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29.03.2007

…quand on a 17 ans…

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La jeunesse d’un pays est son avenir, sa force. Les adolescents d’aujourd’hui sont déjà un reflet du monde de demain. C’est pourquoi travailler avec eux, les écouter, lire leurs écrits est essentiel.

J’enseigne dans un grand lycée de Bologne. En Italie la carte scolaire n’existe pas et les établissements du secondaire sont spécialisés. Celui où je travaille est un lycée scientifique.

L’après-midi, je donne un cours de préparation au Delf (certification en français), facultatif, donc fréquenté par des élèves motivés et ayant déjà un bon niveau d’apprentissage.
Ils ont 17 ans et sont en « terza superiore » ( le lycée dure 5 ans).

Or donc, il y a quelques jours, je leur ai demandé de rédiger un texte, dont le sujet était : « Imagine le monde en 2050 ».
Les consignes étaient très précises : 180 mots en 45 minutes, sans l’aide d’un dictionnaire.
L’appréciation de leur travail porte évidemment sur la forme et sur leur capacité d’expression en français et non sur leur créativité ou leur aptitude à imaginer le futur.
Par conséquent, concentrés sur la langue française et ses multiples pièges, ils ont laissé libre cours à leurs imaginations.
Et comment ces garçons et filles de 17 ans, brillants, joyeux et chaleureux, instruits, issus de la bourgeoisie bolognaise plutôt de gauche, vivant sans le moindre souci matériel, choyés, dorlotés, élevés aux tortellinis, portant des vêtements de marques, armés de téléphones portables, roulant en scooter, sortant tous les samedis soirs, fréquentant des groupes pour la jeunesse catholiques et ayant tous un PC leur donnant un accès illimité à Internet, voient-ils le monde de 2050 ?

D’abord, tous, sauf un qui parle de « retour au Moyen Age », prévoient des progrès technologiques stupéfiants : ordinateurs microscopiques, robots hyper performants, télé-transport grâce à une ceinture, et autres fantaisies futuristes.
Il en est de même pour la recherche médicale, les maladies seront soit éradiquées, soit aisément guérissables.

Alors, un monde parfait ?
Non, pas vraiment, car ces progrès ne concerneront que ceux, très peu nombreux, qui auront survécu à une série de catastrophes toutes plus terribles les unes que les autres. La pollution deviendra insupportable et entrainera la disparition des végétaux, le réchauffement de la planète provoquera une irrépressible montée des eaux, des pays entiers, dont l’Italie (trois fois citée), disparaitront sous les flots, il n’y aura plus d’eau potable naturelle, elle sera fabriquée en laboratoire et très coûteuse, des guerres terribles dévasteront la planète.
Les responsables ?
Les pays riches en général : « A cause de la disparition de la glace des pôles, il y aura une augmentation exponentielle de l’immigration, les pays riches accueilleront une petite partie des immigrés, à condition qu’ils travaillent pour un salaire minimum. », «  la seule chose pour laquelle nous serons tous égaux sur la terre sera l’énorme quantité de poubelles que nous sommes déjà en train de produire ».
Et les Etats-Unis en particulier : « Les USA se retireront des pays qu’ils ont occupés, en laissant une situation pire qu’avant », « les Américains auront tué beaucoup de personnes », et «  motivés par les intérêts industriels ils auront fait des guerres pour prendre tout le pétrole » et « pour voler toute l’eau ».

L’un écrit: « Nous sommes en 2050, j’ai 60 ans, ma femme est morte d’un cancer provoqué par la radioactivité, je vis dans un petit appartement avec dix personnes que je ne connaissais pas avant la catastrophe et je prie Dieu car lui seul peut nous sauver ».
Et une autre: « Il y aura des régressions dans les rapports humains, les gens seront fermés, individualistes, ils ne s’intéresseront plus aux autres ».

Finalement, après avoir lu 15 textes apocalyptiques, décrivant un monde désolé, pollué, ravagé par les guerres, la dernière copie m’offre un univers souriant, où la pollution n’existe plus, où la misère a été vaincue et où règne la paix.
Je soupire en la lisant.
J’arrive à la dernière phrase : « enfin, en 2050, la vie des habitants de la planète sera meilleure qu’aujourd’hui, mais malheureusement, en 2051, un météorite géant la détruira entièrement ».

Rien de tout cela n’est anodin. La peur s’est emparée des jeunes générations. Mes élèves vivant dans l’aisance, ils n’ont pas de motifs tangibles pour être préoccupés par leur avenir. Ils savent qu’ils iront à l’université, qu’ils auront le soutien de leurs parents, que probablement ils trouveront sans peine un emploi intéressant et suffisamment rémunéré.

Et pourtant, la peur est là.

Alors si eux, les enfants nantis, imaginent un futur tellement sombre, qu’en est-il de tous ceux que la société rejette, méprise ? Qu’en est-il de tous ceux qui n’étudient pas, qui ne trouvent pas de travail, qui n’ont aucun espoir d’avoir un jour une place, même petite, au soleil ?

Quelle vision du futur peuvent-ils avoir ?

A 17 ans, j’étais persuadée que nous allions vers un monde meilleur. Nous étions encore en période de croissance économique, les guerres semblaient loin et nous ignorions en partie la misère du monde. J’étais convaincue que la vie serait libre, facile, joyeuse.

33 ans plus tard, les jeunes occidentaux ont perdu cette insouciance.


Peut-on encore citer Rimbaud ?
« On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade »

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Je laisse le mot de la fin, d’une lucidité poignante, à l’un de mes élèves: « J’ai toujours l’espérance que le progrès de l’humanité conduira vers la paix, mais ça sera une route difficile à prendre pour une humanité qui existe seulement pour se détruire elle-même ».

A vous qui passez, je vous soumets 2 questions, si vous le voulez bien :
Vous souvenez-vous de la vision du futur que vous aviez à 17 ans ?
Ce qu’ont écrit mes petits Italiens vous parait-il conforme à ce que pensent les jeunes du même âge que vous fréquentez ?
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24.03.2007

Bali: le limage des dents, une idée à retenir

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Dans la plus basse caste, à laquelle appartiennent plus de 80% des Balinais, il n’existe que quatre prénoms. Quelque soit son sexe, le premier né est appelé Wayan, le second Madé, le troisième Nyoman et le quatrième Ketut, si un cinquième enfant voit le jour la série des prénoms recommence.
L’homme qui se précipite vers nous alors que nous descendons de notre moto, attirés une fête qui se déroule sur un terrain vague aux alentours d’un village, se nomme Nyoman. Nous sommes loin d’Ubud, en dehors des sentiers rebattus, et la cérémonie qui débute n’a rien de touristique, il s’agit en effet, comme nous l’explique Nyoman, du rite du limage des dents. Destinée à éliminer l’agressivité qui sommeille au fond de chaque individu l’opération (symbolique écrit le Lonely Planet), consiste, comme son nom l’indique, à limer les dents de devant, et particulièrement les canines, dents pointues semblables à celles des démons.
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Notre nouveau pote nous explique que cette cérémonie s’adresse aux jeunes gens en âge de quitter la famille, et nous désigne le petit groupe des fêtés du jour, occupés à défiler à la queue leu leu, inlassablement, autour d’une tente. En tête de cortège avancent les garçons vêtus de blanc, le front ceint d’un bandeau, les filles suivent en sarongs et chemisiers colorés, les cheveux relevés en lourds chignons piqués de fleurs et de feuilles dorées.
C’est là que, ô surprise, j’aperçois au milieu des filles un individu dont la platitude du torse et la stature indiquent sans doute aucun la masculinité. Ses cheveux sont cachés par un turban et un bandeau de satin jaune vif assorti à son sarong couvre sa poitrine
De peur d’être indélicate, je n’ose pas questionner Nyoman sur ce personnage, mais ma curiosité est émoustillée. L’explication qui me semble la plus logique serait celle de l’homosexualité, acceptée à un tel point que ce jeune homme puisse se ranger parmi celles dont il se sent proche, à moins qu’il ne s’agisse au contraire d’une mesure vexatoire, mais j’en doute. Sous beaucoup d’aspects, la société balinaise est très ouverte et le respect des rites et des traditions plus fort que le destin et les choix individuels de chacun.
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Ayant enfin fini de tourner – les cérémonies balinaises sont très longues, lentes, pour nous, occidentaux pressés, interminables - les jeunes gens se regroupent devant le gazebo. Les xylophones du gamelan tintinnabulent, les notables sirotent un thé sous un auvent, un prêtre fait brûler de l’encens, les femmes s’agitent et se bousculent pour assister à la suite de la cérémonie et Nyoman nous désigne le prêtre limeur de dents, puis il me pousse vers l’avant ce qui fait que je me retrouve au premier rang des spectateurs, ce dont je suis ravie, soucieuse de ne pas perdre une miette de cette originale (et symbolique dixit le Lonely Planet) cérémonie.
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Mais voilà que mon regard croise celui d’un des jeunes héros du jour et, en une fraction de seconde, j’y déchiffre quelque chose qui ressemble fort à de la peur.
Et en effet, un instant plus tard, il est allongé sur une table en bois, fermement immobilisé par quatre matrones énergiques. Le prêtre limeur lui enfonce alors dans la bouche une grossière râpe en fer, à peine extraite d’un sac d’une propreté approximative, et commence consciencieusement à raboter. La douleur se lit sur le visage du garçon et le sang coule de sa bouche.
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Je tente une manœuvre de repli, mais rien à faire, la foule enthousiaste m’enserre et j’assiste, à mon corps défendant, à la totalité de l’opération (symbolique comme dit le Lonely Planet).
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Nous nous éclipsons finalement, suivis de Nyoman qui nous entraîne dans sa maison où il nous offre un thé en nous racontant avec force détails la mort puis la crémation de sa fille.
Il nous invite à revenir ce soir pour assister au banquet et aux chants et danses qui termineront la journée. Nous hésitons un moment avant de décliner son offre, mais Ubud est loin, et, la nuit, les routes sont peu sûres, non pas à cause de la criminalité qui sur l’île est quasiment inexistante, mais à cause de la façon de conduire fantaisiste de ses habitants.

La société balinaise est remarquablement pacifique, l’agressivité y est inexistante.
Ni cris, ni énervements stériles.
Le calme.
La sérénité.

Et aujourd’hui, devant mon ordinateur, après avoir aperçu à la télé un aspirant calife vociférer en gesticulant sur la (supposée) grandeur de la France que, d’après lui, nous aurions perdue et qu’il estime être le seul à pouvoir rétablir, je me demande si nous devrions pas envoyer nos politiques se faire limer les dents à Bali.


 

19.03.2007

Bali : d’autres rites

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Loin des plages de Kuta où surfent les éphèbes australiens, la ville d’Ubud, joliment étalée au milieu des collines et des rizières en terrasses, est le centre culturel de Bali.
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Les musées et galeries d’art attirent de très nombreux touristes, majoritairement français, qui se pâment devant les peintures naïves et les sculptures en tek blond, dégustent le canard à la cendre, jouissent du confort des hôtels, se précipitent aux innombrables spectacles et recherchent frénétiquement quelque crémation à photographier, ce qui n’est d’ailleurs pas difficile, les Balinais du coin estimant fort bien les retombées économiques directes que génèrent ces hôtes venus de l’autre côté de l’horizon, en période touristique, les cérémonies funéraires abondent.
Car la crémation n’a pas lieu immédiatement après le décès. Le corps, nettoyé et embaumé, réduit à un paquet d’os, attend paisiblement dans une urne que ses parents soient financièrement prêts pour l’ultime cérémonie. Les familles fortunées organisent des crémations fastueuses, les autres se regroupent et les incinérations sont collectives.
Dans l’un comme dans l’autre cas, point de larmes ni de tristesse, ce rite permettant, bien au contraire, à l’âme immortelle du défunt de se libérer de son enveloppe charnelle et de renaître sous une nouvelle forme.
Mais pour que l’âme purifiée puisse poursuivre sa voie vers la paix du ciel il faut encore que les cendres soient dispersées dans l’eau d’un fleuve où dans la mer.
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Nous avons loué une moto pour parcourir les environs d’Ubud. La route serpente sur le flanc des collines et le vert tendre des rizières scintille sous le soleil. Des canards, en files bien ordonnées, se dandinent sur les sentiers qui traversent les plantations. L’air est doux et les enfants nous hèlent sur notre passage.
A l’orée d’un village, un important regroupement attire notre attention. C’est la fin d’une crémation collective et la fumée s’élève encore des vestiges des tours funéraires.
Celles-ci, bâties en bambou sur une tortue enlacé par un naja, symbolisent le cosmos. La base représentant la montagne du monde et son toit la montagne du ciel, le corps du défunt est placé entre ciel et terre. Les étoffes, les feuilles tressées  et les papiers colorés qui décorent la tour indiquent la richesse de la famille.
La société balinaise est divisée en quatre castes, et même si cette division s’est considérablement atténuée, elle n’a pas pour autant complètement disparu.
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Sur de petits autels sont entassés des fruits et des fleurs et lorsque nous arrivons le gamelan égrène ses dernières notes. Tous les villageois sont en vêtements traditionnels, sarongs et chemisiers moulant en dentelle pour les femmes, sarongs et chemises ou tee-shirt pour les hommes.
Certains mangent, d’autres discutent, les enfants jouent, et un chien efflanqué renifle les braises encore rougeoyantes.
Tout le monde se réjouit car les âmes des défunts sont enfin libres.
Notre présence n’attire aucune réaction particulière, on nous sourit gentiment, on nous regarde passer, quelques garçons viennent nous demander notre nationalité et une femme âgée nous offre une bouteille d’eau minérale.
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Sur le chemin du retour, enfoui dans la verdure, nous découvrons l’atelier d’un peintre. Assis par terre avec ses aides, deux jeunes garçons qui enduisent les toiles pour les premières couches, il met la dernière main à un tableau : des oiseaux colorés posés dans un délicat ensemble de feuilles finement dentelées et de fleurs chatoyantes.
C’est tout simplement superbe. Il nous fait signe de rentrer dans l’atelier, je m’assieds à ses côtés pour le regarder travailler, il m’explique que ce tableau est déjà vendu, je lui demande le prix, il me répond environ 50 dollars. Je lui demande ensuite si, un jour, quand nous reviendrons à Bali, il pourra m’apprendre à peindre, il se met à rire, bien sûr qu’il peut, il a déjà eu des élèves japonais.

Nous restons moment avec lui, puis le jour déclinant, nous repartons vers Ubud.

Et je rêve, que, plus tard, quand nous en aurons fini avec nos ennuyeuses tâches occidentales, nous viendrons passer quelques mois à Ubud et que, chaque jour, je viendrai chez le peintre pour qu’il m’enseigne son art, dans son petit atelier perdu dans la verdure.
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A suivre

15.03.2007

Bali, un petit coin de paradis

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A Bali, quelque soit le jour de l’année, le soleil se lève à 6 heures au-dessus des rizières et des temples et, à 18 heures, l’obscurité envahit la petite île.
La température aussi est stable, toujours aux alentours de trente degrés, autrement dit il ne fait jamais ni trop chaud, ni trop frais.
La seule différence entre les jours qui défilent nonchalamment au rythme des rites et des cérémonies est le fait de la mousson qui sévit d’octobre à mars, baignant les champs et les forêts.
La nature est superbe, généreuse, l’eau y est abondante, le riz y pousse facilement et une multitude de fleurs y déploient leurs corolles.
Tout cela ressemble fort au Paradis, d’ailleurs Bali est communément surnommée l’île des Dieux.
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Les Balinais, quant à eux, sont intimement convaincus d’être les élus des Dieux. Dieux auxquels ils accordent d’innombrables soins et rites.
La religion, née d’un mélange d’hindouisme, de bouddhisme et d’animisme est au cœur de la vie, elle est omniprésente, incontournable, vivante, colorée et, mêlée aux traditions, elle régit la vie des Balinais. Au sein du plus grand pays musulman du monde, Bali, perle de douceur et de beauté, résiste à toute conversion religieuse et ses habitants nourrissent pour leur terre et leurs coutumes un amour total et dévot.
Pourtant, l’île a connu la domination coloniale, non pas anglaise comme l’Inde, ni française, comme l’Indochine, mais hollandaise.
Et la guerre d’occupation fut sanglante, en 1906, les Bataves, armés jusqu’aux dents, attaquent le royaume de Badung (actuelle Denpasar), dernier fief à leur résister. Les souverains refusent de se soumettre et, accompagnés de leur innombrable famille, de leurs serviteurs et du peuple, ils marchent, mains nues, vers les troupes hollandaises qui les fusillent consciencieusement.
Puis l’île a retrouvé sa sérénité.
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Chaque matin, les Balinais déposent des offrandes, de riz, de fruits et de fleurs devant les multiples autels et dans les temples, elles sont adressées aux Dieux.
Mais ils n’oublient pas les Démons, omniprésents et qu’il faut aussi contenter, de peur de les voir surgir et nuire à l’équilibre de la société. Alors, à l’aube, chacun dépose devant sa porte une feuille garnie de riz et de fleurs qui sera la pitance du Démon. Le touriste fraîchement débarqué prendra, à tort, grand soin de ne pas piétiner les petits tas de riz qui jonchent les trottoirs, en effet, cette offrande est au contraire destinée à être foulée aux pieds. On veut bien nourrir les Démons, mais pas avec les mêmes soins que les Dieux.
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Tous ces rituels sacrés de la vie quotidienne sont destinés à aider les Balinais à atteindre la plénitude, le bonheur spirituel, l'harmonie et la paix. L’objectif premier étant de conserver intact l'équilibre du cosmos.
Pour cela, les Balinais ont bâti une société extrêmement organisée, codifiée, ou chacun se plie, apparemment de bonne grâce, à la règle commune.
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Est-ce grâce à la douceur du climat, à l’indicible beauté des paysages, à la générosité de la nature qui permet à chacun de cultiver le riz et les légumes dont il a besoin sans pour autant y sacrifier la totalité de son temps, ou à la religion qui insuffle un désir d’harmonie que rien ne peut contraindre que les Balinais sont un peuple d’artistes ?

La réponse est certainement multiple, ce qui est certain c’est que l’art est partout, sous toutes ses formes.

La musique : chaque village, chaque communauté, compte au moins un orchestre, le Gamelan, ensemble instrumental traditionnel composé principalement de percussions, dont les notes roulent comme l’eau du torrent sur la roche, accompagnant les gracieux mouvements des danseuses et des danseurs qui exécutent fidèlement de complexes chorégraphies, illustrant d’antiques luttes entre les Dieux et les Démons, entre le bien et le mal.
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La danse et le théâtre, qui font partie de l’enseignement, de la vie, et enrichissent les fêtes et les cérémonies, racontent, miment, enchantent. De nombreux artistes occidentaux se sont passionnés pour la danse et le théâtre balinais, dont Artaud qui écrivait : « Ce que j'ai toujours conçu de la nécessité pour le théâtre de représenter quelques-uns des côtés étranges des constructions de l'inconscient, tout cela est comblé, satisfait et au-delà par les surprenants spectacles balinais, qui sont un beau camouflet au théâtre tel que nous le concevons ».
La peinture, souvent naïve, colorée, luxuriante, qui elle aussi a fasciné des occidentaux à la recherche de nouveaux styles.
La sculpture, sur bois, sur pierre ou en céramique.
L’artisanat sous toutes ses formes : tissus aux fins motifs tissés, ou imprimés suivant la technique du batik, objets d’ornement, sacs, bijoux…
Dans les villages les tâches sont réparties, ici on sculpte, là on assemble, ailleurs on peint.

Partout, dans l’île du matin, comme la nommait Nehru, on sourit au voyageur qui passe, on le questionne (les Balinais sont particulièrement curieux) on hoche aimablement la tête.
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En 1937, Miguel Covarrubias, écrivait: "Les anciens Balinais ont fait de leur île un monde enchanté de Dieux, d'humains et de démons".

Puisse-t-il survivre à la mondialisation galopante, à l’appât du gain, à la pollution qui ronge, flétrit, détruit.


A suivre

 

20:55 Publié dans Voyages | Lien permanent | Commentaires (11) | Envoyer cette note | Tags : Bali

11.03.2007

1960

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Les matins de juin, quand mon père attend ses élèves en haut des trois marches qui montent à sa classe, un rayon de soleil arrive jusqu’à lui. Tellement pris par ses pensées que parfois il semble parler tout seul, il regarde sans les voir les enfants qui arrivent peu à peu de leurs hameaux lointains.
Ils sont venus à pied ou à vélo, traversant la campagne silencieuse. Ils sentent le lait, la crotte et le foin. Leurs joues sont rouges et leurs mains rugueuses.
En attendant le coup de sifflet qui marque l’entrée en classe, des petits groupes se forment, les garçons occupant le côté gauche de la cour, les filles le côté droit. Cette répartition géographique n’est pas due au hasard mais à l’emplacement des cabinets, ceux des filles sont à droite, ceux des garçons à gauche. Ceux des filles sont plus récents, plus propres et l’odeur qu’ils dégagent nettement moins corrosive que celle qui émane de ceux des garçons.

Annie, maman et moi, descendons dans la cour au dernier moment, avant, en attendant les vigoureux coups de brosse que ma mère donne à mes cheveux courts pour les discipliner – Madeleine la coiffeuse à déjà coupé mes boucles blondes – par la fenêtre du cagibi, j’ai regardé la cour se remplir. Je reste le nez collé à la vitre, observant d’en haut ces enfants dont beaucoup, surtout les garçons du certificat d’études, me font un peu peur.

Il faut dire que j’ai quatre ans. Je passe mes journées assise au fond de la petite classe, celle de ma mère, que je n’ose pas appeler maman devant ses élèves. Je fais des puzzles en bois, mon préféré représente une locomotive rouge qui crache de la fumée, j’enfile des perles colorées pour faire des colliers, avec la pâte à modeler je fabrique des escargots et des bonshommes qui tiennent difficilement en équilibre sur leurs grosses jambes, je passe patiemment un galon dans les trous d’un carton pour suivre les contours d’une poire jaune ou je copie des lettres dans un cahier à grosses lignes.
Ma mère ne s’occupe pas de moi, elle a une vingtaine d’élèves répartis sur trois niveaux et mène sa classe avec autorité et efficacité, on n’est pas là pour rigoler !
Je conçois probablement une vive jalousie à l’égard de ces bambins mal dégrossis qui me ravissent l’attention de ma génitrice car un soir, alors qu’elle corrige ses cahiers, assise à son bureau dans la classe désertée, mais encore imprégnée de l’odeur aigrelette des enfants mêlée à celles de la craie et de l’encre violette, et que, sa longue baguette en bois dans la main, je m’amuse à l’imiter en faisant une leçon de lecture à des élèves imaginaires, ma mère s’aperçoit que je sais lire. Tellement désireuse d’exister parmi tous ces concurrents en culottes courtes, j’ai concentré toute mon énergie sur cet apprentissage, essentiel à ses yeux. Le mécanisme de la lecture s’est si vite et si bien imprimé dans mon cerveau enfantin qu’il me semble avoir toujours su lire.
Dans mon livre préféré, un lièvre vagabond portant une redingote froissée, l’oreille pendante et les yeux tristes, se présente un soir à la porte d’une famille de lapins. Il demande l’hospitalité.
«- Ce n’est pas possible, répond papa lapin, nous sommes neuf, la maison est pleine comme un œuf !
-    Oooooohhhh, soupirent la maman et les petits, déçus.
-    Mais, dit papa lapin, vous pouvez dormir dans le jardin."
Le lièvre remercie et s’installe sous un arbre, de la fenêtre, les enfants lapins le regardent. Puis l’aîné lui apporte un oreiller, et un autre une couverture.
Mais voilà qu’un orage se lève, la couverture s’envole, la pluie dégringole sur le malheureux et les petits se désolent.
Alors papa lapin ouvre la porte et, à la satisfaction  générale, invite le grand lièvre en redingote à dormir devant la cheminée.
Au matin, l’invité a disparu, mais sur la cheminée, bien alignés, il a laissé neuf petits paniers emplis de bonbons.

Et moi, à chaque fois que je relis cette histoire, c'est-à-dire plusieurs fois par jour, je me dis que quand je serai grande, ma porte sera toujours ouverte pour les vagabonds aux yeux tristes.

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Et vous, qui passez sur ces pages, vous souvenez vous de vos premiers livres?

07.03.2007

Prisonnière

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Dans le pays d’Aung San Suu Kyi, quand les brumes matinales se dissipent, accrochant sur les montagnes boisées de blancs filets évanescents, les rayons du soleil dardant sur les pagodes dorées en exaltent la magnificence.
Mais, recluse dans sa maison, elle ne peut ni les contempler, ni regarder au loin scintiller l’océan.
Elle est belle.
Elle a 62 ans.
Assignée à résidence depuis des années, elle défie, calme et sereine, les militaires qui tiennent la Birmanie dans une main de fer maculée de sang et de larmes.
Alors qu’elle pourrait être libre et parcourir le monde elle a choisi de demeurer prisonnière dans son pays,
Par solidarité avec tous les dissidents politiques qui dépérissent dans les sinistres prisons birmanes.
Par amour du peuple qui, en 1990, accorde à la Ligue Nationale Pour la Démocratie, le parti qu’elle a créé, 80% de suffrages.
Suffrages inutiles car l’armée n’en tient pas compte et, refusant de céder le pouvoir, impose au pays un régime rendu encore plus cruel par la défaite et maintient Aung San Suu Kyi en liberté surveillée.
Le monde occidental s’en émeut et lui décerne le Prix Nobel, elle utilise la somme reçue, 1,7 millions d’euros, pour établir un système de santé et d’éducation.
Et refuse le billet de départ sans retour que lui propose la junte. Pourtant, à l’autre bout du monde, Michael Aris, son mari, le père de ses deux enfants qui vivent en occident à qui elle n’a pas le droit de parler au téléphone et qui ne peuvent lui rendre visite, se meurt d’un cancer.
Elle a choisi la lutte non violente et rien ne la détourne du chemin qu’elle s’est tracée.
Lorsqu’elle avait deux ans, en 1947, son père, le général Aung San, leader de la libération de la Birmanie du joug britannique et de l’occupation japonaise est assassiné. L’année suivante, la Birmanie accède enfin à l’indépendance.
Le répit est de courte durée, en 1962 le général Ne Win s’empare du pouvoir, de tous les pouvoirs. Quelques années plus tard, suivant sa mère, nommée ambassadrice en Inde, Aung San Suu Kyi quitte la Birmanie.
Elle se marie, donne la vie à deux enfants.
Quand elle y retourne, en 1988, pour se rendre au chevet de sa mère malade, le régime militaire qui sévit multiplie les massacres et les emprisonnements des opposants.
Elle décide de rester, de lutter, de toutes ses forces.
Au cours des 17 dernières années elle a été emprisonnée pendant 12 ans.
Mais sa détermination est intacte.
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La liberté du peuple birman nous concerne.
En 1995 Aung San Suu Kyi avait demandé aux sociétés internationales, dont Total, de ne plus investir en Birmanie car l’argent qu’elles généraient était utilisé par la junte pour opprimer encore plus sauvagement le peuple.
Mais les multinationales se moquent bien des larmes des pauvres, surtout quand un immense gisement de gaz peut lui assurer d’importants revenus.
Et Total a continué sa collaboration avec les sinistres généraux, fermant ses yeux pétroliers sur le travail forcé, sur les emprisonnements, sur les multiples entorses aux droits de l’homme et sur les populations déplacées à cause de la construction du gazoduc.
Des consciences mondiales ont tiré la sonnette d’alarme. Des plaintes contre la firme, pour travail forcé, ont été déposées et celle-ci a appelé un ex ministre français à la rescousse.
Monsieur Kouchner est arrivé, les mains dans les poches de sa veste, il a enquêté et a dit « C’est bon, pas de problème, tout se passe bien, Total a créé des emplois, et puis "le recours au travail forcé est une coutume ancienne”. » Ensuite il a écrit un rapport, joliment intitulé : “Relation d’un voyage et de la découverte d’une industrie muette”
Total, telle une blanche colombe, a déclaré que, depuis un certain nombre d’années, elle  « rachète» sa présence dans des pays peu démocratiques par la mise en place de projets socio-économiques.
La firme a versé quelques subsides à des ONG œuvrant en Birmanie, les généraux se sont lissé les moustaches et l’affaire en est restée là,
Depuis, rien n’a changé.

Aujourd’hui, de sa maison dont elle ne peut sortir, Aung San Suu Kyi, nous lance un appel : « Usez de votre liberté pour promouvoir la nôtre »
Un comité de soutien Askforfreedom, a été créé, il recueille des signatures pour exiger la libération de celle qui se bat, depuis des années pour que la démocratie s’installe enfin dans son pays.
Leur slogan : « Je ne suis pas libre si tu ne l’es pas ».

Certes, notre démocratie n’est pas parfaite et nous devons sans cesse veiller sur elle, mais elle existe et elle nous offre une liberté que peut-être les birmans n’osent même plus rêver.

"Ne pas prendre la défense de la liberté des autres revient à renoncer volontairement à sa propre liberté "
Vaclav Havel

Ce billet m’a été inspiré par un article de mon ami Olivier, sur son excellent blog « Plume de presse »
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03.03.2007

Une bonne nouvelle

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Dans l’actualité les bonnes nouvelles sont rares, que dis-je, rarissimes, c’est pourquoi je ne voulais pas passer sous silence le fragile rayon d’espérance lu le 1 mars dans la presse.
Le groupe pharmaceutique Sanofi-Aventis et la fondation DNDi  (Drugs for Neglected Deseases initiative) lance l'ASAQ un nouveau médicament contre le paludisme. Non breveté, ce qui permet un prix très bas, il sera accessible aux populations les plus pauvres.Les principaux contributeurs ont été Médecins sans frontières, l’Institut Pasteur, l’Union Européenne, l’Agence française de développement et d’autres financeurs publics.

Autrement dit, il semblerait qu’un large consensus au sein du monde occidental se soit mobilisé pour une cause humanitaire essentielle, la lutte contre la malaria.
Le geste est d’autant plus appréciable que la maladie ne sévit pas dans nos contrées mais sur les continents les plus pauvres, là où les conditions sanitaires ne permettent pas de se protéger.

Les chiffres sont effrayants, toutes les 30 secondes, un enfant africain meurt du paludisme. Chaque année, 350 à 500 millions de cas apparaissent dans le monde et plus d’un million de personnes sont tuées par la maladie.

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La malaria, transmise par une piqure de moustique et contre laquelle aucun vaccin n’existe à ce jour, est en pleine recrudescence, elle touche particulièrement les plus faibles parmi les plus pauvres : les enfants en bas âge, les femmes enceintes, les personnes âgées.

Ce fléau, qui décime des familles entières, n’a jamais attiré les lumières des médias.
Maladie de pauvres.
Maladie d’anonymes.

Le touriste qui traverse des régions infectées se protège en faisant une prophylaxie préventive, ou, tout simplement, en s’enduisant d’insecticide et en dormant sous une moustiquaire. Mais même ces mesures simples sont inaccessibles à beaucoup de populations.
Achète-t-on une moustiquaire quand l’argent manque pour se nourrir ?

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Il convient quand même de relativiser la bonne nouvelle.
L’ASAQ existe et son efficacité a été prouvée. Le prix d’un traitement complet sera de moins d’1 dollar pour un adulte et de 0,50 dollar pour un enfant.
Mais - pourquoi faut-il qu’il y ait toujours un mais ? – l’opération ne sera pas financièrement  rentable, et il est peu probable qu’une firme pharmaceutique accepte de financer des essais cliniques sur une molécule dont elle n’aura pas le monopole de production. Les ONG et les universités devront donc prendre le relais.

Le médicament sera proposé à prix coûtant aux structures publiques des pays touchés, aux institutions internationales, aux ONG et aux pharmacies adhérant aux programmes d'accès aux antipaludiques de Sanofi-Aventis.

Certes, un énorme travail reste à accomplir au niveau des conditions sanitaires, mais, pour la première fois, grâce à une mobilisation de plus en plus forte des consciences, un médicament créé pour soigner les plus pauvres a vu le jour.

Ce n’est pas un hasard, et, moi qui suis d’un tempérament optimiste, j’y vois un signe de solidarité, d’humanité.

Non pas que les firmes pharmaceutiques soient devenues philanthropes, elles sont avant tout des entreprises, des multinationales soucieuses de vendre leurs produits, de ce côté-là, il faudrait être bien naïf pour leur attribuer des sentiments humanitaires.

Non, ce qui a changé, c’est le poids du peuple occidental.
Toutes nos voix.
Tous nos écrits
Toutes nos pétitions.
Les mouvements altermondialistes.
Les manifestations.
Les blogs.
Tout ce qui bouge
Remue, pense aux autres.

Et finalement, ça nous donne un  sacré pouvoir.
Celui de perfectionner le monde.

Il faut y croire, ne plus courber le front devant ceux qui s’imaginent contrôler la planète.
Tous ensemble, les humbles, les petits, les oubliés ont un pouvoir énorme, celui du peuple.

Puisse ce premier pas être suivi de beaucoup d’autres.

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