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16.11.2006

Krishna, un dieu humain.

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Comme vous l’avez sans aucun doute compris au fil de mes écrits, je suis athée et la croyance en un, ou plusieurs dieux, m’est totalement étrangère.Néanmoins, j’ai de l’affection pour certains dieux du panthéon hindou, car ce qu’ils  démontrent de profondément humain, me touche.

L’hindouisme n’est pas à proprement parler une religion polythéiste, dans la mesure ou les diverses divinités et avatars adorés par les hindous sont considérés comme différentes formes de l’Un, le dieu suprême, Brahman.Les différentes formes adoptées par Brahman, sont les seules accessibles aux humains, qui peuvent, à leur gré, s’identifier aux uns ou aux autres. Il est par contre des aspects de l’hindouisme, comme le système des castes, qui me sont insupportables. Mais il suffit de regarder la société occidentale pour constater, avec tristesse, que même si le mot « caste » n’est pas utilisé, les divisions sont bien réelles et les possibilités de passer d’un groupe social à un autre, très limitées.Donc un système de caste, hypocrite, qui ne dit pas son nom, mais qui se porte très bien, merci, et même de mieux en mieux, les inégalités allant en s’aggravant.Revenons à l’hindouisme, dans le panthéon de ses dieux, j’ai un préféré : Krishna, le dieu de l’amour, et pas seulement l’amour éthéré, non l’amour charnel, orgasmique, joyeux, qui glorifie la chair et ses plaisirs.
Il y a fort longtemps, le roi Kansa, régnait sur Mathura. Pire qu’un despote, ce roi cannibale et d’essence semi divine, semait la terreur dans son royaume. Horrifiés par ses continuelles  exactions, les dieux, Brahma en tête se rendirent en délégation chez Vishnou pour lui demander d’intervenir. Conscient de l’étendue du problème, Vishnou conçut alors un plan très élaboré.

Ayant prêté une oreille complaisante à une voix venue d’ailleurs, (d’aucuns diraient « céleste »), qui lui prédisait funestement que le fil de sa vie serait tranché par le huitième enfant de sa sœur Devaki et de son époux Varudesa, le curry monta au nez de Kamsa qui ordonna au couple de lui remettre dès la naissance les futurs fruits de leurs ébats nuptiaux.
Les six premiers nouveaux nés furent donc livrés sans hésitation au tyran qui les élimina prestement.
A la naissance du septième, le couple, qui désormais n’était plus si jeune, ne supportant plus ces sacrifices et ignorant probablement l’art de la contraception, décida de passer outre l’injonction fraternelle et de confier l’enfant à une autre épouse de Vasudeva.
Il était temps pour Vishnou de passer à l’acte. Il s’introduisit secrètement dans l’utérus de Devaki et y laissa sa semence, puis il fit de même dans l’utérus de Yasoda, une jeune gopi  (vachère). Puis il fit en sorte que les deux femmes accouchent ensemble dans l’obscurité d’une chambre et opéra une rapide substitution, le garçon que mit au monde Devaki fut glissé entre les jambes de la vachère, tandis que la fillette de Yasoda prenait place entre celles de la princesse.

Le garçon devint donc le fils de Yasoda et on le nomma Krishna, terme sanskrit signifiant bleu, ce qui explique qu’il ait, généralement, été représenté de cette couleur.

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La fillette considérée nièce de Kamsa, fut remise au tyran qui l’élimina sur le champ, mais, avant de disparaître, la petite déesse, fille de Vishnou ne l’oublions pas, probablement furieuse de tout ce va et vient inutile, glissa dans l’oreille du roi « Fais gaffe à toi, ton meurtrier vient de naître ! »
Ivre de rage, le roi fou ordonna la destruction de tous les nouveaux nés de la contrée, mais, comme dans toute bonne légende religieuse qui se respecte un seul y échappa : Krishna.

L’enfant grandit à la campagne où sa force, sa vigueur et sa beauté valurent bientôt d’être admiré de tous, et surtout de toutes.
Lorsqu’il sortait sa flûte, les donzelles se pâmaient.
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S’avisant de l’étendue de son succès et des nombreux avantages charnels qu’il pouvait en tirer il utilisa alors sans vergogne son art de la flûte pour pratiquer celui d’une autre qui, bien qu’enchantée, n’avait rien de musical.
Farceur et jamais repus par les délices de la chair, par un bel après-midi d’été, il cacha les vêtements d’un groupe de jeunes vachères qui se baignaient nues dans un étang. Suite à quoi il grimpa dans un arbre et obligea les jeunes filles à venir le supplier, dans le plus simple appareil.
Une autre fois, comme en témoignent divers tableaux, dont un se trouve dans un musée de Kochi, il réussit à satisfaire de concert et à lui tout seul, huit jeunes gopis avides qui, charmées par le doux chant de sa flûte, s’étaient jetées sur lui.
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Parmi ces jeunes femmes, une eut sa préférence, la belle Radha, qui bien que mariée céda a ses charmes. De leur union naquit l’intellectuel universel, conscience de Krishna.

Lorsqu’il ne lutinait pas les gopis, Krishna menait de nombreuses batailles, contre les dieux indo-européens tout d’abord, en persuadant les vachers de renoncer Indra, le dieu de la pluie, mais de vénérer les vaches. Les bovins indiens, qui jouissent encore aujourd’hui d’un total et respect et de maintes attentions de la part de hindous, lui en sont, soyons en sûrs,  éternellement reconnaissants.
Il détrôna ensuite le cruel Ramsa, libérant ses sujets de son despotisme.

Puis il parvint à convaincre Arjun, le beau prince pandava qui avait des penchants pour le pacifisme, de prendre part à la fameuse bataille de Kurukshetra évoquée dans le Mahâbhârata.
Il conduisit lui-même le char du héros et lui enseigna les bases du karma yoga (le yoga de l’action).
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Enfin, chose étrange pour un dieu du panthéon indien, il mourut, bêtement, atteint par la flèche d’un chasseur qui le prit pour un daim et qui se ficha dans son talon, seul endroit vulnérable de sa personne.
Chose encore plus étrange il resta sans sépulture, et la légende raconte que l’océan sortit de son lit pour inonder la forêt où reposait son corps.

Les spécialistes de l’hindouisme situent la naissance de Krishna bien avant celle de Bouddha car il est mentionné dans des écritures prébouddhiques notamment dans la Chandogya-Upanishad.
C'est-à-dire vers le  9ème siècle avant J.C.

Krishna est un dieu humain, imparfait, séducteur, joueur et son histoire rappelle en bien des points d’autres mythes religieux ou épiques, Hérode faisant massacrer les bébés, l’enfant conçu directement par l’être divin dans le ventre d’une mortelle, le héros au talon fragile.

C’est en cela qu’il me plaît, il est universel, il ne condamne ni ne juge, ne réclame pas l’obéissance aveugle.
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Il est un Dieu parmi les autres.

Ou un humain parmi les autres, suivant ce que l’on en pense.

 

En cette époque troublée, où monte la haine monte, où grandit l'intolérance, où les contempteurs de la chair et les obscurantistes grondent leur rage à dominer le monde, à contraindre, à étouffer la liberté, les libertés, regardons ce qui nous rassemble, nous les humains, au lieu de focaliser sur sur ce qui nous différencie.

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Pour raconter l'histoire Khrisna je me suis inspirée de diverses sources, j'ai retenu ce qui me paraissait le meilleur, mais d'autres versions sont possibles.

Commentaires

Très belle histoire et joliment contée, Céleste.

On peut ajouter que Krishna est couramment considéré comme un avatar de Vishnou, c'est-à-dire comme l'une des nombreuses formes sous lesquelles ce dieu se présente ou "intervient".

Dans la Baghavad Gîta, l'un des textes centraux de l'hindouisme, Krishna est le conducteur du char du prince Arjuna, qu'il conduit à la bataille en répondant à ses questions et en l'instruisant, en effet.

Et rappeler que Vishnou est, des trois principaux dieux du panthéon Hindou, le "conservateur", celui qui maintient le monde en état, (il y a également bien sûr Brahma le créateur et Shiva le destructeur).

Et tu fais fort bien de rappeler dès le début de ton billet que tous ces dieux sont considérés, d'un côté, comme ayant une existence propre, et d'un autre côté, comme représentation d'aspects de la divinité unique, le Brahman. (Ce qui n'est pas contradictoire d'un point de vue oriental).

Et, dans la philosophie non-dualiste (Advaïta) "L'atman est le Brahman", autrement dit l'âme de chacun n'est autre que la Divinité dans son entier (et non pas une fraction de celle-ci, le non-deux ne se divise pas autrement que dans la manifestation), autrement dit chacun, et la Divinité (le Brahman) sont non-deux.

Ce qui se résume par la formule "Tat Twam Asi" : Tu es Cela.

Tu vois qu'il n'est nul besoin de croire à aucun dieu qui soit "extérieur" ; absolument rien ni personne n'est "extérieur" ni "autre".

Amicalement.

Ecrit par : Swâmi Petaramesh | 16.11.2006

@Swami

merci de ton com et de tes précisions.
il y a tellement de textes et de versions différentes que j'ai mis un temps infini à trier, pour écrire ce que je voulais.
J'ai donc éliminé un certain nombre d'éléments.

Merci aussi d'achever mon texte en le concluant par "Tat Twam Asi": Tu es Cela.

Bravo pour ta connaissance de l'hindouisme, je suis encore en phase de recherche, celle que je préfère.

Amitiés.

Ecrit par : céleste | 16.11.2006

Krishna, une bien belle histoire sans doute ...
Un réel risque de fuite aussi ...
Le père de mes enfants est devenu dévot de Krishna, s' est envolé aux temples d' Inde ou du Pakistan depuis 10 ans sans rien assumer de sa famille ... Une bien belle histoire ... sans doute a-t-elle eu un sens pour une civilisation à une période donnée ... Que dire ? le chemin du comprendre et du pardonner s' est effectué en moi mais lorsque la foi devient doctrine et démission, je ne peux que m' insurger et amener l' homme à être debout et penser par lui-même ... Et pourtant, la foi m' habite mais une foi hors dogme et conditionnement ... Une belle histoire sans doute mais là, tout mon être crie " Danger " et " prudence "
Ce vécu en partage de vécu, tout simplement ...

Ecrit par : kaïkan | 16.11.2006

@kaïkan

merci beaucoup de votre témoignage.
parfois "la foi devient doctrine et démission", et j'imagine que vous avez beaucoup souffert.

en fait mon propos est d'aller au delà des religions, je ne suis pas croyante, pour souligner ce que tous les êtres humains ont en commun, la propension au rêve, à l'imagination pour tenter de comprendre qui nous sommes et où nous allons.

à ce titre je trouve très intéressants les rapprochements entre différents mythes, dont certains ont été interprétés par les travaux psychanalytiques.

Je ne partage aucune croyance religieuse, mais je respecte celles qui croient.
Je cherche, je réfléchis, j'essaie de comprendre et étant "amoureuse" de l'Inde, je m'intéresse particulièrement à tout ce qui y a trait.

Ecrit par : céleste | 16.11.2006

@Céleste : Mes connaissances théoriques de l'hindouisme sont bien plus livresques qu'autre chose, et pour reposent beaucoup sur les ouvrages d'Arnaud Desjardins (je ne saurais trop te conseiller les "Chemins de la Sagesse" au cas où tu ne l'aurais pas lu).

Je ne suis pas un grand voyageur, et j'avoue baver d'envie devant des gens qui comme toi ont joint le voyage à la parole ;-)

Mais j'ai par ailleurs une expérience plus "personnelle" et plus intérieure de la non-dualité, disons que cela a constitué pour moi une base explicative et un outil intellectuel excellents pour parvenir à la compréhension de choses dont j'avais depuis fort longtemps une expérience intuitive plus ou moins prononcée selon les circonstances et les époques de ma vie. La non-dualité a complété les immenses lacunes d'un travail et d'une évolution personnels, avec lesquels elle cadrait parfaitement et qu'elle venait éclairer.

Par ailleurs, cela m'a réconcilié (en un sens) avec le mot "religion" et le concept de "divinité", moi qui étais un indécrottable athée bouffeur de curés ;-) ce qui par ailleurs ne cadrait pas avec le vécu d'une "autre partie de moi", si l'on veut ;-)

@Kaïkan : La secte "Hare Krishna" est en effet une des nombreuses sectes issues ou inspirées de l'hindouisme, qui pratique le "Bhaktî Yoga" ou Yoga de la dévotion, essentiellement basé sur les prières et rituels et la soumission au gourou et à l'enseignement de la secte. Selon leur croyances, le simple fait de prononcer les noms de Krishna et Rama (autre avatar de Vishnou) suffit à obtenir la délivrance (Moksha) à la fin de cette vie.
Cette méthode ne me correspondrait personnellement pas trop ;-)

Après, quand tu parles de "repsonsabilité", d'"assumer" et de "fuite", je comprends bien ce que tu veux dire, mais les démarches spirituelles (authentiques ou fausses d'ailleurs) riment bien souvent avec départ et rupture avec ce qui était la vie d'avant. Le "saddhu" est un solitaire qui a, en effet, abandonné toute responsabilité ou devoir social ou familial. C'est ainsi. Et c'est sûrement très dur à vivre pour ceux qui sont laissés derrière, ou que mène ou ne mène pas le chemin de celui qui est parti...

Bon courage :-)

Ecrit par : Swâmi Petaramesh | 16.11.2006

J'aime tout autant ta version que d'autres que j'ai lues. Je vais devenir une de tes fans, céleste

Ecrit par : irene | 16.11.2006

Quelle histoire passionnante ! Merci de l'avoir si bien contée, et ainsi fait partager une source de connaissance, d'apprentissage et de tolérance.

Ecrit par : Otir | 17.11.2006

Dame Céleste, me suis assise, yeux et oreilles grandes ouverts, et j'ai bu le conte ou l'histoire du dieu bleu et mortel. Me plait bien sauf peut-être le côté guerrier. Ce pauvre Indra ! quoique je peux te dire que par chez nous il survit allègrement aujurd'hui

Ecrit par : brigetoun | 17.11.2006

Joliment brossé, ce tableau du huitième avatara de Vishnu (juste avant le Bouddha) et interlocuteur privilégié d’Arjun dans la Bhagavad Gita, sixième chapitre (et le plus philosophique) de la Mahabharata (Grande Inde).
Dans cette Inde que tu dépeins si bien, il est souvent dit que pour bien investiguer les niveaux de la conscience il faut s’aider de deux textes: les Yoga sutra de Patanjali et … la Gita. Dans ce dernier, Krishna apprend notamment ceci à Arjun (en 7.3) :
« Sur des milliers d’hommes, un seul peut-être recherche la perfection. Et parmi tous ceux qui la recherchent, voire la trouvent, c’est dans la même faible proportion que l’on me Trouve, Moi, Krishna. »
J’aime beaucoup ce texte qu’il me suffit de recopier car il est punaisé sur le mur à ma gauche. Je le vois comme un sujet de méditation sur l’inaccessible dont Krishna est (entre autres) la métaphore.
Amitiés,
Marc

Ecrit par : Marc | 17.11.2006

maintenant je lis les histoires de celeste le soir avant d'aller dormir

j'adore celle-ci, forcément....parce qu'elle invite au reve

merci celeste...

Ecrit par : lesyeux | 17.11.2006

merci à tous de vos coms et des précisions que vous apportez.

la citation que nous donne Marc est vraiment très belle, à méditer :-)

Il y a encore beaucoip d'autres aspects de Krishna que je n'ai pas développés, particulièrement en ce qui concerne les travestis...ce sera pour une autre fois

Ecrit par : céleste | 17.11.2006

Bonne nuit, Céleste.

Ecrit par : corinne | 17.11.2006

et oui L'inde est un vrai creuset "spirituel" :superbe récit !! Céleste :quand est ce que tu pars en vacances là bas ? bizzzzz

Ecrit par : joline-103 idées | 18.11.2006

mais pour parfaire sa recherche Swami Petaramesh devrait se pencher sur les autres traditions religieuses ou philosophiques incluant du transcendant - et il y trouverait des pépites et de la sagesse. Le cerveau humain est capable de belles choses et les théologiens sont des gens charmants et passionnants. Mais ils délèguent aux prètres, clercs, hiérarchie le soin d'organiser le peuple des fidèles en lui donnant les notions qu'ils jugent utiles, et d'instituer et codifier une morale.
Bon chez moi ce fut simple curiosité intélectuelle, et des années de plomberie et de loyers ont un rien durci les rouages de mon entendement

Ecrit par : brigetoun | 18.11.2006

Merci. J'aime beaucoup les légendes indiennes.

Ecrit par : enriqueta | 20.11.2006

@Joline

cet été sûr, à noël, j'ai bien peur que non...

@brigetoun, entièrement d'accord, grosse différence entre les théologiens, curieux de tout et les écclésisatiques

@enriqueta
bienvenue sur ce blog!

Ecrit par : céleste | 21.11.2006

Le totalement inculte en mythologie hindou que je suis te remercie pour ce superbe texte... Magnifique. (c'est tout rien à rajouter je m'en retourne dans mon froid).

Ecrit par : falconhill | 21.11.2006

Idem que Falconhill. Très beau texte. Merci

Ecrit par : tanette | 21.11.2006

Les commentaires sont fermés.

 
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