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16.10.2006

A Nice

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Comme tous, j’ai connu la chance et les désillusions.
Parmi les chances, j’ai celle de posséder quelques mètres carrés dans une rue paisible derrière le port de Nice.
Ce weekend, Nice était magnifique, douce, lumineuse, colorée.
Les travaux pour la construction du tramway encombrent encore une partie des rues et créent une atmosphère particulière. Nice est une vieille dame en plein lifting, le chirurgien est à l’œuvre, il a abattu des arbres, creusé des tranchées, bloqué des rues sur lesquelles les enfants en profitent pour jouer au ballon. D’une certaine manière la ville est plus calme.

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Nous avons flâné dans les rues, passé des heures dans les  librairies, marché sur la promenade des Anglais.

Et j’ai regardé les gens, les autres, tous ces autres que je ne connais pas mais dont je me sens si proche.
Chaque ville se caractérise aussi par ses habitants, ses passants, ses promeneurs. A Nice, le mélange est hétéroclite.

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Les personnes âgées se promènent à petits pas en se tenant par le bras.
Les femmes, disons d’un certain âge, sont maquillées, elles ont du rouge à lèvres, des permanentes bien laquées et des chaussures à talon, leurs hommes portent des pantalons aux plis bien marqués et des chemises repassées de frais. Ils vont danser ensemble l’après-midi dans des locaux qui leur sont réservés, comme le fameux Mississipi.
Ou ils profitent du soleil sur la plage.
D’autres, plus jeunes, patinent sur la promenade main dans la main.
Les touristes baguenaudent.
Les ados, descendus de l’Ariane tournent en bande, loin de leur cité.
Les filles les suivent en riant, pomponnées, maquillées, juchées sur des talons.
Les jeunes mères de famille déambulent entourées d’enfants qui se disputent en marchant.
Les élégantes lèchent les vitrines.

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Nous arpentons la Promenade des Anglais, il fait chaud, la  mer est limpide, le ciel imperceptiblement brumeux.
La journée passe.

Retournée directement en Italie après deux mois d’Inde, j’ai une nostalgie de saveurs françaises, venues de l’enfance, donc, en fin d’après-midi, je fais quelques achats essentiels au Monoprix de la Place Garibaldi.
Essentiels, puisque je vais rapporter à Bologne de précieuses denrées introuvables en Emilie Romagne.
Des petites choses, de petits plaisirs alimentaires, mais qui me manquent : des andouillettes (je ne les achète pas au Monoprix mais dans une charcuterie du vieux Nice), un pot de rillettes, des gésiers confits, des Chamonix à l’orange, des Pailles d’or à la framboise, des petits pots de pâté, du roquefort et un camembert au lait cru.

Dans le Monoprix, un groupe d’adolescents parcourt bruyamment les rayons. Ils font des courses pour l’anniversaire de Marion, dont je crois comprendre qu’elle fête ses 16 ans. L’un s’empare de deux bouteilles de vodka, un autre d’un pack de bières géant, les filles prennent des chips et des biscuits salés. Leurs vêtements sont griffés, les garçons ont un look étudié, mode. Ils se moquent les uns des autres, ou plutôt de l’un d’entre eux, probablement le plus fragile, un visage d’angelot sous des cheveux bruns bouclés. C’est lui qui porte, péniblement l’énorme pack de bières.
Je les reverrais quelques heures plus tard, alors que nous serons attablés chez Pistol, sous les arcades de la Place Garibaldi, devant des moules marinières. Ils passent, les bouteilles de vodka sont vides et l’effet de l’alcool se lit sur leurs visages, dans leur démarche, et dans la tonalité de leurs propos, de plus en plus bruyants. Les filles scandent « Bon an-ni-ver-saire Ma-rion,  bon an-ni-ver-sai-re Ma-rion… ». Et gueule d’angelot traîne à l’arrière, il porte toujours le pack de bière, à moitié vide, mais encore encombrant.

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Revenons au Monoprix ou une très vieille dame, une de ces adorables créatures dont Nice a le secret : cheveux blonds frisottés coiffés d’un petit chapeau, rouge à lèvres, bermuda dernier cri et bottines, me demande si la volaille sur laquelle elle a posé sa main fripée est une poule ou un poulet, car elle aimerait, me dit-elle, la faire bouillir.
J’ajuste mes lunettes, moi non plus je n’ai plus vingt ans, faut pas croire.
« - C’est un poulet, celui-ci aussi, il n’y a que des poulets.
- Ah….et combien ils coûtent ?
- Celui-ci 7,50 euros.
- 7 euros ????!!! C’est cher, s’étonne la dame, 7 euros, pour un poulet… »

Oui, je lui donne raison, c’est cher, surtout qu’il sera périmé demain. Elle se décide finalement pour une barquette contenant deux pattes. Je tente de lui expliquer que ce n’est pas avantageux, le prix au poids étant beaucoup plus élevé. Mais non, elle préfère les deux pattes : « Comme ça y a rien à jeter ! »
Elle me demande ensuite de l’aider à trouver des merguez, pas trop épicées surtout, et avec seulement du mouton.
Introuvables, les merguez du monoprix contiennent plus de bœuf que de mouton.

« Pffffff, soupire la dame, enfin on prend ce qu’on trouve, faut bien se contenter, merci Mademoiselle ! »

Mademoiselle !!!!! Elle est vraiment très très vieille, la dame, tellement vieille que pour elle les âges se confondent.

Mademoiselle, je ne suis pas dupe, mais ça me fait rire.

Sur la mer le ciel devient rose, l’air est doux.

Nice, ce soir, je t’aime.

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Commentaires

C'est fou comme le regard d'une personne ne résidant pas habituellement dans sa ville nous fait percevoir notre quotidien d'une manière différente. Nice est une ville dont le paradoxe fait que l'on s'y sent plus heureux en visite qu'en l'habitant. Certes, le vieux nice et la promenade des anglais offrent un spectacle réjouissant mais au quotidien, cette ville m'oppresse car elle a tendance à se compartimenter. De plus certains quartiers à l'est sont très délaissés par la municipalité actuelle qui a d'ailleurs tout fait pour les écarter du trajet du futur tamway. Nice devient peu à peu une ville où le centre-ville est privilégié par rapport à sa périphérie. Rien de banal me diriez-vous si ce n'est qu'en ce qui me concerne, je m'y sens en sursis.

Ecrit par : mohamed | 16.10.2006

@ Mohamed

Je suis entièrement d'accord avec toi. J'aime surtout Nice depuis que je vis à Bologne! Il est vrai aussi que j'y retrouve mes enfants, jeunes adultes qui ne m'ont pas suivie en Italie.
Nice, je la connais bien, peut effectivement être, au quotidien, une ville oppressante, marquée politiquement vers l'extrême droite, cloisonnée, méprisante de sa périphérie.
Mais elle est belle, lumineuse.
Bologne aussi est belle, mais sombre, brouillardeuse, froide, c'est une ville du nord, Nice une ville du sud.
Nous reviendrons vivre à Nice, plus tard, quelques mois par an, entre deux voyages.
Je pense que c'est une ville où je pourrai vieillir, me réchauffant au soleil, flânant sur la Promenade.
bonne journée Mohamed, peut être aurons-nous le plaisir de nous rencontrer lors d'un wekend niçois.

Ecrit par : céleste | 16.10.2006

Ma chère Céleste,
C'est vrai.
Personne -ou peu- prend le temps de se regarder, de rêver, de flâner. C'est fou ce qu'on peut voir d'une terrasse de bistrot.
J'aime aussi ces moments où mes yeux s'arrêtent sur les autres.
J'ai bcp écrit de cette manière. Surtout lorsque j'étais "nouvelliste" pour un magazine féminin.
C'est surprenant ce que mon regard sur les autres a pu m'inspirer d'idées de nouvelles.
Hier, c'était l'été indien aussi ici.
Les fenêtres ouvertes laissent entrer le soleil. Mes rosiers sont encore en fleurs. Mon fils a dit vers 12h30 :"Hum ! Ca sent la tarte aux pommes. J'adore." Il est retourné en chantant dans sa chambre.
Mon mari arrose les plantes. Le yuca et l'hisbicus qu'il soigne car il sait que j'y tiens beaucoup.
J'ai pensé à ce moment-là. "C'est ça être heureux."
Préparer avec tendresse le déjeuner dominical pour partager ensuite avec ceux que l'on aime.
Faire de ce repas du dimanche un instant de joie, de bonheur.
Dans chaque lamelle de pomme, je glisse une pointe d'amour, une autre de reconnaissance pour tout cet amour que je reçois chaque jour.
Je termine en saupoudrant de cannelle.
Tu sais, c'est la Madeleine de Proust.
Des odeurs, des mets que l'on garde au fond de soi comme une marque du temps qui passe, ou qui est passé.
Si ça n'est pas de l'amour. Ca y ressemble drôlement.

Merci pour la balade niçoise.

Ecrit par : corinne | 16.10.2006

elle est belle la dame !
il faudrait que j'aille à Nice - je n'en ai que des souvenirs très anciens et c'était pour moi une ville de généraux en retaite, et des petites rivalités feutrées de leurs femmes, selon qu'elle étaient des épouses de toute une vie et "de leur milieu" ou des gouvernantes épousées sur le tard. Vision un peu décalée
des bridges auxquels je jouais en lisant un polar.
Si un joli souvenir de l'arrière d'une camionette 2cv litérallement bourrée d'oeillets de même couleur que les façades

Ecrit par : brigetoun | 16.10.2006

@Corinne,
quel joli com!

comme c'est bien de s'arrêter, de laisser le temps suspendu et de penser:"C'est ça être heureux!"
comme il ne faut jamais oublier de dire aux autres qu'on les aime, il ne faut jamais non plus oublier de prendre conscience du bonheur!

Ecrit par : céleste | 16.10.2006

@ Brigetoun
Avignon - Nice c'est vite fait!

Nice s'est "démocratisée", moins d'aristos, plus de prolos!
Le temps ou l'empereur de toutes les russies y avait son domaine est loin, il reste seulement l'église russe, superbe, où mon ex mari s'est marié deux fois, (ce que permet la religion orthodoxe) mais jamais avec moi, qui ai refusé.

Ecrit par : céleste | 16.10.2006

Ton article nous réconcilie avec Nice. Pour nous tarnais, l'évocation de son nom reste synonyme de la ville idéale où il fait bon vivre, au soleil, au bord de la mer.... Depuis quelques temps, de "vrais niçois" viennent passer leurs vacances ici et nous décrivent la ville comme "invivable, insécure, où l'on ne peut circuler en été...." etc...
D'autre part j'aime beaucoup la dernière photo, elle est à l'image de ta description, tu as l'air contente d'être là. Tu es bien.

Ecrit par : tanette | 16.10.2006

Mais vous êtes très mignonne les cheveux au vent, mam'zelle Céleste :-))
Merci pour ces moments partagés.

Ecrit par : phil | 16.10.2006

@tanette
ce que disent tes amis est certainement vrai, Mohamed, qui y vit, (voir plus haut) dit un peu la même chose.
l'été on ne peut effectivement pas circuler.
il n'empêche que c'est une belle ville, lumineuse, aérée
difficile quand on est dans un circuit travail, enfants, stress, mais belle à vivre si on a le temps
avoir le temps: le vrai luxe, merci pour la photo et à toi auusi @phil
bisous à vous deux
et aux autres aussi!

Ecrit par : céleste | 16.10.2006

oui je m'en veux, mais il y avait incompatibilité totale entre ma grand-mère et moi (pas avec lui) - depuis j'ai connu des niçois délicieux et fous de leur ville - mais je pense que le vrai Nice n'a rien à voir avec Cimiez

Ecrit par : brigetoun | 16.10.2006

@ Brigetoun
rien à voir en effet!
Cimiez est un quartier magnifique du point de vue des constructions mais c'est un ghetto de riches, bien à l'abri derrière leurs grilles, leurs portes blindées et leurs alarmes.
Nice, c'est le quartier du port, le vieux Nice, bien que très touristique, le quartien des musiciens, Nice nord
ça devait être très bien l'arrière de la camionette....tu nous racontes?

Ecrit par : céleste | 16.10.2006

Je suis décidément trop vieux
Metz est la limite supérieure que je supporte pour une ville
de n'importe quel endroit on se trouve pas loin de la sortie et d'un coin de verdure.

Sinon, je crois toucher un peu ce qui te fait aimer ce morceau attaché à la mer (à moins que ce ne soit le contraire)

J'espère ne pas finir "mis en trop" (sourire)²

Ecrit par : le bateleur | 16.10.2006

@le bateleur
j'aime la mer

Ecrit par : céleste | 16.10.2006

comme partout en France, les villes ont leurs quartiers, les villes ont leur population qui viellie et que l'on délaisse (canicule 2003 ?), les villes ont aussi leur patrimoine historique et leur avenir iminent, c'est à dire la jeunesse...
Bon allez, j'arrête, quand dit, en si peu de temps des banalités les plus évidentes, je me retire donc, de la scène virtuelle...

@ la photographe: la deuxième photo: quelle perspective: bravo !

Ecrit par : elodietoug | 17.10.2006

Céleste,
J'oubliais pour toi qui réside en Emilie Romagne.
Nice est la ville où se découvre le plus beau musée de Matisse.
C'était le peintre préféré de ma fille.
Tu crois au hasard ?
Emilie -Romagne-, Matisse, toi et moi...
Et l'Inde qui m'a fait comprendre tellement de choses qu'on ne me disait pas sur le deuil et la mort.
A bientôt.
Corinne

Ecrit par : corinne | 17.10.2006

@Corinne
le musée Matisse de Nice, je le connais par coeur, j'y ai emmené mes enfants, mes élèves...

le hasard?
en partie il existe, en partie on crée soi même ses conditions
il faut aussi savoir reconnaître et apprécier ce qu'il nous apporte...

bonne journée Corinnette

quand j'étais petite on m'appelait Claudinette, c'est pour cela que mon e mail est "claudinet"

Ecrit par : céleste | 17.10.2006

Céleste,
Pour les intimes, je suis Coco.
C'est mon grand-père maternel qui m'avait trouvé ce surnom.
Il demeure avec les années.

Ecrit par : corinne | 17.10.2006

Céleste,
Alors tu aimerais mon bureau -privé-.
Ce lieu est sacré.
Il va entre passé et présent.
C'est là que j'écris pour les autres et pour moi.
Les toiles de Matisse y ont une belle place.
Ce sont les repro que Emilie aimait.
Sa première acquisition fut "Les poissons rouges".
La deuxième, "Intérieur à la fillette".
Les autres, je les ai achetées parce qu'on s'était dit qu'elles recouvriraient les murs du couloir de l'entrée dans la maison à la campagne.
Emilie n'a pas eu le temps de les acheter avec moi.
Je n'ai plus de maison à la campagne.
Trop dur d'y vivre.
Mais les repro sont là. Sur les murs du salon.
"Les capucines à "la danse" ".
"Le paravent mauresque".
Le paravent représente deux amies en train de converser.
Imaginons qu'elles sont : Céleste et Corinne.

Ecrit par : corinne | 17.10.2006

Quelle joli promenade je viens de faire grâce à ton article. Je ne connais pas Nice, du moins je n'en connais que les clichés touristiques ou faits divers.
Cette manière de croquer tous ces petits riens donne envie d'en voir davantage.
Merci Mademoiselle.

Ecrit par : Dom | 19.10.2006

Les commentaires sont fermés.

 
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