Auguri, Agnus

Sini a retrouvé Agnus, sa fille. Elle ne l’avait pas vue depuis 4 ans.
Et si peu vue, quelques instants de tendresse accordés par la directrice de l’école, un gâteau et six bougies pour fêter son anniversaire.
Nous étions là et de ces images nous avons fait un film documentaire.

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Puis, à la suite d’une longue action judiciaire, Sini a obtenu qu’Agnus vive de nouveau chez ses parents et non pas, comme pendant six ans, dans la famille de son ex-mari, où des tantes indifférentes, avides des subsides fraternels et préoccupées par leur progéniture n’ont accordé à la fillette ni amour ni attention.

Les premiers semaines de son retour chez ses grands-parents maternels, aimants et fous de joie de la retrouver, Agnus volait de petites sommes d’argents, quelques roupies, et s’achetait des bonbons et des glaces. De l’Italie où elle travaille dur, Sini a dit « Ce n’est pas grave, pendant des années elle a été privée de tout ce qui lui faisait envie. Elle rattrape le retard, ça passera tout seul. »
Et c’est passé.

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Aujourd’hui Agnus et Sini rayonnent. Elles dorment ensemble, s’enlacent pour marcher, rient, plaisantent, comblent de tendresse les béances des années douloureuses.

Bientôt Sini repartira. Là-bas, en Italie, Roy attend son retour. Les dernières années ont été difficiles et ils  n’ont pas encore assez d’argent pour pouvoir retourner en Inde et mener à bien leurs projets.
Et puis, avant de pouvoir vivre ensemble au Kerala, avec Agnus, comme ils le souhaitent, il faudra que la fillette et ses grands-parents connaissent Roy et l’acceptent. Qu’ils se marient aussi. Ici, on ne vit pas en concubinage, ou alors, en secret, ailleurs, loin de la famille.

Mais désormais leur union est possible, puisque Sini est divorcée. Son ex-mari, lui, n’a pas pris autant de précautions pour mener sa vie, à peine le divorce prononcé, il s’est remarié. Pour les hommes, tout est plus facile.

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La loi indienne accorde aux femmes des droits pratiquement similaires à ceux des occidentales. Si une épouse demande le divorce, elle l’obtient aisément, surtout si elle est victime de violences. Les avocats sont efficaces et nombreux et les procédures plus rapides qu’en Italie (où elles sont particulièrement longues).
Malgré cela, rares sont les femmes qui parviennent à se libérer de l’emprise d’un mari brutal ou d’une belle-famille cruelle. Le problème ne réside pas dans la justice ou son application mais dans les mentalités.
Une femme qui décide de divorcer attire sur elle-même et sa famille d’origine l’opprobre de la société environnante. Les langues malfaisantes se délient, les regards fuient, les sourires se dissipent.
Très souvent, rejetées par leurs propres parents, les femmes qui choisissent de divorcer doivent quitter leur village ou leur quartier.
Partir, tout recommencer.
Abandonner aussi leurs enfants car ceux-ci appartiennent aux familles de leurs pères. On laissera une fille partir avec sa mère, parfois même avec soulagement car ainsi on n’aura pas à payer la dot mais certainement pas un fils.

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Dans son malheur Sini a eu de la chance. Celle d’avoir rencontré Roy en Italie, celle aussi de n’avoir pas été rejetée par ses parents. Ne craignant pas d’entacher leur réputation, jamais ils ne lui ont fermé leur porte et, passées les réticences initiales, ils l’ont aidée dans sa démarche.

Voilà, aujourd’hui Agnus a dix ans. Elle porte fièrement la belle robe de sa communion car Sini était absente ce jour-là. Elle a invité ses copains et ses voisins. Il y a un buffet de douceurs, sucrées ou épicées, et un beau gâteau blanc où est écrit « Auguri Agnus ».

Et il y a tant de tendresse et de bonheur que l’émotion m’envahit.

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