Tabacco

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” J’ai été discriminé pour beaucoup de choses dans ma vie; pour avoir les cheveux longs, pour être communiste, pour écrire ce qu’il ne fallait pas écrire, pour être « extra communautaire ». Maintenant il m’arrive une nouvelle discrimination : être fumeur “.

Cette phrase, écrite par Miguel Angel Garcia, sociologue argentin exilé en Italie, sur le bandeau de son blog Tabacco, en donne le ton.

Ironique, décalé, subversif, allant à l’encontre de la redoutable “bien-pensance” actuelle qui n’en finit pas d’interdire, de culpabiliser, d’empêcher de jouir de la vie, le blog Tabacco (en italien et en espagnol) explore et détaille les vilains dessous et les incohérences de la campagne prohibitionniste menée contre le tabac.

Il nous apprend par exemple que celle-ci trouve ses racines dans le nazisme.

« Pour les nazis il devait y avoir qu’un seul style de vie, celui préconisé par l’Etat : « Notre corps appartient à la nation, notre corps appartient au führer, nous avons le devoir d’être sain » (Robert Proctor, The nazi war on Cancer, chap. 5).
Ce principe, qui légitimait l’élimination de tous ceux qui n’étaient pas conformes à la norme, fut appliqué avec les conséquences que l’on sait.
Quant à l’usage du tabac, il fut condamné dès 1933 et associé à la judaïcité.

Mais finalement les nazis perdirent la guerre. Celle-ci fut gagnée par « les juifs, les noirs, les fumeurs et les autres persécutés ». (Miguel Angel Garcia)
Ce qui mit provisoirement fin au militantisme anti tabac.

Ce n’était que pour mieux renaitre. Dans les années 50, s’inspirant de la propagande anti tabac crée par les nazis, des américains relancent les attaques. Reprenant entre autres le concept de « tabagisme passif » (Passivrauchen, terme inventé par le médecin nazi Fritz Lickint).

Je sais bien en écrivant ces lignes que les critiques vont fuser. Défendre le tabagisme, quelle horreur ! Il y va de la santé publique ! La fumée incommode ! Et que fait-on de la liberté des non fumeurs ?
Loin de moi l’idée de soutenir l’idée que le tabac est bon pour la santé. Il crée des dommages sanitaires qui, au même titre que l’alcool et la goinfrerie responsables de dégâts cardio-vasculaires, nécessitent des soins payés par l’ensemble des assurés sociaux (et l’intéressé lui-même via ses cotisations il ne faut pas l’oublier). Mais si, comme Miguel, on regarde un peu plus loin que le bout de son nez, si on prend la peine de réfléchir, on ne peut que se poser des questions, dérangeantes, sur ce prohibitionnisme. Car c’est du rapport avec son propre corps dont il est question. Du droit de chacun à disposer de soi-même.

Autant il me semble évident, par respect d’autrui, de ne pas fumer lorsque les effluves de tabac peuvent importuner des non fumeurs, autant interdire systématiquement la consommation de tabac me semble être une mesure excessive, discriminatoire, culpabilisante.
Surtout quand parallèlement rien n’est fait contre la pollution et qu’on met dans nos assiettes des aliments d’origine douteuse.
Les relents fascistes larvés dans cette campagne anti-tabac sont inquiétants, d’autant que les religions, en plein regain d’activité prosélyte, accompagnent le chœur de leurs litanies obscurantistes.
Méfiance, le refrain, en ces temps où la peur et la haine se disputent la vedette, pourrait bien devenir : pas de fumeurs, pas d’homosexuels, pas de malades, pas de pauvres, pas d’étrangers, pas de gitans, pas de vilains petits canards, tout le monde en rang, au boulot et ça saute !

Lorsque l’équilibre est rompu et que le fanatisme l’emporte sur la raison, les libertés individuelles disparaissent et les dictatures s’installent.

Auteur de nombreuses études sur l’immigration (et fin cuisinier comme je l’ai découvert dimanche) Miguel a quitté l’Argentine dans les années 1970, il a vécu au Mexique (à Tijuana) à Rome, et maintenant à côté de Bologne.
Il est aussi spécialiste de l’hypertexte. (voir le site Barrio)
« Le réseau c’est le contraire de la frontière. La frontière contient, sépare, le réseau unit. L’existence de ce réseau universel qu’est internet, représente le rêve de chaque immigré, parce qu’il permet à chacun le degré de clandestinité qu’il souhaite . »

Ecrivain, amoureux du tango, il a publié en 2005 un recueil de nouvelles intitulé « Il maestro di tango ».

« Je me retrouve dans les limbes du migrant, seul et sans appartenance, inadéquat ici et là, à la recherche d’une forme, d’une limite corporelle qui contienne mon identité, et risquant toujours de me rompre en mille morceaux ».

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Les illustrations de ce texte sont des œuvres, superbes, de notre amie bourrée de talent: Nole (site en construction nole.biz)

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