L’autostrada

De Bologne à Bari, 700 kilomètres d’un long ruban gris.
Pour les gens du sud c’est le chemin de l’exil, pour ceux du nord celui des vacances.

L’autoroute est un monde clos peuplé de voyageurs aux motivations différentes : les camionneurs, les touristes, les familles italiennes, les représentants de commerce, les occupants des autocars.
Dans une station service l’un d’entre eux a déversé un groupe de personnes visiblement venues d’ailleurs, enfin pas d’Italie, ni d’aucune autre contrée occidentale. Les femmes portent des robes longues et leurs cheveux sont recouverts par des fichus colorés. Seraient-ils musulmans ? La vue d’un homme coiffé d’une chéchia nous conforte dans cette hypothèse. Je dis qu’ils sont Turcs. « Non, rétorque Fabio, à mon avis ils sont macédoniens ! »
Macédoniens ?
On parie.
Je m’approche de l’autobus pour chercher un indice. Fabio a gagné.
J’aurais pu y penser. Maintenant je me souviens de Skopje, plus précisément du quartier musulman qui me fascinait tant. Quand nous traversions en voiture le pays de Tito – il s’appelait encore la Yougoslavie – pour aller en Grèce ou en Turquie, nous faisions halte au camping de la ville. Au bazar ma mère m’avait acheté des babouches en cuir fauve décorées d’arabesques roses.

A la riche Romagne plantée d’arbres fruitiers, succèdent les collines verdoyantes des Marches et ses villages perchés.

Dans la campagne les premiers oliviers voisinent avec quelques cyprès et quelques pins parasols.
L’autoroute est bordée de lauriers en fleurs. Ils étaient pour moi le symbole de l’été. Enfant de l’arrière de la 404, je les guettais et quand ils apparaissaient je savais que nous étions, enfin, dans le sud, que la mer était proche.


A Ancône je l’aperçois, grise et plate, elle se confond avec le ciel, elle disparaît derrière les immeubles.


Les Abruzzes, Molise, toujours des collines, au loin des montagnes, celles qu’il y a longtemps le père de John Fante avait quitté pour la mythique Amérique, la terre promise des immigrés qui n’en pouvaient plus de gratter une terre ingrate.

Il pleut, drôle de mois de Juin !

Peu avant Foggia nous atteignons enfin les Pouilles, elles commencent par une grande plaine cultivée. Les épis de blés frissonnent sous un ciel de plomb. Quelques éoliennes tournent mollement.

Nous poursuivons notre chemin et le paysage change à nouveau. Les champs sont séparés par des murs de pierres sèches et des buissons de figuiers de barbarie (quel drôle de nom !).

Dans la banlieue grise et confuse de Bari nous quittons enfin l’autoroute pour remonter à l’intérieur des terres, vers les Murges, vers notre but, Santeramo in Colle.

Nous avons retrouvé la terre rouge planté d’oliviers.

Les maisons blanches de Cassano luisent sous la pluie.

C’est le moment que choisit mon Panasonic pour me déclarer qu’il n’a plus envie de faire de photos, sa batterie est vide.
Il faut dire que je ne l’ai pas épargné.
Pour obtenir le piètre résultat que j’expose dans ce billet j’ai pris une bonne centaine de clichés.

A Santeramo, comme chaque soir, les voitures tournent avec application dans les rues étroites et nous avons des difficultés à trouver une place pour nous garer.
Le long d’un trottoir un individu se disant habilité nous réclame 50 centimes pour deux heures de stationnement.

Il n’y a pas de doutes, nous sommes dans l’autre Italie !

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