Cercle de silence et racisme revendiqué

Samedi, sur la place de Draguignan, j’interpelle les passants.
A mes côtés, un cercle de silence, plutôt bavard d’ailleurs le cercle ce matin !
Moi aussi je cause, un sourire en étendard et dans la main des tracts de la Ligue des Droits de l’Homme et RESF que je tends aux badauds.
C’est une invitation à rejoindre le cercle pour affirmer ensemble :
« Nous refusons que chaque jour, des personnes sans papiers soient arrêtées, mises en centre de rétention, expulsées ;
Nous refusons que soient appliquées en notre nom des décisions politiques qui broient des familles, des couples, des individus.
Nous refusons que des hommes, des femmes, des enfants, subissent des traitements inhumains et dégradants.
»
Je propose aussi des pétitions  de RESF, l’une générale « Laissez-les grandir ici », l’autre particulière pour empêcher que Taron Hovhannissyan, un jeune garçon arménien, à Marseille depuis 2006 avec sa famille et dont le père travaille, ne soit expulsé. Il étudie au lycée Saint Charles, c’est un très bon élève. Ses professeurs et ses camardes ont lancé un appel.
Tiens, justement, ce samedi, c’est un jour de mémoire, en souvenir du génocide des Arméniens. Certaines âmes qui aujourd’hui s’indignent de ce massacre cautionnent sans hésiter le retour forcé d’un jeune homme dans un pays que sa famille, persécutée, a dû fuir il y a dix ans.

Il y a celles et ceux qui ne m’accordent pas même un regard ou qui se figent un instant avant de reprendre leur promenade. Ils secouent la tête, ajoutant parfois que cela ne les intéresse pas, qu’ils n’ont pas le temps ou qu’ils veulent lire le tract que je suis parvenue à leur donner avant de signer quoique que ce soit. Méfiance, méfiance.

Il y a celles et ceux qui, passant leur chemin lancent, bravaches :
« Moi je suis raciste ! »
« Les expulsions, je suis pour ! »
Ou encore le sempiternel « Zavaient qu’à pas venir ! »

Et moi : « On peut en discuter ?».  Non, ils ne veulent pas en parler. Racisme ordinaire, constamment flatté par un gouvernement indigne qui discrimine, rafle, expulse des hommes, des femmes, des familles, venus chercher, dans une France idéalisée, une vie moins misérable, du travail,  la possibilité d’un avenir pour leurs enfants. Un gouvernement qui divise pour mieux asseoir son pouvoir, pour mieux exploiter un peuple qu’il méprise.

Quand j’étais (il y a fort longtemps) étudiante, le racisme était mal vu. Les rares énergumènes  qui le revendiquaient  s’exposaient à des critiques acerbes générales.
Aujourd’hui, tristes pantins, ils pavoisent. Réactionnaires xénophobes ânonnant stupidement les élucubrations de quelques auteurs conservateurs mis en valeur par des médias vendus à un pouvoir lui-même à la botte des puissances économiques. Là où passe le marché bourgeois, l’humanité trépasse.
« Le racisme demeure aujourd’hui l’un des traits significatifs des sociétés européennes. Le discours identitaire moderne fonde une nouvelle stratification des groupes humains basée non pas sur la biologie mais sur les différences culturelles entre groupes « ethniques ». »

Mais heureusement, ce matin, sur la place de Draguignan, d’autres savent, comprennent, répondent à mon sourire et signent les pétitions. Elles et ils sont nombreux. Beaucoup plus que les racistes fiers de l’être.
« Vous avez-vu, me dit une jeune femme, ils veulent même empêcher les enfants  de jouer au foot ! Je l’ai vu hier à la télé ! C’est dégueulasse ! »

Pour finir je laisserai la parole à ce couple âgé, bras dessus, bras dessous, tirant son chariot à roulettes en direction du marché:
« Merci de faire ce que vous faîtes nous ne reconnaissons plus la France. Nous avons honte ! »

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