A.

Je l’ai croisée dans un couloir du lycée. A son sourire j’ai compris qu’elle me cherchait.
Elle a marqué un petit temps d’arrêt, comme un oiseau qui hésite à prendre son envol. Et puis elle m’a dit :
« Je ne pourrai plus venir à votre cours de l’après-midi. »
Je lui ai répondu que c’était dommage alors elle m’a expliqué qu’à cause d’un problème de santé elle devait être hospitalisée.
« Oh ! Je suis désolée pour toi. J’espère que ce n’est pas grave. »
Elle incliné la tête, secouant ses boucles blondes. Sa bouche souriait mais je lisais dans ses grands yeux bleus comme une attente inquiète, comme un questionnement muet que je ne savais déchiffrer.
Je l’ai sentie respirer puis elle a dit :
« Je suis anorexique. »
Et moi je suis reste muette. Je n’ai pas eu tout de suite les mots pour lui exprimer ce que je ressentais : de la peine, de l’émotion, de la tendresse.
A la voir, frêle et gracile, j’avais bien pensé qu’elle pouvait souffrir de cette maladie mais cet aveu, cette confiance qu’elle m’accordait en me révélant son mal m’ont touchée.
Doucement j’ai posé ma main sur son épaule.
Je voulais par ce contact lui transmettre mon émotion et le soutien que je lui apportais.
Puis je lui ai dit qu’avoir la force de nommer sa maladie et d’entamer une thérapie était le premiers pas vers la guérison et l’un des plus difficiles.

J’ai beaucoup pensé à elle aujourd’hui et à toutes ces jeunes filles, décalées, en inadéquation avec le monde qui les entoure et dont le corps réagit avec cette inouïe puissance mortifère.

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