Mais la jeune fille, jean à taille basse, top moulant et bouclettes noires coupées court, fait mine de ne pas entendre, s’assied plus loin, et rajuste les écouteurs de son MP3 sur ses oreilles.
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Une femme capte mon attention, mes yeux restent rivés à elle, ravis par sa beauté et sa dignité.
Son boubou coloré, glissant sur ses bras, dévoile ses épaules nues d’un acajou satiné. Quelques éclairs blancs se sont faufilés dans ses cheveux  très courts, les longues boucles d’oreilles de grosses perles colorées sont assorties à un collier. Pierres et argent, comme les lourds anneaux qui enserrent son poignet. Elle met ses lunettes, lit, majestueuse, superbe.

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17 heures.
Dans le salon de thé de la grande mosquée de Paris, face au Jardin d’Acclimatation, les carreaux bleus et blancs apportent un peu de fraicheur à cette journée dont la chaleur soudaine et précoce surprend et enchante les parisiens qui ont déboutonnés leur cols et enlevé leurs vestes.
Les parisiennes, quant à elles, ont enlevé bas et collants pour exposer leur gambettes aux rayons du soleil. Elles trottent sur les trottoirs, jupes dansantes surplombant des jambes fines chaussés de petits escarpins.
Et tout en observant un moineau picorer les miettes de ma pâtisserie au miel et aux amandes je pense que mes amis italiens diraient : « Ce sont vraiment des françaises, comme Ségolène ! »
C’est vrai, des Ségolène, j’en ai vu plein aujourd’hui, marchant d’un pas pressé, un peu raides sur leurs talons, la tête fièrement levée, un peu pimbêches. Et je me rappelle d’une caricature parue dimanche soir dans un quotidien belge et que j’ai trouvée particulièrement pertinente. On y voyait un petit Sarkozy grimaçant face à une Royal glacée, la légende disait : « Le petit hargneux ou la grande pimbêche ? »
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21 heures
Dans un petit restaurant basque de la butte aux cailles, andouillette poêlée et patates fondantes.
Je découvre le treizième arrondissement, il faut dire que je connais peu Paris, n’y ayant jamais vécu.
La rue des Peupliers m’a enchantée, comme la rue de l’Espérance ou la rue des Cinq Diamants, qui fleurent plus la province que la capitale. J’ai pensé à Argenton sur Creuse et la maison de mes grands parents.
Dans le treizième arrondissement les Africains sont rares, la population est plutôt blanche, ou asiatique.

J’aime cette mosaïque vivante et colorée, d’autant que parfois les couleurs se mélangent, comme en témoigne mon jeune voisin du restaurant, les yeux en amandes, la peau d’une chaude couleur café au lait, les cheveux bouclés. Mélange d’Asie, d’Afrique, d’Europe, être humain universel.
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Alors je forme le vœu - c’est le moment ou jamais- que qui voudrait bouter hors de France les enfants venus d’ailleurs n’accède jamais, jamais, aux fonctions suprêmes.

Le métissage est une richesse, dont aujourd’hui, dans ce Paris que j’aime, j’ai pu contempler les facettes, les visages, si différents de ceux, unicolores, que l’on croise dans la bourgeoise et frileuse Bologne.

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A suivre…














24.03.2007

Bali: le limage des dents, une idée à retenir

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Dans la plus basse caste, à laquelle appartiennent plus de 80% des Balinais, il n’existe que quatre prénoms. Quelque soit son sexe, le premier né est appelé Wayan, le second Madé, le troisième Nyoman et le quatrième Ketut, si un cinquième enfant voit le jour la série des prénoms recommence.
L’homme qui se précipite vers nous alors que nous descendons de notre moto, attirés une fête qui se déroule sur un terrain vague aux alentours d’un village, se nomme Nyoman. Nous sommes loin d’Ubud, en dehors des sentiers rebattus, et la cérémonie qui débute n’a rien de touristique, il s’agit en effet, comme nous l’explique Nyoman, du rite du limage des dents. Destinée à éliminer l’agressivité qui sommeille au fond de chaque individu l’opération (symbolique écrit le Lonely Planet), consiste, comme son nom l’indique, à limer les dents de devant, et particulièrement les canines, dents pointues semblables à celles des démons.
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Notre nouveau pote nous explique que cette cérémonie s’adresse aux jeunes gens en âge de quitter la famille, et nous désigne le petit groupe des fêtés du jour, occupés à défiler à la queue leu leu, inlassablement, autour d’une tente. En tête de cortège avancent les garçons vêtus de blanc, le front ceint d’un bandeau, les filles suivent en sarongs et chemisiers colorés, les cheveux relevés en lourds chignons piqués de fleurs et de feuilles dorées.
C’est là que, ô surprise, j’aperçois au milieu des filles un individu dont la platitude du torse et la stature indiquent sans doute aucun la masculinité. Ses cheveux sont cachés par un turban et un bandeau de satin jaune vif assorti à son sarong couvre sa poitrine
De peur d’être indélicate, je n’ose pas questionner Nyoman sur ce personnage, mais ma curiosité est émoustillée. L’explication qui me semble la plus logique serait celle de l’homosexualité, acceptée à un tel point que ce jeune homme puisse se ranger parmi celles dont il se sent proche, à moins qu’il ne s’agisse au contraire d’une mesure vexatoire, mais j’en doute. Sous beaucoup d’aspects, la société balinaise est très ouverte et le respect des rites et des traditions plus fort que le destin et les choix individuels de chacun.
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Ayant enfin fini de tourner – les cérémonies balinaises sont très longues, lentes, pour nous, occidentaux pressés, interminables - les jeunes gens se regroupent devant le gazebo. Les xylophones du gamelan tintinnabulent, les notables sirotent un thé sous un auvent, un prêtre fait brûler de l’encens, les femmes s’agitent et se bousculent pour assister à la suite de la cérémonie et Nyoman nous désigne le prêtre limeur de dents, puis il me pousse vers l’avant ce qui fait que je me retrouve au premier rang des spectateurs, ce dont je suis ravie, soucieuse de ne pas perdre une miette de cette originale (et symbolique dixit le Lonely Planet) cérémonie.
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Mais voilà que mon regard croise celui d’un des jeunes héros du jour et, en une fraction de seconde, j’y déchiffre quelque chose qui ressemble fort à de la peur.
Et en effet, un instant plus tard, il est allongé sur une table en bois, fermement immobilisé par quatre matrones énergiques. Le prêtre limeur lui enfonce alors dans la bouche une grossière râpe en fer, à peine extraite d’un sac d’une propreté approximative, et commence consciencieusement à raboter. La douleur se lit sur le visage du garçon et le sang coule de sa bouche.
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Je tente une manœuvre de repli, mais rien à faire, la foule enthousiaste m’enserre et j’assiste, à mon corps défendant, à la totalité de l’opération (symbolique comme dit le Lonely Planet).
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Nous nous éclipsons finalement, suivis de Nyoman qui nous entraîne dans sa maison où il nous offre un thé en nous racontant avec force détails la mort puis la crémation de sa fille.
Il nous invite à revenir ce soir pour assister au banquet et aux chants et danses qui termineront la journée. Nous hésitons un moment avant de décliner son offre, mais Ubud est loin, et, la nuit, les routes sont peu sûres, non pas à cause de la criminalité qui sur l’île est quasiment inexistante, mais à cause de la façon de conduire fantaisiste de ses habitants.

La société balinaise est remarquablement pacifique, l’agressivité y est inexistante.
Ni cris, ni énervements stériles.
Le calme.
La sérénité.

Et aujourd’hui, devant mon ordinateur, après avoir aperçu à la télé un aspirant calife vociférer en gesticulant sur la (supposée) grandeur de la France que, d’après lui, nous aurions perdue et qu’il estime être le seul à pouvoir rétablir, je me demande si nous devrions pas envoyer nos politiques se faire limer les dents à Bali.


 

19.03.2007

Bali : d’autres rites

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Loin des plages de Kuta où surfent les éphèbes australiens, la ville d’Ubud, joliment étalée au milieu des collines et des rizières en terrasses, est le centre culturel de Bali.
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Les musées et galeries d’art attirent de très nombreux touristes, majoritairement français, qui se pâment devant les peintures naïves et les sculptures en tek blond, dégustent le canard à la cendre, jouissent du confort des hôtels, se précipitent aux innombrables spectacles et recherchent frénétiquement quelque crémation à photographier, ce qui n’est d’ailleurs pas difficile, les Balinais du coin estimant fort bien les retombées économiques directes que génèrent ces hôtes venus de l’autre côté de l’horizon, en période touristique, les cérémonies funéraires abondent.
Car la crémation n’a pas lieu immédiatement après le décès. Le corps, nettoyé et embaumé, réduit à un paquet d’os, attend paisiblement dans une urne que ses parents soient financièrement prêts pour l’ultime cérémonie. Les familles fortunées organisent des crémations fastueuses, les autres se regroupent et les incinérations sont collectives.
Dans l’un comme dans l’autre cas, point de larmes ni de tristesse, ce rite permettant, bien au contraire, à l’âme immortelle du défunt de se libérer de son enveloppe charnelle et de renaître sous une nouvelle forme.
Mais pour que l’âme purifiée puisse poursuivre sa voie vers la paix du ciel il faut encore que les cendres soient dispersées dans l’eau d’un fleuve où dans la mer.
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Nous avons loué une moto pour parcourir les environs d’Ubud. La route serpente sur le flanc des collines et le vert tendre des rizières scintille sous le soleil. Des canards, en files bien ordonnées, se dandinent sur les sentiers qui traversent les plantations. L’air est doux et les enfants nous hèlent sur notre passage.
A l’orée d’un village, un important regroupement attire notre attention. C’est la fin d’une crémation collective et la fumée s’élève encore des vestiges des tours funéraires.
Celles-ci, bâties en bambou sur une tortue enlacé par un naja, symbolisent le cosmos. La base représentant la montagne du monde et son toit la montagne du ciel, le corps du défunt est placé entre ciel et terre. Les étoffes, les feuilles tressées  et les papiers colorés qui décorent la tour indiquent la richesse de la famille.
La société balinaise est divisée en quatre castes, et même si cette division s’est considérablement atténuée, elle n’a pas pour autant complètement disparu.
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Sur de petits autels sont entassés des fruits et des fleurs et lorsque nous arrivons le gamelan égrène ses dernières notes. Tous les villageois sont en vêtements traditionnels, sarongs et chemisiers moulant en dentelle pour les femmes, sarongs et chemises ou tee-shirt pour les hommes.
Certains mangent, d’autres discutent, les enfants jouent, et un chien efflanqué renifle les braises encore rougeoyantes.
Tout le monde se réjouit car les âmes des défunts sont enfin libres.
Notre présence n’attire aucune réaction particulière, on nous sourit gentiment, on nous regarde passer, quelques garçons viennent nous demander notre nationalité et une femme âgée nous offre une bouteille d’eau minérale.
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Sur le chemin du retour, enfoui dans la verdure, nous découvrons l’atelier d’un peintre. Assis par terre avec ses aides, deux jeunes garçons qui enduisent les toiles pour les premières couches, il met la dernière main à un tableau : des oiseaux colorés posés dans un délicat ensemble de feuilles finement dentelées et de fleurs chatoyantes.
C’est tout simplement superbe. Il nous fait signe de rentrer dans l’atelier, je m’assieds à ses côtés pour le regarder travailler, il m’explique que ce tableau est déjà vendu, je lui demande le prix, il me répond environ 50 dollars. Je lui demande ensuite si, un jour, quand nous reviendrons à Bali, il pourra m’apprendre à peindre, il se met à rire, bien sûr qu’il peut, il a déjà eu des élèves japonais.

Nous restons moment avec lui, puis le jour déclinant, nous repartons vers Ubud.

Et je rêve, que, plus tard, quand nous en aurons fini avec nos ennuyeuses tâches occidentales, nous viendrons passer quelques mois à Ubud et que, chaque jour, je viendrai chez le peintre pour qu’il m’enseigne son art, dans son petit atelier perdu dans la verdure.
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A suivre

15.03.2007

Bali, un petit coin de paradis

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A Bali, quelque soit le jour de l’année, le soleil se lève à 6 heures au-dessus des rizières et des temples et, à 18 heures, l’obscurité envahit la petite île.
La température aussi est stable, toujours aux alentours de trente degrés, autrement dit il ne fait jamais ni trop chaud, ni trop frais.
La seule différence entre les jours qui défilent nonchalamment au rythme des rites et des cérémonies est le fait de la mousson qui sévit d’octobre à mars, baignant les champs et les forêts.
La nature est superbe, généreuse, l’eau y est abondante, le riz y pousse facilement et une multitude de fleurs y déploient leurs corolles.
Tout cela ressemble fort au Paradis, d’ailleurs Bali est communément surnommée l’île des Dieux.
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Les Balinais, quant à eux, sont intimement convaincus d’être les élus des Dieux. Dieux auxquels ils accordent d’innombrables soins et rites.
La religion, née d’un mélange d’hindouisme, de bouddhisme et d’animisme est au cœur de la vie, elle est omniprésente, incontournable, vivante, colorée et, mêlée aux traditions, elle régit la vie des Balinais. Au sein du plus grand pays musulman du monde, Bali, perle de douceur et de beauté, résiste à toute conversion religieuse et ses habitants nourrissent pour leur terre et leurs coutumes un amour total et dévot.
Pourtant, l’île a connu la domination coloniale, non pas anglaise comme l’Inde, ni française, comme l’Indochine, mais hollandaise.
Et la guerre d’occupation fut sanglante, en 1906, les Bataves, armés jusqu’aux dents, attaquent le royaume de Badung (actuelle Denpasar), dernier fief à leur résister. Les souverains refusent de se soumettre et, accompagnés de leur innombrable famille, de leurs serviteurs et du peuple, ils marchent, mains nues, vers les troupes hollandaises qui les fusillent consciencieusement.
Puis l’île a retrouvé sa sérénité.
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Chaque matin, les Balinais déposent des offrandes, de riz, de fruits et de fleurs devant les multiples autels et dans les temples, elles sont adressées aux Dieux.
Mais ils n’oublient pas les Démons, omniprésents et qu’il faut aussi contenter, de peur de les voir surgir et nuire à l’équilibre de la société. Alors, à l’aube, chacun dépose devant sa porte une feuille garnie de riz et de fleurs qui sera la pitance du Démon. Le touriste fraîchement débarqué prendra, à tort, grand soin de ne pas piétiner les petits tas de riz qui jonchent les trottoirs, en effet, cette offrande est au contraire destinée à être foulée aux pieds. On veut bien nourrir les Démons, mais pas avec les mêmes soins que les Dieux.
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Tous ces rituels sacrés de la vie quotidienne sont destinés à aider les Balinais à atteindre la plénitude, le bonheur spirituel, l'harmonie et la paix. L’objectif premier étant de conserver intact l'équilibre du cosmos.
Pour cela, les Balinais ont bâti une société extrêmement organisée, codifiée, ou chacun se plie, apparemment de bonne grâce, à la règle commune.
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Est-ce grâce à la douceur du climat, à l’indicible beauté des paysages, à la générosité de la nature qui permet à chacun de cultiver le riz et les légumes dont il a besoin sans pour autant y sacrifier la totalité de son temps, ou à la religion qui insuffle un désir d’harmonie que rien ne peut contraindre que les Balinais sont un peuple d’artistes ?

La réponse est certainement multiple, ce qui est certain c’est que l’art est partout, sous toutes ses formes.

La musique : chaque village, chaque communauté, compte au moins un orchestre, le Gamelan, ensemble instrumental traditionnel composé principalement de percussions, dont les notes roulent comme l’eau du torrent sur la roche, accompagnant les gracieux mouvements des danseuses et des danseurs qui exécutent fidèlement de complexes chorégraphies, illustrant d’antiques luttes entre les Dieux et les Démons, entre le bien et le mal.
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La danse et le théâtre, qui font partie de l’enseignement, de la vie, et enrichissent les fêtes et les cérémonies, racontent, miment, enchantent. De nombreux artistes occidentaux se sont passionnés pour la danse et le théâtre balinais, dont Artaud qui écrivait : « Ce que j'ai toujours conçu de la nécessité pour le théâtre de représenter quelques-uns des côtés étranges des constructions de l'inconscient, tout cela est comblé, satisfait et au-delà par les surprenants spectacles balinais, qui sont un beau camouflet au théâtre tel que nous le concevons ».
La peinture, souvent naïve, colorée, luxuriante, qui elle aussi a fasciné des occidentaux à la recherche de nouveaux styles.
La sculpture, sur bois, sur pierre ou en céramique.
L’artisanat sous toutes ses formes : tissus aux fins motifs tissés, ou imprimés suivant la technique du batik, objets d’ornement, sacs, bijoux…
Dans les villages les tâches sont réparties, ici on sculpte, là on assemble, ailleurs on peint.

Partout, dans l’île du matin, comme la nommait Nehru, on sourit au voyageur qui passe, on le questionne (les Balinais sont particulièrement curieux) on hoche aimablement la tête.
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En 1937, Miguel Covarrubias, écrivait: "Les anciens Balinais ont fait de leur île un monde enchanté de Dieux, d'humains et de démons".

Puisse-t-il survivre à la mondialisation galopante, à l’appât du gain, à la pollution qui ronge, flétrit, détruit.


A suivre

 

20:55 Publié dans Voyages | Lien permanent | Commentaires (11) | Envoyer cette note | Tags : Bali

18.02.2007

Around Vang Vieng (2)

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La terrasse du resort donne sur la Nam Song, la rivière qui traverse Vang Vieng, et nous passons beaucoup de temps à regarder nager et s’ébattre les enfants et à observer les allées et venues des pirogues qui remontent, descendent le cours d’eau ou le traversent. Le pont de bambou qui reliait les deux rives a été emporté par les flots il y a quelques mois, et n’a pas été reconstruit. La traversée se fait en pirogue, et demande une certaine expérience car le courant est très fort. Ne pouvant traverser suivant une ligne droite, la pirogue décrit une longue courbe avant de se laisser dériver pour arriver au point voulu, elle glisse sur l’eau en une arabesque silencieuse, qui, dans ce cadre grandiose, prend une dimension presque magique.
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La nuit, les lampes de fortune qui éclairent les embarcations semblent danser dans l’obscurité comme de gracieux esprits.
Le Lonely Planet indiquant de l’autre côté de la rivière, à peu de distance, une grotte à visiter, nantie d’une vasque d’eau fraîche faisant office de piscine naturelle, nous louons des vélos et partons à l’aventure.
La première consiste à embarquer avec les vélos sur la fragile pirogue qui tangue au moindre mouvement. Sur l’eau, l’impression d’être irrésistiblement portés par le courant est fascinante et la tâche de l’homme qui guide l’embarcation loin d’être facile, si la trajectoire qu’il choisit n’est pas parfaite, le bateau risque de trop dériver et de manquer son but.
Nous enfourchons nos bicyclettes et pédalons sur une route de terre qui, en principe, doit nous mener à la grotte.

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 Fabio a un genre de VTT et moi une espèce de mini vélo rose sans changement de vitesses ce qui fait que dans les côtes je m’époumone et ahane. Mais ce n’est pas le pire, il a plu récemment et la route est souvent coupée d’énormes flaques d’eau boueuse. Je me lance dans la première sans bien mesurer les conséquences de ce mouvement hardi et me retrouve immergée jusqu’aux genoux, la parole « bilharziose » me trottant mine de rien dans la tête. Encore une de ces maladies parasitaires que le monde occidental ne connaît pas mais qui fait des ravages sous les tropiques, surtout dans les pays, comme le Laos, où les structures sanitaires sont presque inexistantes.

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Quant à moi, une fois passée la première flaque, je décide qu’il ne sert à rien de me gâcher le plaisir, d’autant que, tandis que j’extirpe péniblement ma bicyclette rose de la mare boueuse, une paysanne, pieds nus et un panier sur la tête, la traverse vaillamment, non sans nous jeter un petit regard amusé.
Contrairement à moi, qui suis là pour occuper mes loisirs, et qui peut, à tout moment, reprendre un avion qui me mènera dans mon occident aseptisé, elle n’a pas le choix.
Nous continuons notre route, traversant une campagne magnifique, où le vert acidulé des rizières chatoie sous le soleil.

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Le soleil qui justement tape fort sur nos crânes, trop fort, beaucoup trop fort, surtout que j’ai oublié mon bandana. Pour tout dire la ballade commence à devenir un peu pénible, les flaques d’eau se succèdent, il fait une chaleur impressionnante et au bout d’une heure toujours point de grotte ni de cascade.
A ce stade là, il s’agit, ce qui est toujours délicat, d’évaluer si l’effort accompli mérite d’être continué afin d’avoir le plaisir d’arriver au but, ou si la sagesse se trouve dans le renoncement. Généralement, comme la plupart des humains, nous n’aimons pas penser que nous faisons les choses pour rien, nous aimons bien que notre effort soit gratifié, même si le but est dérisoire.
Par conséquent, nous nous acharnons. Une demi-heure plus tard, le nez dans le guidon, les jambes en compote, rouges et transpirants nous arrivons à la fin de la route. L’unique possibilité pour continuer est un chemin boueux, impraticable en vélo, ce qui signifie, comme nous n’avons pas d’antivols, qu’il faudra les porter. Finalement la raison l’emporte et nous choisissons de faire demi-tour.
Bien nous en prend, car quelques minutes après que nous ayons commencé à pédaler sur le chemin du retour, le ciel qui était bleu devient gris, puis noir, et bientôt éclate un monumental orage.
La pluie gicle et rebondit, les éclairs zèbrent le ciel et le fracas du tonnerre se répercute dans les montagnes.
Pédalant de toutes mes forces je roule, ô horreur, sur le cadavre d’un serpent, que, par chance, je n’avais pas remarqué à l’aller.
Nous atteignons finalement, trempés et tremblants, un hameau où une famille nous fait signe de venir nous abriter sous un auvent.

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Faute d’avoir un langage en commun, nous échangeons des sourires, des gestes. Les enfants jouent autour de nous, comme beaucoup de petits laotiens, ils ont le nez qui coule, et ils toussent.
Nous restons chez eux, le temps que l’orage se calme. C’est une famille pauvre, ils doivent avoir un champ, quelques poules, ils nous regardent avec une curiosité bienveillante et amusée.
Nous échangeons de grands saluts avant de repartir sur la route inondée, de traverser à nouveau la rivière et de retrouver le confort de notre resort.

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Et ci-dessous, la même chose en vidéo :

11.02.2007

Around Vang Vieng (1)

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Fourbus, moulus, assoiffés, le bus cahotant nous dépose sur le terre plein qui fait office de gare routière pour la petite ville de Vang Vieng.
Nous y avions déjà fait halte il y a une semaine, en allant  Luang Prabang. Cheminant sur la route en  terre vers le « resort » où nous avions dormi, un ensemble de bungalows disposés sur une impeccable pelouse donnant sur la rivière, le tout tellement bien rangé, ordonné, entretenu qu’on se croirait au bord du lac Léman, tenu par un charmant monsieur francophone et francophile qui le soir prend sa guitare pour chanter du Brassens, un couple de trentenaires, et des poussières,  français, nous double à grands pas énergiques, dans l’intention, visible, d’arriver avant nous au « resort » en question, sait-on jamais, il n’y a peut-être qu’une seule chambre libre.
La démarche assurée, vêtus Décathlon de la tête aux pieds, c'est-à-dire short un peu long (ou bermuda un peu court), pataugas, veste en coton imperméabilisé multi poches, ceinture anti voleurs et sac à dos ils sont tout à fait représentatifs d’un certain type de touristes : les efficaces.

Ils voyagent avec un attirail complet, ont un goût particulièrement marqué pour la marche et adorent les trekkings dans les villages, histoire de partager très très brièvement le quotidien des paysans, de dormir à la dure dans une cabane et de s’en repartir le lendemain, le cœur léger, vers d’autres aventures sans trop se poser de questions sur les insignifiantes retombées économiques de l’opération dans l’escarcelle de leurs hôtes. Le pactole étant bien sûr empoché par l’agence touristique qui a organisé l’expédition. Le touriste efficace transportant ses petites affaires bien pliées dans un sac à dos déjà plein, pas question non plus pour lui d’acheter quoique ce soit dans les villages. Bref, les efficaces, de surcroît toujours prêts à manifester leur mécontentement si un cafard traverse leur chambre ou si les draps ne sentent pas la lavande, me sont généralement peu sympathiques.
Ces deux là, qui se tournent triomphalement vers nous sur le seuil du resort en nous lançant un regard signifiant clairement « On a gagné » n’échappent pas à la règle, mais, peu importe, nous, nous avons réservé notre chambre.

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Plus tard nous sortons dans Vang Vieng. Les rues bordées de maisons basses et de cabanes sommaires sont encombrées de triporteurs, de mobylettes et de vélos. De nombreux enfants jouent et se poursuivent joyeusement devant les échoppes peu achalandées. Au marché, les paysannes vendent le produit de leurs récoltes, du poisson odorant, des volailles, d’autres étals proposent des tissus, des chaussures, des objets quotidiens.

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La petite ville  est renommée comme étant un haut lieu du trafic d’opium et les fumeries clandestines y sont nombreuses, ce qui est bien sûr totalement illégal, mais le Laos, situé au cœur du triangle d’or, en est depuis très longtemps un pays producteur et consommateur ainsi qu’un pays de transit pour l’héroïne. Il fut longtemps, après l’Afghanistan et le Myanmar, le troisième producteur mondial.
Le pavot est cultivé, de façon archaïque, par les tribus montagnardes qui vendent, échangent contre d’autres denrées, et consomment l’opium, en particulier à des fins médicales.
En l’absence de tout système de santé primaire, l’opium est bien souvent le seul médicament disponible dans les montagnes. Le système de santé laotien est très nettement insuffisant, dans les provinces, les hôpitaux, situés à plusieurs jours de marche des villages, sont dans un état d’extrême dénuement. Les paysans utilisent donc l’opium à des fins thérapeutiques, ce qui crée des dépendances à la drogue.

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Depuis quelques années une vaste campagne d’éradication du pavot a été lancée avec le soutien de l’ONUDC, la production et la consommation d’opium ont baissé, mais la situation reste très fragile car les paysans doivent combler le manque à gagner en pratiquant d’autres cultures, suffisamment lucratives. Dans un cas comme dans l’autre les bénéfices des paysans restent, de toute façon, très faibles.

Ce n’est certes pas aux petits paysans laotiens que profite le marché de l’héroïne, eux survivent, vivotent et consomment pour oublier leur misère.

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Toujours est-il que la réputation opiacée de Vang Vieng attire dans ses gargotes et ses terrasses sur le fleuve une autre catégorie de touristes occidentaux : les routards à la recherche d’émotions fortes.

Arborant un look de vieux baba, d’un âge variable, le routard à la recherche d’émotions fortes fume des joints sans la moindre discrétion, deale avec les laotiens, s’endort affalé contre un arbre et fait des pieds et des mains pour pénétrer dans les fumeries clandestines. Ce qui n’est pas facile, celles-ci étant réservées aux autochtones, et souvent gérées par des chinois, qui ne voient pas d’un bon œil ces rejetons du monde occidental venus perdre raison et dignité sur leur territoire.

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Le patron du restaurant où nous dînons est chinois justement. Vieux et gras il est assis face à sa femme, une dame maigre et pincée. Ils boivent le thé que la petite bonne leur a servi.
Adolescente aux yeux tristes, elle est une de ces innombrables filles placées ou vendues par leurs familles pour servir chez les autres. Elles sont des millions dans le monde, petites esclaves exploitées, souvent battues, parfois violées, qui n’ont ni identité ni espoir et qui mènent, sans se plaindre, une obscure vie de labeur.

A suivre


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