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30.06.2007

Chennai, enfin !

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Les passagers de l’avion qui nous mène de Francfort à Chennai sont tous des immigrés, de première ou deuxième génération, qui retournent au pays pour les vacances. Beaucoup sont Français, ex Pondichériens. Leur joie de retrouver leurs familles, leur terre, leurs racines est tangible. Elle se manifeste par des rires, des sourires complices.
Je me dis, en les observant du coin de l’œil, que les occidentaux qui réclament à grands cris les restrictions des voyages aériens pour cause de pollution ont raison et tort à la fois.
Raison car il est évident que les émissions de gaz polluants générées par les avions sont terriblement destructrices pour la planète.
medium_plan01.jpgTort, car les riches, les affairistes, qui prennent l’avion comme moi le bus, continueront à voyager, même si les prix augmentent. Ils garderont ce privilège, celui d’aller et venir pour brasser de l’argent, pour contrôler, pour diriger, pour s’amuser. Et devinez qui ne pourra plus, une fois par an (ou une fois tous les deux ou trois ans) rendre visite à sa famille lointaine…
Sans parler des pauvres clampins comme nous qui, alors que les riches tournoieront au-dessus de leurs têtes, n’auront, malgré des mois de travail et d’économie, d’autres alternatives que le camping à Palavas ou le gite rural sans eau ni électricité sur les plateaux auvergnats, fort beaux au demeurant.
Ici encore, si nous n’y veillons pas l’injustice frappera.
Pour ma part je préconise d’attribuer à chaque habitant de la planète un quota égal d’heures de vol.
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A l’aéroport, dans la chaleur odorante – savant mélange de fragances d'aliments en voie de décomposition, d’encens, de matières fécales, de jasmin et de curry- dans la confusion colorée de l’Inde retrouvée, ô merveille, Peter et Flora sont venus nous chercher.
Peter, vous vous souvenez, l’ange de Pondy, rencontré par hasard à Paris en avril. Le projet de documentaire au Rajasthan, dans une tribu de Meena (une ethnie d’intouchables) prend forme.
Nous nous retrouverons vers le 10 juillet pour le mener à bien.
En attendant, nous irons au Kerala rejoindre Sini qui est en vacances chez ses parents.

A l’hôtel New Woodlands de Chennai rien n’a changé. J’en profite pour préciser que si nous aimons voyager, nous apprécions aussi beaucoup retourner dans des endroits connus. Cela crée comme une continuité, comme une impression de familiarité.
Le New Woodlands est composé de pavillons, plus ou moins importants, divisés en chambres plus ou moins confortables. J’aime son charme fané, ses peintures défraichies et son innombrable personnel.
Innombrable, vraiment : une multitude de serveurs en chemises à carreaux, de porteurs, de gardes en tenue kaki qui sommeillent devant les pavillons.
Dans la gestion néolibérale des entreprises, et du type de société que veut nous infliger le nouveau président hexagonal, on économise sur le nombre d’employés et, tout en culpabilisant les exclus, on presse sans pitié l’énergie de ceux qui ont la « chance » de travailler.
Ce n’est apparemment pas la stratégie du New Woodlands. Ici des centaines d’employés travaillent peu (même s’ils font beaucoup d’heures) pour gagner peu, dans la bonne humeur.
Espérons qu’une grande chaine hôtelière internationale n’aura pas la sombre idée de faire mains basse sur cet havre chaotique et coloré dont la spécialité est la cérémonie de mariage.
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Au Spencer, grand centre commercial situé sur l’Anna Salai (la rue principale de Chennai) nous passons saluer Wassim, le Cachemiri, dans sa boutique d’artisanat. C’est à lui que nous fîmes, en Aout 2006, notre dernière visite avant le départ.
Il nous accueille à bras ouverts et ça fait du bien.
Nous avions déjà envisagé d’aller au Cachemire avec lui, mais, cette année, nous ne sommes pas arrivés à nous organiser.
Par contre, ce sera possible en 2008. Il nous décrit les merveilles de ses montagnes natales, nous montre des photos de la rivière qui coule au pied de la maison de ses parents.
« Here, it’s hell ! » (Ici, c’est l’enfer) nous dit-il.
Nous prenons rendez-vous fin aout pour organiser le voyage.
Dans le dédale du Spencer, un couple attire mon attention. Leur maigreur trahit la modestie de leur condition, elle porte un beau sari jaune et une guirlande de jasmin orne sa chevelure nattée, il est vêtu d’une chemise et d’un pantalon élimés mais propres et soigneusement repassés, ses cheveux légèrement grisonnants sont bien disciplinés et il est rasé de frais.
A les voir regarder de tous côtés avec curiosité et amusement je me dis que c’est probablement la première fois qu’ils pénètrent dans un lieu du consumérisme moderne. Ils se risquent sur l’escalator, elle serre en riant la main de son mari et, à l’arrivée, lève haut la jambe pour retrouver la terre ferme. Puis ils hésitent un instant devant l’ascenseur, continuent vers l’escalier, le descendent et hop, reprennent en riant l’escalator !
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Ce soir la pluie tombe sur la ville, glissant sur les feuilles vernissées des palmiers, lavant les trottoirs et les rues poussiéreuses, tambourinant sur les toits de tôles et de tuiles, apportant un tout petit peu de fraîcheur à l’air surchauffé.

27.06.2007

Je pars



Voilà, après 3 jours de folie, ma valise est bouclée, mon passeport est dans mon sac, demain, à l’aube, nous nous envolerons vers l’Inde.

Mais Célestissima continue, la chronique indienne recommence.

Il y a un an j’écrivais : « Dans quelques jours je m’assiérai sur l’immense plage de Chennai, je laisserai le sable filer entre mes doigts, doucement et tendrement Fabio filmera  les innombrables personnes qui vaqueront au bord des flots. Les femmes regarderont du coin de l’œil cette étrangère blanche et presque blonde, vêtue à l’indienne et dont l’écharpe indisciplinée se refuse à rester en bonne place sur les épaules. Elles souriront en voyant mes bracelets colorés, mes « anklet » tintinnabulantes et mes bijoux indiens. Alors elles demanderont à leurs  enfants de s’approcher de moi, d’un sourire je les inviterai à me parler et ils me diront : « Where do you come frrrom ? » et « What’s yourrr name ? » je leur répondrai et les mamans rassurées se tourneront vers moi. Après nous discuterons un peu de la France, de l’Italie ou de l’Inde, de leurs enfants et des miens, et je prendrai alors à nouveau conscience de cette humanité que j’aime tant et dont, comme tous, je suis à la fois une infime partie et le centre.
Et ce sera bien. »

Aujourd’hui c’est pareil.

Deux excellents textes chez Le Yéti, (ici et ) et un autre tout aussi beau chez le Monolecte, m’ont beaucoup donné à réfléchir pendant que j’empaquetais dans le stress mêlé de joie que me procure ce nouveau départ.

Je voudrais simplement dire que l’Asie m’a rendu le goût des petits plaisirs propres à l’enfance et que parfois je me sens plus étrangère dans le milieu où je vis, au sein de l’occident, que lorsque je flâne dans les campagnes où les villes indiennes.

L’Inde m’a beaucoup appris (et m’apprend encore beaucoup).

J’aime ses couleurs, la sérénité des sourires.

Tiens, un petit plaisir : au Tamil Nadu, chaque matin, les femmes dessinent un kolam à la craie devant leurs portes en l'honneur de la déesse Lakshmi, invitée ainsi à apporter chance et prospérité dans la maison et aussi en signe de bienvenue aux visiteurs, puis elles accrochent un brin de jasmin, comme le souhaitait Tagore, dans leurs chevelures. Pour le plaisir d’en sentir les doux effluves et se sentir belles.

Dans un commentaire sur le site du Yéti Bernard L. a écrit ces jolies phrases :

« Eh bien moi j'aime des tas de choses très différentes (…)

Bref, la vie.
Et que le Yeti nous titille la libido et les souvenirs ; et plus encore, de retrouver tous ces gens de qualité (Swâmi, Céleste, Vieil anar …), que rassemblent peu à peu les blogs de même métal ».

Voilà, je suis fière et heureuse d’appartenir à ces blogs où se dégage une sensibilité, des aspirations communes.

Pendant deux mois, j’écrirais sur Célestissima mais il me sera très difficile de venir en visite sur vos blogs, et encore plus de laisser des commentaires.

Passez toutes et tous un merveilleux été.

Namaste

21.06.2007

Perdere l’amore

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Alberto a écrit un livre et moi je continue la série « promo des copains ».

Alberto et sa famille, les fidèles de Celestissima s’en souviennent peut-être, ont vécu le tsunami avec nous, nigauds contemplatifs qui avons regardé sans broncher l’océan se déchainer devant nous sans avoir l’idée, élémentaire, de fuir à toutes jambes.
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Alberto a écrit sur l’amour, pas l’amour passion, pas l’amour éternel, non l’amour que l’on peut perdre, ou non, ou que l’on a déjà perdu, ou non.
D’ailleurs son recueil de nouvelles s’intitule « Perdere l’amore » (Perdre l’amour).

« Amours nonchalants, douloureux, hâtifs, trahis, frustrés, incompris, mal compris, mercenaires, amour qui cette fois peut-être sera la bonne, et amour de celui (ou celle) qui reste avec l’autre, même s’il ne l’aime plus. Amours difficiles des années 2000, presque une mise à jour sur des thèmes traités il y a des années par Italo Calvino d’une façon similaire, c'est-à-dire par le biais d’un recueil de nouvelles, apparemment indépendantes les unes des autres, mais qu’on lit comme si c’était un roman, impatients et anxieux de découvrir, page après page, comment tout cela va finir : mais il y aura-t-il une fin heureuse pour ces personnages, et au-delà, pour les lecteurs, qui, inévitablement, se reconnaissent ? »
Ecrit Enrico Franceschini en quatrième de couverture du livre.
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Parce qu’il aime regarder ses semblables et qu’il est sensible à leurs émotions Alberto se glisse sans peine dans la peau de ses différents personnages, l’homme âgé aimant toujours son épouse disparue, la femme qui, dans un long monologue, dresse le bilan de la fin d’une longue relation, ou la nonna étendue sur son lit d’hôpital, serrant la main de sa petite fille à qui elle délivre, silencieusement, un ultime message.

Histoires d’amour au quotidien, à la fois banales et exceptionnelles, décortiquées par une plume souvent ironique, une écriture fluide et précise.

Mais pas seulement, Alberto est avocat, spécialisé dans la défense des travailleurs, et dans un appendice qu’il nomme  « légaliste » il applique aux relations amoureuses, d’un ton narquois, les codes cruels du monde du travail.
L’amour à contrat déterminé, l’amour à part time, l’amour précaire.

« Un livre sur tous ces moyens que nous utilisons aujourd’hui, pour chercher l’amour, un livre pour se demander pourquoi il nous est toujours plus difficile de le trouver, et surtout de le garder. (Enrico Franceschini)

Alberto ne tire pas de conclusions, mais par petites touches habiles, dresse un tableau pertinent de la société d’aujourd’hui laissant à chacun la liberté d’en dégager (ou non) le désenchantement.
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Donc hier, à la Festa de l’Unità du quartier de la Bolognina, Massimo (un autre ami avocat écrivain) a remarquablement bien présenté le bouquin d’Alberto, c’était drôle et sérieux à la fois. Mon amie Gianna a pris la parole, elle a souligné le fait que le livre d’un proche (Alberto et elle se connaissent depuis 25 ans) est toujours lu à travers le prisme de l’amitié, mais telle est la force des récits, que, peu à peu, l’image d’Alberto s’efface derrière le talent du conteur.
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Après nous avons dîné tous ensemble dans un resto de toile de la fête. En Italie, et tout le monde le sait, on mange toujours très bien pour très peu dans les feste del Unità.

Et puis, un peu plus loin, un orchestre de sexagénaires jouait pour faire danser d’autres sexa, voire septa, voire, octo…génaires, qui bien alignés levaient joyeusement la jambe en chœur – un pas un avant, deux en arrière, je tourne à droite et hop !- ça c’est typiquement bolognais, même Nanni Moretti en parle dans un ses films « Ah si seulement j’étais à Bologne je pourrais aller danser en groupe ! » (un truc du genre).
Moi je ne connais pas ces danses là, trop organisées pour moi, alors j’ai dansé le mambo toute seule, et puis le twist, et puis après un charmant monsieur m’a entrainée dans un boogie-woogie effréné, et un autre dans un je ne sais pas trop qui m’a fait tourner la tête.

Ce fut une belle soirée, c’est bien d’avoir des amis.
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J’oubliais, les petits veinards qui comprennent l’italien peuvent lire quelques unes des nouvelles d’Alberto et .



17.06.2007

Andrélio

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A Elio
Il braccio bello
La schiena bella
La testa bellissima
Questo essere bellissimo non mi appartiene ma vuole
Vuole stare con me”

A Elio
“Le bras beau
Le dos beau
La tête très belle
Ce très bel être ne m’appartient pas mais veut
Veut être avec moi »

A écrit Andrea dans un recueil de poèmes.
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Desideria elio Talon "Modegal" 2007
L’un écrit, l’autre sculpte.
Je les appelle Andrélio et ils sont nos amis.
De doux et affectueux amis, artistes ludiques, poètes rieurs et amoureux.
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Fiumana Elio Talon "Modegal" 2006
 
Ils vivent ensemble depuis plus de 10 ans, chacun s’employant à rendre plus belle la vie de l’autre.
Parce qu’ils sont conscients d’appartenir à l’humanité et qu’ils en sont profondément solidaires, ils s’activent beaucoup dans les milieux associatifs, auprès des anciens comme auprès des enfants démunis, en réalisant des vidéos ou en montant des spectacles théâtraux.
Van Gogh le disait si bien : "Il n'y a rien de plus réellement artistique que d'aimer les gens."

Il y a quelques années, Elio a été hospitalisé, gravement malade, et tandis qu’il se rongeait les sangs dans un couloir aseptisé en attendant les résultats des analyses, Andrea pensait, avec une infinie tristesse, avec douleur et impuissance, que si la santé de son ami, ou même sa vie, devait tenir à une décision de ses proches, ce ne serait pas lui, son amoureux fidèle, que les médecins consulteraient, mais une famille distante qui ignorait encore la nature de leur relation.

Car en Italie, les « couples de fait » ne sont pas reconnus par la loi et n’ont aucuns droits.
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La timide tentative de quelques ministres de l’actuel gouvernement de mettre en place un mini Pacs a été sauvagement combattue par le Vatican relayé dans la lutte par les partis de droite et de gauche catholiques et conservateurs.

C’est qu’ici on ne badine pas avec la famille !

Mieux vaut l’hypocrisie de l’adultère qu’un divorce car, dixit le Vatican, reconnaitre les droits des couples non mariés revient à détruire la famille et à condamner la société à des maux atroces.

Quant à l’homosexualité, considérée par le pape et ses tristes consorts comme une « anomalie » conduisant au pêché, comparable à la pédophilie et à l’inceste, elle est encore largement stigmatisée.

Nous noterons au passage l’acharnement que met cette bande de vieux puceaux en jupons à se préoccuper de la sexualité, argument qui, en toute logique, ne devrait absolument pas les concerner.
Faut croire que ça les titille quand même !
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Alors, pour toutes ces raisons, hier, un million d’Italiens ont participé à la Gay Pride de Rome.
Ils ont calmement défilé, heureux d’être si nombreux à dire au pape, aux cardinaux, au gouvernement, aux bigots contempteurs de la chair, à tous ceux que l’amour dérange et irrite : « Basta !
Basta à la discrimination, à l’homophobie, à la pesante ingérence du Vatican qui rend l’Italie toujours plus incivile et intolérante. » (Liberazione 17/06/07)

BASTA !
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photos edoneo, la Repubblica

15.06.2007

Anecdote non anodine

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dessin d'Alberico
 

« Mahometo, lo odio ! » (Mahomet, je le déteste !)  S’exclame Camilla en secouant ses boucles brunes, sa jolie frimousse empreinte d’indignation.
Moi, interloquée, et suspendant un instant mes commentaires éclairés sur la frise chronologoique  de son livre d’histoire : « E perché ? » (et pourquoi ?)

Elle, des flammes dans les yeux : « Et les musulmans, je les déteste, tous ! » Pour des raisons de compréhension évidentes je poursuis la transcription de cet édifiant dialogue en français.
Moi, décidée à ne pas lâcher le morceau : « Et pourquoi ?»
Elle, à toute vitesse : « Parce qu’il a dit que les femmes avaient pas le droit de sortir qu’elles devaient mettre un voile et que les hommes devaient les battre, c’est la maitresse qui l’a dit ! »
Moi, finement : « Ahhhh… »
Elle : « Et elle a dit qu’il fallait surtout pas se marier avec un musulman parce qu’après on devient musulmane et on est obligé de rester à la maison et de porter un voile. Moi les musulmans je leur parlerai jamais. »

Poursuivant mon investigation, j’apprends que la maitresse de la classe de quinta (CM2) de l’école publique italienne que fréquente Camilla, a consacré  une partie de l’année à une étude comparée des diverses religions dont le point d’orgue fut, lors de la fête scolaire, une charmante succession de petits sketchs, écrits et interprétés par les élèves. L’objectif, à peine voilé (façon de parler) de l’opération, était de faire apparaitre de façon éclatante (mission accomplie) la suprématie de la chrétienté sur ses concurrentes exotiques et cruelles.

Un seul Dieu, celui des catholiques, un seul maitre à penser et à croire : le pape.

Le pape, le pape, c’est pas le mec qui vient (en autres déclarations toutes plus obscurantistes les unes que les autres) d’exhorter ses ouailles à ne plus soutenir Amnesty International car l’association défend le droit à l’avortement ?

Alors il m’est revenu  en mémoire un joli petit poème que je récitais à l’Ecole primaire :

« La Ronde autour du monde

Si toutes les filles du monde voulaient se donner la main,
tout autour de la mer, elles pourraient faire une ronde.
Si tous les gars du monde voulaient bien être marins,
ils feraient avec leurs barques un joli pont sur l'onde.

Alors on pourrait faire une ronde autour du monde, autour du monde,
si tous les gars du monde voulaient s' donner la main. »

Paul Fort

Malheureusement, j’ai bien peur que ce ne soit pas pour demain…

 

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dessin de Kimberly

10.06.2007

Le tournesol de Sara

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Ma journée a plutôt mal commencé. Flânant sur le web, je suis tombée, via le très bon site rue 89, sur cette longue interview de Claude Bourguignon, un spécialiste de la microbiologie des sols, ingénieur agronome, bref, quelqu’un qui sait de quoi il parle.
Et que nous dit-il ?
« L’humus c’est le mot humanité. Nous avons surtout notre malheur en nous-mêmes. C’est notre civilisation qui est dangereuse car elle porte sa mort en elle. Elle est en train de s’autodétruire en criant un grand cocorico de victoire. La science peut nous tuer car la morale ne suit pas. Nous avons une morale biblique et une technologie du XXIe siècle. Les scientifiques sont devenus les nouveaux prêtres. au XIIe siècle ils étaient moines !! Le commun des mortels est coupé de la culture scientifique, technique et industrielle que manipulent les spécialistes distanciés. Et cela fait très peur. Regardez le pilote d’avion qui dirige sa bombe avec un laser sur des objectifs ! Il fait une guerre propre. La preuve ? Il ne voit pas le résultat de son geste sur son écran T.V. !!! La science occidentale moderne distancie essentiellement les choses. Elle le fait de tout. »

Bref, un tableau glaçant de la situation de l’agriculture dans le monde, qui, même si à la fin de l’article Claude Bourguignon propose des solutions, m’a laissée hébétée, le moral dans les chaussettes.

J’étais occupée à remuer de sombres pensées, que la lecture de certains de mes blogs préférés n’a guère éclaircies, lorsque Sara et sa fille Aurora, 14 mois, des bouclettes blondes et un sourire charmeur, sont passées nous rendre visite.

Elles m’ont offert un tournesol, beau comme un soleil…

« Et la plus grande la plus belle
Celle qui pousse toute droite sur le fumier de la misère
Celle qui se dresse à côté des vieux ressorts rouillés
A côté des vieux chiens mouillés
A côte des vieux matelas éventrés
A côté des baraques de planches où vivent les sous-alimentés
Cette fleur tellement vivante
Toute jaune toute brillante
Celle que les savants appellent Hélianthe
Toi tu l'as appelée soleil
...Soleil... »
Jacques Prévert

Sara et Aurora vivent toutes les deux dans un petit appartement. Pour passer le plus de temps possible avec sa fille, Sara travaille très peu. Ses revenus sont, par conséquence, très faibles. Qu’importe, le bonheur d’être ensemble et qui se lit dans leurs yeux, compense largement quelques inconvénients.
Pas de voiture.
Pas de dépenses inutiles.
Une vie simple.

Et de les voir si sereines, si joyeuses, mon moral est remonté.
Les temps que nous vivons sont effrayants par bien des points, mais ce n’est certainement pas en se lamentant, en se morfondant, en courbant l’échine, comme des agneaux dociles que l’on conduit à l’abattoir, que nous changerons le monde.

Ma non violence m’interdisant d’aller me friter avec les forces de l’ordre pour faire entendre mon mécontentement, il me faut trouver, et appliquer, d’autres moyens d’action.

Résister.
Par la lenteur.
Par la paresse.
Par la sourire, la joie de vivre, la gaieté.

Ne surtout pas obéir au petit homme qui veut que les français s’endettent davantage.
Qui veut que nous soyons des consommateurs effrénés pour faire tourner encore plus fort la machine sur laquelle nous sommes en train de pédaler, comme des zombies.

« Décroisser ».
En toute quiétude.

Prenons un exemple simple :
Le goûter de mon enfance était composé d’une tartine de pain, accompagnée d’un carré de chocolat. Je dévorais la tartine à belles dents, gardant le chocolat pour la fin. Parfois, délice des délices, ma mère beurrait la tartine et la recouvrait de chocolat râpé, et c’était la fête.
Que donne-t-on aujourd’hui comme gouter aux enfants ?
Une pâtisserie industrielle, contenant beaucoup de sucre, beaucoup de graisses, des émulsifiants, des conservateurs, des antioxydants… etc.

La dite pâtisserie, généralement caoutchouteuse et au goût incertain, est présentée dans un étui en cellophane individuel, lui-même rangé dans une boîte en carton, qui elle est enveloppée dans un étui en plastique.

Si l’on considère que cette pâtisserie a, de surcroit, parcouru des centaines de kilomètres, en camion, pour arriver, cabossée par le trajet final effectué au fond un cartable, dans une cour de récréation où elle sera mâchonnée, sans grand plaisir, tandis que ses divers emballages, -indestructibles s’il s’agit de papier d’aluminium - iront augmenter la hauteur de la montagne de déchets que notre civilisation produit allégrement et sans se soucier des lendemains qui risquent d’avoir du mal à chanter, un mot s’impose : GASPILLAGE !


Il y a un an, j’ouvrais Célestissima.
Pour participer.
Pour communiquer.
Mon enthousiasme et ma détermination n’ont pas changé. Au contraire, j’ai fait de belles rencontres, j’ai découvert que nous étions nombreux à aspirer à un autre mode de vie, à vouloir enchanter le monde, au lieu de le subir, et qu’Internet est un extraordinaire outil pour de futures actions.

A toutes et tous, merci, de vos visites (nombreuses ces derniers temps) et de vos coms.

On continue, fin Juin la Chronique indienne recommence.

Merci aussi à 20 minutes qui met régulièrement (comme en ce moment) Célestissima dans sa sélection de blogs.

 

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08.06.2007

G8


Protégés par 17 000 policiers, 1 100 soldats et neuf bâtiments de la marine, encerclés par une clôture de fils de fer barbelé longue de 12 km et haute de 2,50m, accompagnés de leurs 2000 conseillers, gratte-papiers, porte-serviettes et lèche-arrières-trains journalistiques, les « grands de ce monde », qui comme le souligne Adolf Rieckenberg, un des responsables d'Attac, s'arrogent le droit de régler les problèmes du monde » alors qu’ils ne représentent que « 13 % de la population mondiale », ont, confrontés à la situation désastreuse de la planète, finalement, et malheureusement sans surprise, pondu une mesurette. Le communiqué officiel rapporte que : «les émissions (de CO2) doivent cesser d'augmenter et ensuite être réduites de façon substantielle».
Mais, l’objectif chiffré est seulement «envisagé» : «Nous nous sommes mis d'accord aujourd'hui, en incluant tous les principaux émetteurs (de gaz à effet de serre), pour envisager sérieusement les décisions prises par l'Union européenne, le Canada et le Japon qui prévoient une réduction d'au moins de moitié des émissions globales (de gaz à effet de serre) d'ici 2050».
Et, alors que les décideurs s’auto congratulent de cet accord minimal, Greenpeace parle au contraire «d’occasion historique ratée», même si  «Le seul élément positif, c’est la reconnaissance que les Nations Unies restent le cadre pertinent pour les négociations».

Bref, la montagne a une fois de plus et à grand frais (100 millions d’euros) accouché d’une souris.

Au-delà de ce piètre résultat, au-delà du lamentable peu d’attention que ces pontes méprisants ont accordé aux miséreux du monde entier, comment ne pas être choqué pas cette réunion prétentieuse et clinquante, par ce déballage indécent de richesses et d’autosatisfaction ?

Comment ces gens, qui doivent leur pouvoir aux peuples qui les ont ELUS, peuvent-ils se permettre tant de morgue et de suffisance ?
Pourquoi doivent-ils être protégés, à ce point, par une débauche de policiers, de gardes, de fils de fer barbelés ?
Ne sont-ils pas nos représentants ?
Ne sont-ils pas des hommes et des femmes au service de leurs peuples ?

Parce que, vu comme ça, on aurait plutôt l’impression du contraire.

Cet ordre nouveau, que Jean Ziegler, qui a ouvert le contre sommet,  nomme « L’empire de la honte », cet « ordre meurtrier du monde - qui tue de faim et d'épidémie 100 000 personnes par jour », alors que « l'agriculture mondiale, dans l'état actuel de sa productivité, pourrait nourrir le double de l'humanité d'aujourd'hui », nous toise, nous manipule, nous empoisonne jour après pour  le seul bénéfice du capital dont il est le valet soumis, le flagorneur éhonté.
«  Il n'existe donc aucune fatalité: la faim est faite de main d'homme. » (Jean Ziegler).

Mais soyons optimistes, les consciences se réveillent, ils étaient des milliers à manifester à Rostock ces derniers jours, bientôt, nous serons des millions.


Juste pour rire, avez-vous vu cette photo du premier jour ?

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Photo 20 minutes


Tous ces dirigeants contents d’eux et souriants, imbus de leur grandeur et de leur pouvoir, joyeux et tous bien alignés.
Tous ? Pas tout à fait, les deux petits nouveaux de la bande, le père et la mère Sarkubu, semblent ne pas encore avoir trouvé leur place.

Que se disent-ils ?

Lui : p’tain Cécilia, tu te bouges ! Viens à côté de moi, tout de suite !
Elle : nan, j’ai pas envie ! Je m’en tape de ton congrès, tu crois quand même pas que je vais rester deux jours avec ces grognasses coincées, t'as vu l'anglaise, on dirait un marshmallow! Demain je me casse….


C’est ma suggestion, maintenant, place aux vôtres :












03.06.2007

Considérations dominicales



Il ne se passe pas un jour sans que l’actualité apporte son lot de nouvelles inquiétantes, déprimantes, choquantes, que dis-je, effrayantes.

Petite revue:

Les Etats-Unis se préparent à installer un bouclier anti missiles en Pologne. Pour comprendre les véritables enjeux de cette manœuvre, pour le moins préoccupante, un petit clic pour lire ce qu’en pense Noam Chomsky, qui conclut ainsi son article :

« Il y a plus d’un demi siècle, Bertrand Russell et Albert Einstein lancèrent un appel aux peuples du monde pour qu’ils prennent conscience du fait que nous nous trouvons face à un choix « net, terrible et inévitable ». Devons-nous mettre fin à la race humaine, ou bien l’humanité est-elle disposée à renoncer à la guerre ? ».
Accepter le dit « système de défense anti-missiles » fait place au choix de la fin de la race humaine dans un avenir pas très lointain ».

D’un autre côté, si la race humaine disparaît de la surface de la planète, les autres espèces vivantes -  si toutefois dans sa folie meurtrière l’homme n’a pas anéanti toute forme de vie -  pourront tranquillement recommencer à s’épanouir en attendant un nouveau prédateur.

Dans un délicieux petit texte intitulé « Les enfants sont des cons » Desproges écrivait :
« A la fin, il y a deux camps, et le chef du premier camp dit à l’autre : «  La concentration de missiles anti-missiles sur votre territoire nous contraint à renforcer notre sécurité en construisant de nouveaux missiles anti-missiles anti-missiles, bisque bisque rage. » Et le chef du deuxième camp répond : « Si la concentration de missiles anti-missiles sur notre territoire vous contraint à renforcer votre sécurité en construisant de nouveaux missiles anti-missiles anti-missiles, nous n’hésiterons pas à renforcer la nôtre en construisant de nouveaux missiles anti-missiles anti-missiles anti-missiles, lalalèreu. » Et le chef du premier camp répond : « C’est çui qui le dit qu’y est », et la terre explose une bonne fois pour toutes. Donc les adultes sont plus sérieux que les enfants. »
Avant de terminer par cette petite merveille : « Par ailleurs, la naïveté grotesque des enfants fait peine à voir, surtout si on veut bien la comparer à la maturité sereine qui caractérise les adultes. Par exemple, l’enfant croit au Père Noël. L’adulte non. L’adulte ne croit pas au Père Noël. Il vote. »

Et on sait comment il vote !

A ce sujet, d’un clic vous pouvez lire une excellente analyse de Mona Chollet

Extraits choisis :
« Comme celle d’un Berlusconi ou d’un Reagan - qui ne venait pas du cinéma par hasard, et qui ne faisait qu’accentuer une tendance amorcée avec Kennedy -, la victoire de Nicolas Sarkozy en France résulte d’une manipulation à grande échelle des imaginaires. Elle a été préparée par vingt ans de TF1 et de M6, de presse people, de jeux télévisés, de Star Ac et de superproductions hollywoodiennes. »

« Pourquoi mettre en place des politiques égalitaires, redistribuer les richesses, garantir à tous des conditions de vie décentes et épanouissantes, quand on peut se contenter d’accréditer la fable selon laquelle « si on veut vraiment réussir, on peut » ? Pourquoi se fatiguer à ôter les obstacles qui se dressent sur le chemin des plus défavorisés, quand on peut se contenter de couvrir d’éloges ceux qui, parmi eux, ont le jarret assez souple pour sauter par-dessus - en insinuant sournoisement, par la même occasion, que les autres doivent quand même être un peu feignasses s’ils n’y arrivent pas eux aussi ? Pourquoi se tuer à satisfaire les revendications du peuple quand on peut le payer de mots - et de belles histoires ? »

Tiens, les belles histoires, ça me fait penser à la théorie du dessein intelligent des « néocréationnistes », qui bénéficiant du soutien de Georges Deubleyou B.,  affirment que : « certaines observations de l'univers et du monde du vivant sont mieux expliquées par une cause intelligente, et non par des processus aléatoires tels que la sélection naturelle. »

Intelligent ?
Un dessein intelligent ?
Qui affame plus de la moitié de la population de la Terre, qui conduit les hommes à détruire les réserves naturelles, à piller, à massacrer, à marcher impunément sur la gueule de l’autre si celle-ci est différente de la sienne ?

Qu’est-ce que ce serait si cet hypothétique dessein était con !

Puisque nous y sommes le religieux, de tout bord, se porte fort bien, avançant à grand pas  vers l’obscurantisme et le fanatisme.

En Pologne justement, nos amis Polonais, qui font partie de l’Europe - alors que pour l’entrée de la Turquie, un pays jeune, plein de ressources, qui certes devrait faire des progrès sur le plan du respect des droits de l’homme mais qui aurait bien besoin du soutien européen pour faire barrage à l’islamisme radical, nos politiques opposent leur véto : « pas de ça Lisette, sont pas chrétiens » - bref, nos amis Polonais, qui ont élu à leur tête le sinistre duo Kaczynski, ou plutôt devrais-je dire, nos amies Polonaises, sont la cible des catholiques fanatiques. Artur Zawisza, député polonais et membre du parti "Droit et Justice", a déposé une proposition de loi visant à réprimer les "tentations sexuelles", et plus particulièrement le port de la mini-jupe, des décolletés généreux, des chemisiers transparents ou des maquillages insistants.
Il commente ainsi “sa” nouvelle loi qui pourrait entraîner certaines confusions : "Il pourrait arriver qu'une jolie jeune femme se fasse arrêter en rentrant chez elle de discothèque", et ajoute qu'il fait confiance au flair des policiers pour différencier "les femmes respectables de celles aux mœurs légères".

Pendant ce temps là en France, les voitures brulent ce qui permettra à madame Dati d’enfoncer encore plus profondément ses crocs dans les mollets de la « racaille » de banlieue et les enfants « jouent » à s’étrangler avec des foulards.

A Rome la jeunesse dorée, convaincue des bienfaits du néolibéralisme, se remplit tellement les narines de cocaïne que l’air en est pollué.

Le Liban est à feu et à sang.

Le ton monte entre la Russie et les Etats-Unis.

Et chaque jour en Irak, le nombre de morts augmente.

Conclusion : on a tout faux.

« L’économie qui changeait le monde s’est transformée en une économie du déchet. Abandonnée à l’état de détritus, la nature dévastée compose en une fois l’excrétion et le repas d’une rentabilité qui dévore tout sur son passage et se dévorera elle-même. Démanteler les usines et les services publics afin de préserver le dividende des actionnaires participe d’une gestion de l’immondice. Qu’adviendra –t-il de l’homme économisé ?  (…) il court le risque de régresser plus avant.  (…) Dans les ruines d’une civilisation marchande où l’argent détermine toutes les formes de relation, des hordes de débris humains survivent en exploitant et en massacrant leurs semblables »
Raoul Vaneigem : Nous qui désirons sans fin

Mais tout espoir n’est pas mort :

« Quand la paresse ne nourrira plus que le désir de se satisfaire, nous entrerons dans une civilisation où l’homme n’est plus le produit d’un travail qui produit l’inhumain  »
Raoul Vaneigem : Eloge de la paresse affinée

 Bonne sieste à toutes et tous! 

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